Afrique du Sud : quatre expériences gastronomiques au Cap-Occidental

Spectaculaires cols de montagne, villes désertiques, vignobles hauts perchés et ingrédients locaux sont tous au menu dans ce coin pittoresque de l’Afrique du Sud.

De Katie De Klee
Publication 27 juil. 2023, 10:38 CEST
A taste of SA

Le spectaculaire col Swartberg ouvre autant la voie à des fromageries artisanales qu’à des restaurants offrant une vue imprenable sur les sommets. 

PHOTOGRAPHIE DE Frans Lemmens, Alamy Stock Photo

1. SOIRÉE PIZZA

À la ferme Kalmoesfontein, dans la ville de Malmesbury, Charl Badenhorst a allumé le four et est en train d’étirer la pâte à la main. Son épouse, Semma, me tend un verre de Caperitif, un vermouth ambré fabriqué à la ferme et infusé avec du fynbos (un arbre à feuilles persistantes endémique de la région), allongé avec du tonic. Pendant que je sirote mon verre, Semma m’explique les origines de la légendaire soirée pizza de la ferme. 

Tout a commencé lors du confinement en 2020 de manière assez inattendue, lorsque leurs voisins se sont mis à venir récupérer des pizzas cuites au feu de bois. Lorsque les restrictions ont été levées, les gens ont commencé à se retrouver à la ferme autour d’un verre de vin, jusqu’à ce que Semma et Charl finissent par dresser les tables. Aujourd’hui, la soirée pizza du jeudi est très animée. Les réservations se font par WhatsApp (le numéro de Charl figure sur le site internet de la ferme). La carte du menu, que j’ai réussi à tacher avec de l’huile d’olive en trempant du pain frais, est simple : on y retrouve les classiques, mais avec une touche de Badenhorst. 

La région des vignobles d’Afrique du Sud est connue pour sa beauté naturelle époustouflante. Alors que je passe à un verre de AA Badenhorst Secateurs Red (moitié syrah avec grenache et cinsault), je savoure le goût des vignes du bush du Swartland. Puis la pizza arrive, ornée de mozzarella fondue, de miel chaud et de 'nduja. La croûte moelleuse, dont le goût s’est renforcé au cours d’une longue fermentation de 48 heures, a été cuite au feu de bois à la perfection. « Rien ne sert de faire compliqué, explique Charl, il faut juste utiliser des ingrédients de qualité. »

Les soirées pizza hebdomadaires à la ferme Kalmoesfontein sont très appréciées des habitants.

PHOTOGRAPHIE DE Mikko Uosukainen, Lumiko Creative Oy

Les habitués et les viticulteurs locaux ont pris place à une longue table dans la cour qui leur est réservée, tandis que les autres se partagent les pizzas dans une ambiance conviviale. J’hésite à partir bien qu’il se fasse tard, car, pour beaucoup, la soirée ne semble que commencer. Tant pis, j’entends mon lit tout proche qui m’appelle. Il s’agit de la chambre Silo, l’un des cinq types d’hébergement proposés par la ferme. Elle est ronde et haut perchée, comme une petite tour blanche à la Raiponce, avec à l’extérieur, une serre aménagée en salle de lecture ainsi qu’une piscine. 

Au matin, le café et les œufs sont suivis d’une visite des caves à vin. Les vendanges battent leur plein et des stagiaires venus d’Italie et du Japon aident à rentrer les palettes de raisin qui serviront à produire le millésime de cette année, tandis qu’un tourne-disque diffuse des classiques. Nous les laissons fouler le raisin au son d’une vieille chanson de Bob Dylan.

 

2. RETRAITE À LA MONTAGNE

Sur le manteau de cheminée de l’ancienne waenhuis, ou remise à calèche, au beau milieu d’un millier d’objets en tout genre, repose une petite horloge ancienne dont les aiguilles sont figées sur huit heures dix. Cette vision confirme mon impression : ici, dans les montagnes rouges du massif du Cederberg, le temps semble s’être arrêté. Dans la ferme restaurée Keurbosfontein, un groupe de gourmands aventureux s’est réuni pour un long week-end de cuisine sur le feu et de dîners partagés, à base de divers plats fumés et arrosés de chenin blanc.

Notre hôte est Justin Bonello, figure emblématique de la scène gastronomique sud-africaine depuis une vingtaine d’années, connu pour ses émissions télévisées Cooked in Africa et The Ultimate Braai Master. Son objectif avec Red Cederberg est de rappeler aux invités les plaisirs simples de la bonne cuisine, de la conversation et de la connexion, loin des distractions modernes. « Je veux que les gens se souviennent de ce que c’est que de rompre le pain et de ce que le calme des montagnes peut faire à nos esprits », dit-il.

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    Pour les amateurs de cuisine aventureux, la vue sur Hout Bay depuis le parc national de Table Mountain est un attrait supplémentaire.  

    PHOTOGRAPHIE DE ARTHUR NEUMEIER

    L’odeur du bois brûlé, qu’elle provienne de la cheminée de la salle à manger ou du fumoir et du braai dans le jardin, imprègne délicatement l’air. C’est le début de l’après-midi et le poulet de ce soir est déjà en train de cuire. « Au restaurant, on ne sent jamais la nourriture pendant la cuisson », explique Justin. « C’est une tout autre expérience que de sentir l’odeur du pain frais dans le four ou de la graisse qui goutte sur le feu ; c’est ça que réclament votre corps et votre esprit. » 

    Le temps du séjour, Justin cuisine le petit-déjeuner, le déjeuner et le dîner avec l’aide de son assistant, Cory, et de quiconque souhaite mettre la main à la pâte. Ses plats sont entièrement composés d’ingrédients locaux : épaule d’agneau frottée au romarin sauvage et aux herbes, omelette légère au fromage de chèvre fouetté et aux légumes verts du jardin, côtes fumées, os à moelle et pains plats à partager. Les boîtes en émail posées sur la table qui contiennent les couverts passent tout à fait inaperçues.  

    Nous ne sommes pas là que pour bien manger : nous visitons également Cederberg Wines pour y déguster des vins rouges et blancs cultivés à haute altitude et nous baigner dans une piscine de roches naturelle dans la montagne. Nous nous levons un matin avant le lever du jour pour participer à une randonnée guidée jusqu’à la majestueuse formation rocheuse de Wolfberg Arch. À notre retour, Emmy, qui vit à la ferme et aide à la cuisine, prépare un pain au levain sucré. Affamée par la randonnée, je beurre une tranche grillée, puis j’attrape un vetkoek chaud, une boule de pâte à pain frite que l’on nous invite à farcir de viande hachée et d’avocat mûr, ou à saupoudrer de cannelle et de sucre roux.

    Le dernier soir, Justin me passe un brandy au miel tandis que j’observe le croissant de lune qui se détache sur un ciel parsemé d’un millier d’étoiles. Nous rejoignons ensuite nos chambres éclairées à la bougie, apaisés par l’obscurité totale et le calme de la nature.

     

    3. MISO ET MÉDITATION

    « Nous allons commencer par celle-ci », explique James Kuiper. « Il s’agit de ma première cave de fermentation. » Il ouvre la porte de l’une des deux dépendances en argile de son jardin, construites dans le style d’une rondavelle (une hutte africaine traditionnelle). À l’intérieur se trouvent des plateaux de blé, lequel sera plus tard transformé en pains fermentés.

    « La fermentation est un processus méditatif », explique James, alors qu’il nous montre comment séparer les amas chauds de grains de blé, qui révèlent la présence d’une moisissure appelée koji. « Ça requiert un certain niveau de concentration et de patience. Il y a plusieurs tâches répétitives (séparer, mélanger et surveiller) qui calment l’esprit et enseignent la discipline. »

    Chez lui, à Scarborough, James propose des ateliers d’initiation d’une journée et des retraites immersives de quatre jours, au cours desquels il enseigne la pratique ancestrale de la fermentation. Nous avons également la possibilité de pratiquer le yoga, enseigné par sa compagne Christina, de nous promener dans la nature, de partir à la recherche de nourriture, et de nous immerger dans l’eau froide ; la mer, qui est d’un bleu glacial, n’est qu’à cinq minutes de marche.

    Le processus de fermentation exige du dévouement et souvent des années d’études. James Kuiper est ici à l’œuvre dans l’une de ses caves de fermentation.

    PHOTOGRAPHIE DE Christina Lauschagne

    James a passé des années à étudier les méthodes de fermentation traditionnelles orientales et africaines. Il nous présente les aliments vivants de ses caves et nous fait goûter, mélanger et siroter les différents misos, kéfirs, koji et légumes marinés qui y reposent. Les saveurs sont puissamment umami, salées et intenses.

    Tandis que je sirote un milk-shake à base de banane et de lait fermenté, James m’explique comment les grains de kéfir « mangent » les sucres naturels des fruits et donnent à la boisson son goût acidulé caractéristique et ses propriétés curatives pour les intestins. En plus de nous faire des démonstrations pratiques, James nous assiste au moment de lancer nous-mêmes un processus de fermentation qui exploite les bactéries sauvages présentes dans l’environnement pour conserver les légumes.

    Ensemble, nous fabriquons le levain qui sera servi au déjeuner avec le potjiekos au miso. Pendant que le pain cuit, il nous en apprend davantage sur la manière dont les civilisations anciennes utilisaient la fermentation pour conserver et enrichir les aliments. Nous discutons également des propriétés curatives des prébiotiques et des probiotiques, dont James a fait l’expérience : à 17 ans, on lui a diagnostiqué un cancer de la lymphe, et après une lourde chimiothérapie et des années de lassitude, il pense que les aliments riches en probiotiques l’ont aidé à rebondir. « Ce cancer est une bénédiction qui m’a permis de tout réévaluer. »

    Après une journée en compagnie de James, je me sens pleine d’énergie et d’inspiration. Je repars avec mes légumes marinés, une bouteille d’eau de source légèrement fermentée — « meilleure que du champagne » — et quelques bocaux de miso, vieux de deux ans, que James appelle « misomite ». Cette pâte savoureuse est destinée à devenir la base de soupes, de marinades et de sauces dans ma cuisine pendant un certain temps.

     

    4. DES PRODUITS LAITIERS DANS LE DÉSERT

    À la limite de la région aride du Karoo, au bout du col Swartberg, se trouve la ville de Prince Albert, une oasis pour les voyageurs avec ses cafés, ses musées, ses galeries et ses chambres d’hôtes. C’est également là qu’est installée la laiterie Gay’s Guernsey Dairy. Claudia van Hasselt, la belle-fille de Gay, me fait visiter les lieux et me raconte comment il a commencé son activité en 1990, avec seulement trois vaches, alors que la ville n’était encore qu’un chemin de terre bordé d’une école et d’une église. Il a commencé par vendre du lait à l’école et à fabriquer des yaourts et du fromage pendant les vacances avec le surplus. 

    Les montagnes du Cederberg abritent des piscines rocheuses et d’autres sites naturels d’une grande beauté.

    PHOTOGRAPHIE DE Robert Harding, Alamy Stock Photo

    Depuis le comptoir de la petite épicerie fine, qui vend également des produits artisanaux des fermes environnantes, on peut apercevoir les étagères sur lesquelles reposent les précieuses meules de fromage. Tous les produits vendus ici sont fabriqués à partir de lait de vache Guernesey entier, non pasteurisé. « Il est important d’être en contact avec les animaux qui fabriquent nos bons produits », explique Claudia. « Nous avons maintenant 35 vaches, que nous appelons toutes par leur prénom. »

    Claudia nous emmène voir la fabrication du fromage du jour dans des cuves qui permettent de séparer le petit-lait. Elle nous montre ensuite l’endroit où les roues dorées en maturation (ces futurs goudas, cheddars et parmesans) sont retournées chaque jour.

    Les fromages de Gay ont été récompensés en Afrique du Sud et en Europe, et la ferme est devenue un lieu de rencontre où se déroulent également des évènements ; elle accueille au mois de mai une partie du Prince Albert’s Journey to Jazz festival. Les visiteurs peuvent également s’y rendre l’après-midi pour assister à la traite des vaches, et les voyageurs de passage y déguster quelques fromages au comptoir.

    Je goûte le gouda, au doux goût de noisette, puis le Queen Vic, un gruyère affiné, et enfin le Parma Prince, un parmesan de deux ans et demi d’âge, au goût fruité et terreux, subtilement salé, qui s’émiette doucement entre mes dents. Ces fromages valaient bien le voyage. 

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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