Au fil des merveilles aquatiques de l'Ontario

L'eau douce s'écoule en abondance à travers la province, de quoi plonger chaque jour dans un nouveau monde de découvertes.

De Michael George
Publication 19 sept. 2024, 12:33 CEST
Le photographe National Geographic Michael George part à la découverte de l'Ontario, à la rencontre d'aventuriers et d'artisans inspirés au quotidien par l’eau.

L'Ontario est une province canadienne aux statistiques impressionnantes ; on y trouve notamment la plus grande ville du Canada, plus de 160 groupes culturels et environ 16 millions d'habitants. Autre chiffre insolite, la province possède près de 250 000 lacs. Renversant. J'ai grandi dans une région côtière et l'eau a toujours exercé sur moi un pouvoir d'attraction, comme la promesse d'un élixir de jouvence. En apprenant que la province nouait une relation si spéciale avec l'eau, il m'est apparu tel un devoir de l'explorer par tous les moyens. 

En quête du renouveau que seul le voyage procure, je m'élance sur les routes de la province pour explorer l'Ontario à travers ses innombrables miroirs d'eau. En tant que photographe et auteur, je pense que la meilleure façon de découvrir une destination est de s'intéresser à ses habitants et c'est bien ce que je compte faire, à commencer par un arboriculteur au cœur du domaine cultivé par sa famille depuis quatre générations.

Les visiteurs de la centrale électrique Niagara Parks peuvent prendre un ascenseur depuis le hall d'entrée vers ce tunnel long de 670 mètres qui conduit à une vue inédite sur la base des chutes.

PHOTOGRAPHIE DE Michael George

Au crépuscule, un arc-en-ciel jaillit des eaux pour dominer les chutes du Niagara. À ses pieds, ce n'est pas une malle au trésor que l'on devine, mais plutôt l'un des bateaux de la compagnie Niagara City Cruises qui emmène les visiteurs se rafraîchir dans la brume.

PHOTOGRAPHIE DE Michael George

 

CHUTES DU NIAGARA

En traversant les villes aux abords des chutes du Niagara, je suis surpris de découvrir à quelle vitesse les immeubles cèdent la place à un horizon d'arbres fruitiers. Ces vergers, Arnie Lepp les a vu grandir et récemment, il a fondé la distillerie artisanale Spirit in Niagara à Niagara-on-the-Lake. Après plusieurs décennies passées à vendre leur production, Arnie a eu une idée remarquable de simplicité pour réduire le gaspillage : le transformer en une délicieuse eau-de-vie. 

L'une de ses créations originales, un plumoncello, cousin du limoncello à base de mirabelles, vient tout juste de remporter la médaille d'or au concours Bartender Spirits Awards. Si les vergers d'Arnie se portent aussi bien, c'est en partie grâce à l'influence du lac sur le climat qui adoucit l'hiver et permet aux arbres de survivre. « Sans le lac, nous ne serions pas là », résume Arnie. Voilà un nouveau pouvoir que je m'empresse d'ajouter à mon glossaire de l'eau.

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    Gauche: Supérieur:

    Fondateur de la distillerie Spirit in Niagara, Arnie Lepp examine l'un des nombreux pêchers de son verger. Afin de réduire le gaspillage tout en améliorant la durabilité de son activité, la distillerie utilise les fruits qui auraient dû être écartés pour élaborer une étonnante gamme de spiritueux.

    Droite: Fond:
    Photographies de Michael George

    Même si, non loin de là, il existe un lieu où la puissance de l'eau se révèle aux yeux du monde, le spectacle ne s'arrête pas là. Tout le monde visite Niagara pour les chutes, mais il s'y cache une autre merveille tout aussi impressionnante, construite par l'Homme. Inaugurée en 1905, la centrale a produit de l'électricité pendant près d'un siècle avant d'être transformée en attraction souterraine par la Commission des parcs du Niagara. La salle du générateur est ouverte nuit et jour, on y trouve des expositions interactives ainsi qu'un sublime spectacle de lumières qui allie pédagogie et divertissement. 

    Après avoir pris l'ascenseur pour descendre à cinquante mètres sous terre, j'accède à un tunnel au bout duquel m'attend une rencontre intime avec les chutes Horseshoe. Autrefois, ce tunnel libérait l'eau de la rivière Niagara après son passage dans les turbines ; de nos jours, il emmène les visiteurs dans la brume bien souvent transpercée d'un arc-en-ciel.

     

    SOUTHAMPTON - SAUBLE

    Prochaine étape, je me dirige vers Southampton pour rencontrer une artiste autochtone locale, Emily Kewageshig. Emily est anichinabée et son art explore l'interconnexion des formes de vie, avec une esthétique évoquant la fluidité qui illustre la façon dont l'eau nous connecte tous. Alors que nous marchons autour du lac Huron, elle regarde au loin. « L'eau incarne la vie, nous venons de l'eau et toutes les formes de vie en ont besoin pour survivre. » 

    Alors que nous avançons sur l'avenue principale de Sauble Beach, elle attire mon regard sur quelques curiosités locales, comme le panneau Welcome to Sauble Beach et son charme d'une autre époque, puis nous regagnons son studio à quelques pas de là. Sur les murs blancs, ses tableaux rayonnent tels des joyaux. Chaque œuvre vous absorbe et force votre regard à naviguer le long des courbes qui la composent. En les observant, j'ai l'impression de méditer, je saisis alors toute l'influence de son harmonie avec le lac sur ses créations.

    Emily Kewageshig est une artiste et conteuse visuelle autochtone, issue de la réserve des Premières Nations Saugeen 29. Elle pose ici dans son studio derrière un tableau inspiré de mon voyage à travers l'Ontario.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael George

    Vue aérienne de Southampton, l'une des nombreuses villes de charme qui bordent le lac Huron.

    PHOTOGRAPHIE DE Michael George

     

    PARRY SOUND - PARC PROVINCIAL KILLBEAR 

    En cours de route, je fais connaissance avec une autre locale intimement liée à ces cours d'eau, Tori Baird, exploratrice intrépide et fondatrice de Paddle Like a Girl. Après quelques instructions, je m'installe à bord de mon propre canoë et je glisse sur les eaux de la rivière Magnetawan, non loin de Parry Sound. 

    Nous croisons des nuées de nénuphars en fleurs, une forêt de pins verdoyante et une myriade de créatures.

    J'interroge Tori sur sa connexion avec la rivière, tout en essayant de pagayer à ses côtés. « Ici, on est libres. On déjeune seuls sur une île inhabitée. Les cours d'eau se succèdent et nous offrent la possibilité de fuir le monde pendant plusieurs jours. C'est bon pour le corps, l'âme et l'esprit », déclare-t-elle. Bien qu'il soit impossible d'arpenter les 250 000 plans d'eau que compte la province, Tori est en bon chemin, avec plusieurs lointaines expéditions à son actif et une parfaite connaissance de la rivière. À ses yeux, le canoë est une façon de galvaniser les femmes et de les libérer de leurs responsabilités quotidiennes. 

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      Tori Baird se dirige vers une petite île de la rivière Magnetawan à proximité de Parry Sound. Tori est la fondatrice de Paddle Like a Girl, un atelier inclusif de canoë et d'activités de plein air dont la mission est de faire découvrir la beauté et la tranquillité de mère Nature.

      PHOTOGRAPHIE DE Michael George

      Pagaie artisanale à la main, Tori Baird se tient à côté de son canoë sur les berges de la rivière Magnetawan.

      PHOTOGRAPHIE DE Michael George

      Je réalise en regagnant la rive que, malgré l'omniprésence de l'eau, je n'en ai pas avalé une seule goutte durant ces quelques heures de canotage. Sous une chaleur inhabituelle, je fouille dans mon sac à la recherche de ma gourde, restée fraîche à l'ombre de mon siège. Après d'innombrables coups de pagaie, je me réjouis d'une gorgée revigorante, rafraîchissante et, bien entendu, hydratante. Le pouvoir de l'eau se décline sous toutes les formes, de ces quelques gouttes qui me ramènent à la vie à l'immensité de la rivière qui s'écoule sous nos yeux.

      Bien que l'idée de passer toute la journée sur ces rivages me paraisse séduisante, Tori me suggère de poursuivre mon aventure aquatique à quelques encablures de la rivière Magnetawan. Le parc provincial Killbear est délimité par 12 kilomètres de berges rocheuses arrondies par le temps, ce qui facilite l'accès à l'eau. Le parc occupe l'intégralité d'une péninsule de la baie Georgienne. Quelle que soit ma localisation, il y a toujours une plage de roche ou de sable à proximité. En marchant sous un soleil flamboyant, je découvre plus d'activités nautiques que je ne peux en compter. 

      À ma gauche, des familles s'aventurent sur l'eau en kayak, en paddle ou à la nage. À ma droite, j'aperçois des jet-skis et toutes sortes d'embarcations, ainsi qu'une file d'amateurs de sensations fortes qui s'apprêtent à plonger. Killbear est suffisamment grand pour offrir à chacun l'espace et la tranquillité qu'il recherche. Qui plus est, ce refuge naturel ne se trouve qu'à « quelques » brasses de la perle autoproclamée des trente mille îles : Parry Sound.

       

      WHITBY

      Après ce temps consacré à l'exploration de l'eau dans sa forme liquide, l'heure est venue de faire preuve d'imagination en goûtant aux pouvoirs curatifs de sa vapeur. La station thermale Thermëa à Whitby adopte l'approche nordique classique en trois temps : chaleur, froid, repos. Pour le premier, elle dispose de saunas, notamment celui baptisé Hälo, un refuge dont la voûte translucide aux lueurs rosées est assemblée en blocs de sel de l'Himalaya. Dans un hammam spécialement prévu à cet effet, leurs experts du bien-être guident les visiteurs à travers un soin au rhassoul. 

      L'un d'entre eux, Robin Pacquina, décrit poétiquement l'expérience : « Le mot lui-même vient du marocain et signifie laver, purifier. En entrant dans la salle, la vapeur est si épaisse qu'elle donne l'impression de marcher dans un nuage, ce qui permet de se concentrer sur soi. Nous utilisons un exfoliant à la gelée royale, la substance produite par les abeilles exclusivement pour leur reine. Après un rinçage sous une pluie d'eau chaude, nous passons à l'étape suivante, un masque d'argile accompagné d'un massage, suivi par un soin hydratant à l'huile d'argan. »

      En pénétrant dans le sauna Hälo de la station thermale Thermëa de Whitby, les visiteurs sont accueillis par un somptueux plafond voûté, construit en blocs de sel de l'Himalaya.

      PHOTOGRAPHIE DE Michael George

      Sans même recevoir le soin, j'étais déjà un nouvel homme. En scrutant la vaste propriété et ses bassins d'eau chaude ou froide à perte de vue, ses visiteurs détendus déambulant dans leur peignoir, j'ai l'impression d'être sur un campus universitaire de disciples du zen. J'ai hâte de m'y inscrire pour un semestre complet, mais une nouvelle aventure m'attend dans le comté de Prince Edward.

       

      COMTÉ DU PRINCE-ÉDOUARD

      Souvent simplement appelée « The County » (le comté), cette région de l'Ontario offre un paysage bucolique digne d'une carte postale avec ses fermes pittoresques, ses maisons historiques et ses somptueuses vues sur le lac, sans même avoir à quitter la route. Cerise sur le gâteau, les locaux mettent un point d'honneur à préserver la beauté précieuse de leur territoire… et ils n'hésitent pas à partager ses trésors. En passant aux abords de la ferme aux lavandes du comté de Prince Edward, le parfum qui s'en dégage me met dans les conditions idéales pour la prochaine escale de mon odyssée.

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        Sur les routes du comté de Prince Edward, un paysage de carte postale se dessine à chaque virage. Souvent appelé simplement « The County » (le comté), c'est une région pittoresque où vous découvrirez fermes et villages chaleureux nichés sur un cap du lac Ontario.

        PHOTOGRAPHIE DE Michael George

        Au restaurant Stella’s Eatery, la chef Leah change le menu tous les jours pour accueillir les dernières pépites des fermes avoisinantes. Chaque plat est une création artistique dont les saveurs rivalisent avec des tables autrement plus onéreuses. 

        Le soir venu, je me présente juste avant le coup de feu pour rencontrer la copropriétaire, Cristina Meillon, et alors que la salle se remplit, l'atmosphère s'apparente à une soirée des plus décontractées chez des amis, pour un plaisir sans fausse note. La bruschetta allie aux tomates de saison une feta battue si légère qu'elle me semble animée. La carte offre également d'autres incontournables, comme les croustillants de lapin ou le brochet grillé, qui relèvent tous deux le défi d'offrir des saveurs à la fois raffinées, fraîches et incisives. 

        La seule idée qui réussit à m'arracher à ces délices est la perspective d'un merveilleux coucher de soleil. Cristina comprend et me décrit la vue depuis Slake Brewing. 

        Un assortiment des plats de la ferme à l'assiette proposés par le restaurant Stella's Eatery, notamment les spécialités du chef, comme la bruschetta aux tomates et le brochet grillé.

        PHOTOGRAPHIE DE Michael George

        En arrivant à la brasserie, ses mots prennent vie lorsque je découvre le bâtiment installé au sommet d'une colline. La terrasse et les grandes fenêtres offrent une vue panoramique sur le paysage vallonné en contrebas. 

        L'un des trois propriétaires de Slake Brewing, Greg, vient à ma rencontre sur une table en bois à l'extérieur et m'explique comment ils acheminent l'eau du lac Ontario pour brasser la bière. En sirotant une IPA expressive face aux nuances orangées du soleil qui touche l'horizon, je découvre un nouveau pouvoir de l'eau. En distribuant les drêches issues du brassage aux animaux des fermes voisines, Slake Brewing participe à une économie circulaire. 

        Chaque nom de bière raconte une histoire et la palme revient à Darren The One-Eyed Cat (Darren le chat borgne). Pour l'heure, je préfère laisser le mystère planer, car il y a bien longtemps que je n'ai pas fermé l'œil.

        Au Drake Devonshire, un feu de camp nocturne au bord du lac Ontario permet aux clients de se réunir pour discuter et admirer les reflets de la Lune.

        PHOTOGRAPHIE DE Michael George

        Plus au sud, je trouve l'endroit idéal pour une nuit de repos : The Drake Devonshire, un boutique-hôtel sur les berges du lac Ontario qui dispose de sa propre crique. L'intérieur offre une décoration de caractère, avec un style alliant tradition et modernité. Des sculptures et de petites œuvres d'art agrémentent chaque recoin. L'hôtel a récemment créé un court de pickleball, petit cousin du tennis. Je m'allonge en observant le ciel à travers la fenêtre et laisse la pluie m'emmener au pays des rêves.

        TORONTO

        Alors que mon immersion en Ontario touche à sa fin, j'ai l'impression d'avoir exploré au moins la moitié des 250 000 étendues d'eau qui constellent la province, chacune avec ses surprises. En arrivant à Toronto, je cherche un havre de paix où repenser à tout ce que je viens de vivre.Après 10 minutes de ferry, je débarque sur Ward's Island, l'une des îles de Toronto. Sculptée d'estuaires peuplés de castors, de hérons et de maisons flottantes, l'île me semble bien plus isolée qu'elle ne l'est vraiment. Ma dernière expérience sur l'eau, et probablement la plus mémorable, est une combinaison de yoga et de stand-up paddle. 

        L'agence Toronto Islands SUP propose des cours qui mettent réellement à l'épreuve ma relation à l'eau, notamment lorsqu'il s'agit de trouver l'équilibre sur la planche en posture du chien tête en bas. Après quelques coups de rame, la silhouette de Toronto émerge de la brume. Même si la CN Tower possède déjà une forme emblématique, le vaste miroir d'eau qui s'étend à ses pieds la fait briller de plus belle. Notre moniteur suggère une posture qui nécessite d'entrer en harmonie avec le rythme délicat des vagues.

        Pour un cours de yoga avec vue, Toronto Island SUP propose des cours ou des excursions guidées au soleil couchant, comme j'ai pu le vivre ci-dessus, avec la silhouette de Toronto pour arrière-plan.

        PHOTOGRAPHIE DE Michael George

        Avec ce voyage, j'espérais comprendre l'Ontario à travers mon élément favori. Malgré mes allées et venues à travers le monde, je n'avais jamais trouvé autant de façons de satisfaire mes sens à travers l'eau. Alors que je prête attention à ma respiration comme nous y invite notre moniteur, j'ai l'impression que les vagues respirent également, comme si le lac tout entier était vivant. Depuis mon départ de Southampton, je répète en boucle le mantra d'Emily : « L'eau incarne la vie ». 

        Face aux ricochets des reflets dorés sur le clapotis de nos planches, cette phrase me paraît plus vraie que jamais. Peu à peu, mes mouvements se synchronisent avec les vagues, je trouve l'équilibre et je repense aux personnages hauts en couleur, aux richesses culturelles et aux merveilleux artisans qui m'ont amené à cet instant.

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