Voyage en van : un safari autonome à travers l'Afrique du Sud et l'Eswatini

Sans groupe, ni guide, ni hôtels de luxe : un itinéraire autonome à travers l'Afrique du Sud et ses parcs nationaux pour un safari inoubliable et abordable. Ajoutez à cela un détour par le discret royaume d'Eswatini et vous obtenez le road trip d'une vie.

De Hannah Summers
Publication 10 juil. 2023, 14:58 CEST
Les girafes comptent parmi les animaux les plus faciles à repérer et peuvent souvent être aperçues ...

Les girafes comptent parmi les animaux les plus faciles à repérer et peuvent souvent être aperçues depuis les campements du parc national Kruger.

PHOTOGRAPHIE DE KarelGallas, Getty Images

« Stop ! » Alors que ma voix résonne encore dans la voiture, mon mari Jon enfonce son pied sur le frein. Quelques instants plus tard, une petite trompe émerge des marulas qui bordent la route, puis une bien plus grande, suivie par d'imposantes défenses. Avec leur démarche silencieuse et chaloupée, les éléphants s'avancent sur le bitume juste sous nos yeux. Nous reculons, pour ne pas nous retrouver entre la mère et son petit. Face à nous, les deux animaux nous observent, calmement, alors que nous profitons de la scène à travers le pare-brise.

Pour vivre un tel moment avec des éléphants, beaucoup s'attendent à devoir payer le prix fort. Et dans une certaine mesure, ils n'ont pas tort. Les termes « safari » et « abordable » vont rarement de pair, mais ici en Afrique du Sud, même les petits budgets peuvent explorer la nature et partir à la rencontre de ses résidents. Pour une nuit dans le parc national Kruger, vous pouvez opter pour un lodge Singita, le groupe hôtelier dont raffolent Oprah Winfrey et Leonardo DiCaprio, et débourser environ 2 300 euros la nuitée… par personne. Cela dit, il existe d'autres façons, bien plus accessibles, de renouer avec la nature : louer un van pour sillonner les campements préférés des locaux, où le prix des emplacements avoisine les 330 rands (16 €).

Voilà notre plan pour les dix prochains jours. Dix jours pendants lesquels nous prévoyons de remplacer les exposés détaillés des guides professionnels, les negronis préparés avec soin et la douceur des draps en coton par des livres de seconde main sur la faune locale et une table à manger convertible en lit trop petit. Notre nid douillet sera un Mercedes Sprinter aménagé, légèrement cabossé, que nous avons récupéré chez Maui Motorhomes à l'aéroport de Johannesburg. Avec le blanc éclatant de sa carrosserie et le rugissement digne d'un tracteur de son moteur, il serait difficile de faire plus visible.

Pour nous, cette aventure en solitaire est une première, bien loin du confort offert par un guide ou un 4x4 plus traditionnel. Dans la file qui mène à la porte Malelane, l'un des nombreux points d'entrée au parc national Kruger et le plus accessible, nous roulons au pas avec une certaine appréhension. Des affichettes glissées par la fenêtre nous expliquent comment identifier un éléphant en musth, un terme utilisé pour décrire la période où leur taux de testostérone est au maximum, ce qui se manifeste par une sécrétion à l'odeur très forte au niveau des tempes et un comportement agressif. « Ne sortez jamais de votre véhicule, » nous indique un garde posté à la barrière. « On ne sait jamais ce qui rôde dans les parages. »

Parmi les adeptes du van aménagé, beaucoup choisissent d'installer leur camp de base dans l'un des nombreux établissements à bas prix qui entourent le parc Kruger. Nous avons opté pour le Berg-en-Dal Rest Camp, situé à environ 15 minutes de la porte Malelane, à l'intérieur du parc. Pour quelques euros de plus, nous pouvons profiter de l'eau chaude et d'un emplacement au cœur de l'action, où nous aurons la chance de voir les girafes et d'autres animaux passer à quelques mètres de la clôture. 

Il ne reste plus que deux rhinocéros blancs du Nord (Ceratotherium simum cottoni) dans le monde, tandis que la population de rhinocéros blancs du Sud (Ceratotherium simum simum) est quasiment menacée en raison du braconnage endémique.

PHOTOGRAPHIE DE Mint Images, Getty Images

Au milieu du camp, agréablement stationnés à l'ombre du petit bosquet, nous découvrons nos voisins, pour la plupart des Sud-Africains en vacances, et la perfection de leur installation nous laisse bouche bée. Leurs camps sont décorés de ravissantes guirlandes lumineuses, équipés d'immenses barbecues et de réfrigérateurs à la hauteur de leurs ambitions, délogés de la cuisine et transportés à bord d'une remorque pour apporter un peu de fraîcheur au beau milieu de la brousse.

 

CACHE-CACHE

Le jour suivant, nous levons le camp à cinq heures du matin dans l'espoir de croiser les animaux qui profitent de la fraîcheur matinale pour chasser ou vaquer à diverses occupations. Nous avalons un café noir et prenons la route, sans réel itinéraire, simplement pour rouler jusqu'à la prochaine rencontre. Parfois, celle-ci est subtile : un pygargue vocifer perché sur un arbre au loin, la poitrine gonflée de plumes au blanc éclatant ; ou une rarissime tortue léopard, s'avançant à son rythme sur la chaussée, peu soucieuse des passagers du van en approche qui assistent à sa longue et périlleuse odyssée sur une mer de bitume. Plus tard, nous apercevons un duo de chacals à chabraque, leur queue hirsute flottant derrière eux. 

D'autres fois, la faune se fait nettement moins discrète : comment passer à côté de plusieurs dizaines de zèbres qui s'appliquent à se mordre mutuellement la queue, d'un groupe de girafes à la langue enroulée autour des épines d'un acacia ou encore d'un troupeau de gnous sautillant sur leurs pattes effilées ? Ici et là, nous nous arrêtons simplement pour profiter du spectacle. En fin d'après-midi, nous apercevons une hyène recroquevillée dans sa tanière. Autour d'elle, avec leurs grands yeux et leurs oreilles arrondies, ses huit petits jettent des regards curieux vers l'extérieur.

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    Zèbres, éléphants, tortues léopards et une foule d'autres animaux peuvent émerger de la brousse à tout moment, c'est pourquoi il est conseillé aux visiteurs suivant leur propre itinéraire de toujours rester attentifs.

    PHOTOGRAPHIE DE Martin Barraud, Getty Images

    Il est vrai que de temps à autre, ce côté du parc national Kruger prend des airs de parc à thème animalier, par rapport aux réserves privées des hôtels de luxe. Il nous arrive de tomber sur des embouteillages ou des véhicules zigzaguant sur la route pour mieux observer un clan de lions en pleine sieste sous un arbre. D'autres fois en revanche, nous avons l'impression que le parc est à nous : routes désertes pendant des heures, constellées de girafes, de zèbres et d'éléphants, un troupeau après l'autre.

     

    EN ROUTE VERS L'INCONNU

    Nous quittons Kruger sur les conseils d'un camarade campeur, qui nous suggère de partir à la découverte d'une région sud-africaine plus intime, à environ 500 kilomètres vers le sud. Après quelques heures passées à cahoter sur les cailloux, à donner de grands coups de volant pour éviter les nids de poule et à glisser sur les routes argileuses, nous apercevons enfin la discrète bifurcation vers la réserve animalière Mkuze.

    Même si le campement ne dispose pas des équipements auxquels nous avons rapidement pris goût à Kruger, et même si j'avais parfois le sentiment d'arpenter un décor de film d'horreur en entendant les portes grincer et les feuilles voler dans la salle de douche qui nous semblait à l'abandon, il faut avouer qu'il se dégage de cet endroit une atmosphère plus authentique et intrépide. Peut-être trop intrépide pour nous, à en croire nos sursauts au moindre craquement de branche à l'extérieur du camp une fois la nuit tombée.

    Après un nouveau jour consacré à la faune, sans véritable trouvaille à l'exception de quelques antilopes, nous décidons de rejoindre notre prochaine étape : le royaume d'Eswatini, un pays voisin. La destination nous intrigue, à la fois si proche d'une véritable vedette du tourisme animalier et si peu connue.

    Le passage de la frontière s'effectue dans le calme et la simplicité : un rapide coup d'œil à nos passeports puis un signe de la main ponctué d'un sourire à la barrière. De l'autre côté, c'est un tout autre décor qui nous attend : adieu les hypermarchés et leurs étendues bétonnées, les foules de touristes et les stations essence en série de l'Afrique du Sud. Nous voilà sur des routes oubliées, à travers des vallées vert émeraude, où les laveurs de voitures tentent d'attirer le client d'un geste amical, où les enfants s'amusent à la vue inhabituelle d'un couple d'étrangers mis en échec par une simple carte.

     

    LA VALLÉE DU PARADIS

    Nous passerons les deux prochaines nuits au Mlilwane Wildlife Sanctuary, une réserve dépourvue de prédateurs où la détente est reine, si bien qu'une mère phacochère et sa tribu de marcassins nous rejoignent chaque nuit pour se prélasser au coin du feu. Le sanctuaire se situe dans la vallée d'Ezulwini, ou « vallée du paradis », et le paysage est à la hauteur de la promesse : le parc est bordé d'eucalyptus vertigineux qui offrent à notre véhicule une place à l'ombre bien méritée, alors qu'un chemin en argile traverse un champ de fleurs sauvages où les antilopes côtoient quelques couleuvres de l'espèce Boaedon capensis. Même les serpents sont inoffensifs dans ce jardin d'Éden.

    Le Milwane Wildlife Sanctuary est une immense réserve dénuée de prédateurs. Située dans le royaume d'Eswatini, elle accueille des hippopotames, des oiseaux et des crocodiles.

    PHOTOGRAPHIE DE Aubrey Stoll, Getty Images

    La matinée suivante est consacrée à l'ascension d'Execution Rock, une randonnée nettement moins cruelle que le suggère son nom. Nous faisons une pause au sommet pour voir le soleil se lever et les antilopes s'élancer dans la vallée qui s'étend sous nos pieds. Nous y passons quelques heures en compagnie de Stu, le guide local réservé via la réception du campement. Grâce à lui, nous découvrons les plantes et les herbes à utiliser si d'aventure nous nous perdons en pleine nature. Nous en profitons pour cueillir les baies d'eau roses suspendues à un buisson, offrant ainsi l'occasion à notre guide de faire l'éloge de leur teneur en fer.

    « J'ai quitté l'Eswatini une fois, c'était pour le travail, » nous raconte-t-il, le ventre secoué par son irrépressible envie de rire. « Je suis allé à Durban et j'ai goûté aux donuts ! J'ai nagé dans la mer. Je me suis promené la nuit, avant qu'ils me demandent d'arrêter. C'était magnifique, » poursuit-il, les yeux brillants. « Mais ce n'est pas comme ici, ça n'a rien à voir avec la brousse. » Et il n'a pas tort ; il se dégage une atmosphère spéciale de cet endroit, en pleine nature et pourtant loin des prédateurs, qui nous plonge dans une sérénité méditative, presque addictive.

    Trois jours plus tard, après avoir quitté Stu à contrecœur, nous traversons la frontière pour regagner l'Afrique du Sud en direction de Sainte-Lucie et du parc de la zone humide d'iSimangaliso, une région aussi populaire pour ses plages que pour ses hippopotames. Après nos excursions matinales à Kruger, nous optons pour un rythme plus décontracté au Sugar Loaf Caravan Park. Chaque matin, nous prenons le temps d'éveiller nos sens en sirotant paisiblement une ou plusieurs tasses de café dans notre salon de fortune, notre table et nos chaises dépliées sous l'auvent du Sprinter.

    Un matin, nous allons à Sainte-Lucie et payons 250 rands (12 €) chacun pour une balade de deux heures en bateau le long de l'estuaire, où plusieurs centaines d'hippopotames et de crocodiles nous attendent. Un autre, nous embarquons pour une visite guidée de la réserve, heureux à l'idée de nous laisser conduire, d'apprendre et de discuter du braconnage de rhinocéros avec Greg, notre expert, qui nous évite les rencontres malheureuses avec des buffles quelque peu agressifs, ou nous invite à rester immobile lorsque des rhinocéros blancs se délectent de l'herbe qui entoure notre Jeep. L'après-midi, nous lézardons sur les dunes qui bordent la plage, entre baignade et bain de soleil, une main plongée dans un paquet de chips, l'autre accrochée à une boisson pétillante aux nuances fluorescentes.

    Ces dix jours passés sur la route à la rencontre des rhinocéros et des éléphants nous montrent qu'un petit budget n'est pas forcément synonyme de grands compromis. En fait, lorsque je repense à cet éléphanteau, avec sa mèche rebelle et sa démarche guillerette à quelques pas de notre camionnette, une question me traverse l'esprit : et si c'était mieux ?

    Cet article a été créé avec le soutien du Caravan and Motorhome Club et a été produit par National Geographic Traveller (Royaume-Uni).

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