Dernier voyage en Corée du Nord

En pleine crise entre Washington et Pyongyang, des touristes américains ont visité le pays le plus secret du monde. Juste avant que les États-Unis n'interdisent à leurs ressortissants de s'y rendre.

De Daniel Stone
Un agent de la circulation se tient à un carrefour, à Kæsong, capitale de la dynastie ...
Un agent de la circulation se tient à un carrefour, à Kæsong, capitale de la dynastie Koryo du Xe au XIVe siècle. La ville abrite douze monuments classés au patrimoine mondial, dont des palais et des tombeaux.
PHOTOGRAPHIE DE David Guttenfelder

Malgré ses lois répressives, ses dirigeants brutaux et sa réputation de territoire ultra-fermé, la Corée du Nord est longtemps restée ouverte aux visiteurs. Les voyageurs chinois y organisaient des séjours pour les étrangers – dont près d’un millier d’Américains par an –, et quasiment tous en repartaient sans incident.

Les choses ont changé. Le 19 juin 2017, un étudiant américain est décédé six jours après avoir été rapatrié, dans le coma, aux États-Unis. Il avait été détenu à Pyongyang pour le vol d’une affiche de propagande dans un hôtel. En parallèle, la poursuite du programme nucléaire nord-coréen ravivait les craintes d’une guerre. Le département d’État américain a alors décidé d’interdire l’entrée en Corée du Nord aux détenteurs d’un passeport américain.

La mesure est effective depuis le 1er septembre. Mais, juste auparavant, le photojournaliste David Guttenfelder s’est joint à un groupe de touristes voulant découvrir le pays le plus secret du monde. Depuis vingt ans, Guttenfelder est l’un des rares journalistes occidentaux autorisés en Corée du Nord, où il a effectué plus de quarante séjours.

Les touristes se disaient tous motivés par la curiosité, et presque tous s’avouaient surpris de ce qu’ils voyaient. « C’est complètement différent de ce à quoi je m’attendais », raconte Amy Kang, une Américaine d’origine coréenne, qui voyageait avec son mari. Après toutes les histoires sur le régime répressif et l’absence de liberté, elle était surprise de constater qu’un élément de normalité existait à Pyongyang : des gens avec un emploi et une famille, comme partout ailleurs.

Pour sa part, Brad Yoon, chauffeur Uber en Californie, se disait frappé par la discipline collective : « Les gens sont nationalistes, vraiment fiers de leur pays et de leur armée, et ils admirent sincèrement leurs dirigeants. »

Bien sûr, être un touriste en Corée du Nord signifie que l’on reste à l’intérieur d’une bulle de prévisibilité et de calme. Nul déplacement intempestif n’est autorisé, nulle surprise. Le groupe a eu droit à des visites encadrées dans une épicerie, un bowling, une brasserie, un cirque. Personne n’a mentionné la menace nucléaire ou la guérilla verbale entre Kim Jong-un et Donald Trump.

Au moment du séjour, à la fin août, l’armée nord-coréenne a lancé un missile au-dessus du Japon, provoquant une vive réaction internationale. Guttenfelder n’en a entendu parler que sur Twitter, via son téléphone portable qui peinait à capter la 3G. Autour de lui, personne n’était au courant, y compris ses guides.

L’éventualité d’un conflit générait toutefois un certain stress. Selon David Guttenfelder, les Nord- Coréens étaient plus tendus que lors de ses précédents voyages, et les panneaux de propagande dénigrant les États-Unis, plus nombreux. À l’aéroport, une installation montrait des enfants en train de construire un missile à partir d’un assemblage de cubes – un bon résumé de la situation.

Le séjour incluait la visite de la zone démilitarisée, la frontière qui coupe le 38e parallèle. Là, des soldats nord et sud-coréens au visage de marbre se font face, sur fond d’état d’alerte permanent.

Pour les touristes américains, l’interdiction imminente de voyager en Corée ne faisait que renforcer l’envie d’acheter des souvenirs. Admis dans diverses boutiques au bord de la route, ils se pressaient autour des timbres, des objets d’art, des produits à base de ginseng et de l’alcool nord-coréen. Les affiches de propagande anti-américaine étaient un souvenir très prisé.

 

Cet article a été publié dans le magazine National Geographic, daté de janvier 2018.

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