Transport aérien : faut-il peser les passagers avant qu’ils montent à bord ?

La compagnie finlandaise Finnair a décidé de peser ses passagers afin de s’assurer les consignes de sécurité aérienne étaient toujours respectées.

De Ben Clatworthy
Publication 23 févr. 2024, 15:14 CET
Une compagnie aérienne finlandaise s’est mise à peser ses passagers. Pourquoi ? Cette pratique va-t-elle se généraliser ?

Une compagnie aérienne finlandaise s’est mise à peser ses passagers. Pourquoi ? Cette pratique va-t-elle se généraliser ? 

PHOTOGRAPHIE DE Wirestock Inc, Alamy

Il était évident que le fait de demander aux passagers de monter sur une balance avant d'embarquer allait susciter la controverse. Des commentateurs affolés se sont déchaînés et ont accusé Finnair, la compagnie nationale finlandaise, d'humilier les passagers et de « réveiller des troubles de l’alimentation » chez eux.

En observant la situation de plus près, on s'aperçoit que cette indignation n'est pas entièrement justifiée. La sécurité et, surtout, l'anonymat sont en réalité au cœur de l’opération de collecte de données de la compagnie aérienne. Connaître précisément le poids des passagers que transporte un avion est essentiel pour la sécurité aérienne et, à mesure que la société et que ceux qui la composent évoluent, les graphiques et les tableaux utilisés par le personnel de bord doivent être mis à jour.

Finnair assure que la pesée repose sur du volontariat, mais cette affirmation apaise difficilement ceux qui craignent de se retrouver face à la balance.

 

POURQUOI FINNAIR PÈSE-T-ELLE SES PASSAGERS ? 

Ce système permettrait de connaître plus facilement la « masse maximale au décollage » de chaque avion, c'est-à-dire le poids maximal auquel il peut décoller en toute sécurité. Cette masse est spécifiée par le constructeur et doit être strictement respectée.

En outre, le poids est également un facteur important pour déterminer la quantité de carburant qu'un avion doit transporter ainsi que pour calculer son rayon d’action et prévoir des sites potentiels d'atterrissage d'urgence. Les compagnies aériennes ne pèsent pas chaque passager ni leurs bagages à main, ces calculs fonctionnent donc généralement par moyennes. Au fil du temps, ils doivent être réévalués en fonction de l'évolution de la société, d'autant plus que les données de santé publique indiquent une augmentation générale du poids corporel moyen par personne.

 

LES CONSÉQUENCES DE CETTE PRATIQUE 

Généralement, les compagnies aériennes ont deux options pour récolter des données relatives au poids. Elles peuvent soit utiliser les données standard des organismes officiels, comme l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), soit les collecter elles-mêmes. Finnair a opté pour la deuxième solution.

En avril et en mai, la compagnie aérienne demandera à un échantillon aléatoire de passagers de monter sur la balance afin d'« optimiser [ses] calculs actuels de stabilité des avions ».

 

EST-IL POSSIBLE DE REFUSER CETTE PESÉE ?

Bien sûr. La compagnie aérienne insiste sur le fait que la participation repose entièrement sur du volontariat. Cependant, elle assure aux passagers qui participent que toutes les données sont anonymes. Seul l'agent en poste à la porte d'embarquement verra le chiffre et Finnair ne liera pas le poids enregistré et le nom du client ou la référence de sa réservation.

Les données seront ensuite envoyées à l'Agence finlandaise des transports et des communications afin d’obtenir son approbation. Elles seront utilisées dans les calculs jusqu'en 2030.

« Nous enregistrons les renseignements généraux ainsi que le poids total du passager et de son bagage à main, mais nous ne demandons pas son nom ou son numéro de réservation, par exemple », explique Satu Munnukka, responsable des process au sol chez Finnair. « Seul l'agent du service clientèle chargé de s’occuper de la pesée peut voir le poids total, ce qui vous permet de participer à l'étude en toute sérénité. »

« Nous espérons qu’un bon nombre de passagers seront volontaires, qu’ils se déplacent pour le travail ou par plaisir, afin d'obtenir les informations les plus précises possibles pour les calculs importants concernant la stabilité. »

 

LES INFORMATIONS SONT-ELLES MISES À JOUR RÉGULIÈREMENT ?

Oui. Finnair met à jour ses données tous les cinq ans environ et la dernière fois que l'AESA a chargé Lufthansa Consulting d'étudier le poids des passagers et des bagages remonte à 2021. Sur dix mois, la société de conseil en aviation et en gestion a pesé 4 164 passagers dans six aéroports européens différents et analysé 1 998 070 bagages enregistrés.

Selon Lufthansa Consulting, le poids moyen des passagers est de 82,5 kg pour les hommes et de 67,5 kg pour les femmes. La société a ajouté qu'il n'y avait « pas de prise ou de perte de poids significative observée pour les passagers en général » depuis l'enquête précédente, en 2009.

Dans l'ensemble, l'enquête a conclu que le poids moyenne de tous les passagers était de 76,3 kg, tandis que celui des bagages à main était de 7,7 kg. Le poids moyen des passagers adultes et de leurs bagages à main est donc de 84 kg, ce qui est conforme à la réglementation en vigueur. L'étude sera répétée dans cinq ans.

 

D’AUTRES COMPAGNIES EFFECTUENT-ELLES CES CALCULS ? 

Plusieurs autres transporteurs, dont Korean Air et Air New Zealand, ont effectivement déjà mené des enquêtes similaires à grande échelle. L'année dernière, 10 000 passagers qui voyageaient à l'international au départ d'Auckland ont été pesés. En 2015, Uzbekistan Airways a déclaré qu'elle demanderait à tous les passagers de monter sur la balance avant l'embarquement « afin de garantir la sécurité ». Certaines petites compagnies aériennes qui se servent d’avions à turbopropulseurs imposent également aux passagers d'être pesés avant l'embarquement. Cette pratique est aussi courante pour les compagnies d'hélicoptères.

 

CETTE PRATIQUE EST-ELLE RÉCENTE ?

Non. Les compagnies aériennes et les constructeurs d'avions ont toujours eu conscience du fait que chaque kilo et chaque gramme comptait pour voler en sécurité.

Lors de son vol inaugural entre San Francisco et New York en 1933, le Boeing Air Transport s'est assuré que son avion 247D, qui transportait dix passagers et une hôtesse de l'air, ne pesait pas plus de 7 623 kg au décollage. Pour ce faire, il fallait tout peser, y compris les passagers.

Cette pratique s'est poursuivie jusqu'au milieu des années 1950, lorsque le gouvernement américain a publié pour la première fois des tableaux standards que les compagnies aériennes pouvaient utiliser pour calculer le poids et l'équilibre d'un avion, ce qui a soulagé de nombreux passagers.

 

VA-T-ELLE SE NORMALISER ? 

Jusqu'à présent, rien n'indique que les compagnies aériennes pourraient réintroduire la pesée à l'enregistrement. Tous les programmes de pesée des compagnies aériennes ont, jusqu’ici, été des pratiques temporaires de collecte de données. Aucune compagnie n'a fait de cette pratique une procédure permanente.

Ben Clatworthy est le correspondant du Times pour les transports. Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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