Un gène ''zombie'' aiderait les éléphants à combattre le cancer

Une étude américaine vient de découvrir le gène luttant contre le cancer chez les pachydermes. D'origine très ancienne, c'est une arme très efficace contre cette pathologie.

De Guillaume Marchand
Malgré leur taille impressionnante, les éléphants ne sont que rarement touchés par le cancer.
Malgré leur taille impressionnante, les éléphants ne sont que rarement touchés par le cancer.
PHOTOGRAPHIE DE National Geographic

Alors qu’aujourd’hui le cancer est l’une des principales causes de mortalité chez l’Homme, il n’en est rien chez l’éléphant. Pourtant d’un point de vue physiologique, l’animal terrestre le plus massif du monde semblerait être un candidat tout choisi pour cette maladie. Cependant, l’équipe menée par Vincent Lynch, biologiste de l’évolution à l’Université de Chicago, vient de lever le voile sur une partie du mystère de l’incroyable résistance génétique de ces colosses dans une étude publiée dans la revue scientifique Cell Reports. Selon celle-ci, leur résistance à cette pathologie serait due à la présence d’un gène qui détruit les cellules dont le patrimoine génétique est endommagé : facteur inhibiteur de la leucémie 6 ou LIF6.

La plupart des mammifères ont un gène LIF mais la particularité de l’éléphant est qu’il en possède plusieurs. Initialement, la fonction première de LIF réside dans l’inhibition de la différenciation cellulaire, lorsqu’une cellule passe d’un état indifférencié à un état spécifique dans une partie du corps, afin de contrôler la croissance d’un individu. Il est également connu pour son rôle dans l'amélioration de la fertilité. En revanche, chez l’éléphant, la sixième version du gène a subi des modifications dans son comportement. Elle élimine désormais les cellules sujettes à des mutations pouvant être à l’origine de cancers.

D’après les scientifiques de l’étude, le gène serait apparu il y a environ 59 millions d’années chez les ancêtres des éléphants actuels et des mammouths. À l’époque inutile, il aurait évolué conjointement avec les espèces. Endormi jusque-là, le gène « zombie » serait sorti de sa léthargie et devenu fonctionnel.

 

UNE CASCADE GÉNÉTIQUE FATALE

Activé par le gène TP35 chargé de détecter l’ADN endommagé, LIF6 rentrerait en action dans les mitochondries des cellules mutées. Une mitochondrie est un élément de la cellule chargé de lui fournir de l’énergie. Lorsque les protéines issues du gène pénètrent dans ces dernières, elles ouvrent les parois des mitochondries dans lesquelles se trouvent des molécules toxiques pour la cellule hôte. Ainsi ayant ces molécules dans son environnement interne, la cellule touchée meurt.

À l’instar de LIF6, le gène TP53 est notamment responsable de la résistance des éléphants au cancer. Présent chez tous les mammifères, il est vital pour la prévention de la maladie. Ce gène code pour une protéine appelée p53 qui veille à la bonne structure de l’ADN. Dès qu’une cellule est endommagée, p53 se fixe sur les mutations concernées qu'il peut soit réparer, soit en bloquer la division cellulaire voire déclencher l’apoptose, la mort cellulaire.

Une étude publiée en 2015 dans la revue scientifique eLIFE et toujours menée par le Dr Lynch avait démontré que, contrairement à l’Homme qui ne possède qu’une copie de TP53 dans son ADN, l’éléphant en comprend 20. Une étude de l’Université de l’Utah publiée dans la revue Jama Network était arrivée à la conclusion similaire durant la même année. Ce nombre important de versions de gènes lui permet d’être plus présent et plus performant dans les cellules.

 

LE PARADOXE DE PETO OU LES STRATÉGIES DE LUTTE CONTRE LE CANCER

Le cancer est un groupe de maladies dans le cadre desquelles se développent des tumeurs liées à une multiplication incontrôlée de cellules mutées. Ces mutations sont dues à l’accumulation d’erreurs dans les gènes des cellules se dupliquant.

L'éléphant de savane d'Afrique (Loxodonta africana) est le plus gros animal terrestre du monde. Il mesure en moyenne 4 mètres à l'épaule pour un poids d'environ 6 tonnes pour le mâle et 4 tonnes pour la femelle.
PHOTOGRAPHIE DE Destination Wild - Nat Geo Wild

Il serait alors cohérent d’imaginer qu’un animal grand et massif tel qu’un éléphant comprenant un nombre très élevé de cellules - de l’ordre du billion - soit plus susceptible de posséder des mutations cellulaires responsables d’un cancer. De la même manière, un animal vivant plus longtemps a également logiquement davantage de risques de détenir des modifications génétiques délétères. Or chez les mammifères, cette vérité ne s’applique pas. Un Homme a, par exemple, autant de chances de développer un cancer qu’une souris. Cette antithèse scientifique établie dans les années 70 se nomme le « paradoxe de Peto ». Il permet d’expliquer entre autres les nombreuses stratégies des grands mammifères leur permettant de déjouer la pathologie.

Outre les mécanismes génétiques mis en place par les pachydermes, ces animaux semblent avoir d’autres ressources pour lutter contre le cancer. La principale autre stratégie étant leur métabolisme lent, il leur permet ainsi de limiter les erreurs dans la duplication cellulaire.

Le modèle génétique de l’éléphant peut être très inspirant pour l’Homme et pourrait dans les années à venir aboutir à de futurs axes de recherches de traitements contre le cancer.

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