Les Alpes, une destination estivale de plus en plus prisée

Avec ses nouveaux hôtels et sa multitude d’activités en extérieur entre lacs, sommets et forêts, le massif des Alpes offre une myriade d’alternatives aux traditionnelles vacances d’été à la plage.

De Sarah Barrell
Publication 12 avr. 2023, 10:06 CEST
Why choose the Alps for your next summer adventure

Si les vacanciers hivernaux dominent encore le tourisme dans les Alpes, les activités estivales ont gagné en popularité dans la région.

PHOTOGRAPHIE DE Paragliding Interlaken

Les Alpes évoquent à la plupart des voyageurs qui y pensent des paysages enneigés. La plus vaste chaîne de montagnes d’Europe s’est définie par ses stations de ski de renommée mondiale qui accueillent régulièrement les Jeux Olympiques d’hiver. Mais jusqu’au milieu du 19e siècle, les Alpes étaient un terrain de jeu estival. Immortalisées par des artistes tels que Joseph Turner et John Sargent et incontournables pour les voyageurs du Grand Tour ainsi que pour une génération dorée d’alpinistes à laquelle aucun sommet ne résistait, les Alpes ont un jour rimé avec été. Lors de la saison froide, les vacanciers britanniques partaient pour les littoraux méridionaux de l‘Europe en quête de cures thermales et du soleil d’hiver de la Côte d’Azur.

Puis les habitudes saisonnières changèrent. Des voyageurs victoriens fortunés furent invités à passer l’hiver dans les chalets douillets et bien équipés des Alpes, gérés à merveille par Johannes Badrutt, hôtelier de Saint Moritz qui proposa d’accueillir les premiers touristes anglais hivernaux tentés par l’expérience. C’est toutefois l’avènement des voyages organisés au milieu du 20e siècle qui scella la suprématie des stations balnéaires européennes. Mais la tendance pourrait de nouveau être en train de s’inverser.

« De plus en plus, des clients sont intéressés par des vacances alpines durant les mois d’été », indique Carolyn Addison, cheffe de produit chez Black Tomato, agence de voyage de luxe. « Les gens évitent les foules de la haute saison hivernale et préfèrent passer l’été dans les Alpes pour profiter de l’air de la montagne et d’une multitude d’activités dans la nature. Nous constatons un élan en faveur du tourisme lent, pour savourer la vie en extérieur et échapper à la chaleur estivale de plus en plus écrasante d’autres destinations européennes. »

Selon l’agence, les réservations de chambres dans les Dolomites ont presque triplé entre 2021 et 2022. Et tandis qu’en 2021, ces réservations étaient composées d’un panache de séjours estivaux et hivernaux, en 2022, presque toutes avaient été placées pour l’été. Les Alpes, comme bon nombre de régions sauvages et de parcs nationaux européens, jouissent d’un essor dû à la pandémie.

« Nous observons une hausse de la popularité des voyages estivaux en montagne ces dernières années », déclare Joanna Laforge, actionnaire de l’agence de voyage Ski France, spécialiste de la région. « Elle a augmenté de manière spectaculaire après le Covid-19, avec une clientèle française qui cherchait des options de vacances quand les déplacements étaient limités. L’idée de grands espaces, d’air pur et de changement de rythme en montagne s’est avérée très populaire. Cette augmentation se produit désormais également sur le marché britannique. Nos réservations de chalets et d’appartements pour l’été 2023 sont déjà supérieures à celles de l’an passé. »

De nombreuses offres d’hébergements proposées par l’agence incluent désormais des activités de montagne dans les coûts de location ou bien proposent l’achat de passes à prix abordables pour accéder aux remontées mécaniques, à des parkings pour garer son vélo en montagne et à des activités nautiques sur lacs et rivières.

Selon France Montagnes, association d’acteurs du tourisme en montagne, il existe un fort intérêt pour le tourisme lent, qui promeut les voyages à faible empreinte, la proximité avec la nature et des séjours prolongés au même endroit. Mais aussi des excursions pour aller explorer les grands espaces et la cuisine et l’artisanat authentiques. « L’été est la saison idéale pour découvrir les montagnes », souligne François Gaillard, directeur de France Montagnes. « Avec plus de quatre-vingts activités, du yoga à la randonnée en passant par le vélo et l’alpinisme, il y a forcément une montagne pour vous satisfaire. Notre offre est diversifiée, inclusive et adaptée à tous les budgets. »

Les hébergements dans les Alpes sont sans aucun doute plus variés qu’autrefois. Les chalets de ski fonctionnels sont délaissés au profit de « poshtels » comme le RockyPop de Flaine, riche en divertissements, et le Base Camp Lodge des 2 Alpes qui proposent des prestations d’hôtel chic pour des prix d’auberge de jeunesse. Les prestations écoresponsables et la cuisine à base de produits locaux ont également connu un essor au cours de la dernière décennie, qu’il s’agisse du glamping (le « camping glamour ») hors des sentiers battus ou bien de séjours à la ferme ou encore de retraites holistiques en montagne comme celles proposées par AliKats, à Morzine, qui allient yoga et randonnées dans la nature.

Le paddle est une activité de plus en plus populaire sur les lacs alpins.

PHOTOGRAPHIE DE Getty Images

Ce cadre montagneux est la raison d’être derrière la flopée d’ouvertures d’hôtels et de spas haut de gamme ces dernières années dans les Alpes, et plus particulièrement dans les Dolomites où se trouvent, entre autres, l’Hôtel de Len, à Cortina, le Lefay Resort & Spa, à Pinzolo, et le Cesa del Louf, à Arabba. Bien qu’ils soient situés dans des stations de ski, les hôtels-spas se tournent de plus en plus vers le tourisme hors saison et proposent des bains de forêt, des randonnées de pleine conscience et d’autres activités d’extérieur saines.

 

EXPLOREZ LES MOINDRES RECOINS

L’attrait des Alpes réside en grande partie dans l’accessibilité croissante du massif permise par l’expansion du réseau ferroviaire européen. « Nous avons constaté une réelle croissance dans les régions alpines cette année, avec des ventes qui ont augmenté de 35 % », révèle Simon Wrench, responsable marketing senior chez Inntravel, spécialiste du tourisme lent. « Les Alpes bavaroises et autrichiennes exercent un attrait particulier qui est en partie nourri par la quantité accrue de personnes qui choisissent de voyager en train. Ceux qui se rendent en Bavière passent la nuit à Munich pour faire en sorte d’aborder les paysages les plus spectaculaires de jour, explique-t-il. En ce qui concerne l’Autriche, combiner les services de l’Eurostar jusqu’à Amsterdam à ceux du train à couchettes NightJet à destination d’Innsbruck et de Vienne s’avère un choix en vogue pour ceux qui veulent voyager de manière décontractée. » En comparant les ventes de 2019 à celle du début de printemps 2023, Inntravel a pu établir que la demande pour les « voyages estivaux en train » a augmenté de 85 % et que celle pour les « voyages estivaux en train dans les Alpes » a augmenté de 300 %.

Les options de voyages écologiques, sans trajets en avion, alimentent la demande dans les Alpes où des pays comme la Suisse sont dotés de réseaux de transports publics parmi les plus denses au monde, ce qui permet d’explorer la région de manière durable. Les trains panoramiques suisses, qui fonctionnent à 80 % grâce à l’hydroélectricité, sont de plus en plus populaires auprès des touristes britanniques, de même que ses nombreux trains à crémaillère, ses téléphériques et ses funiculaires. « Nous constatons en effet un intérêt accru pour les Alpes suisses en tant que destination estivale depuis l’étranger, notamment de la part des agences de voyages britanniques », confirme Alex Herrmann, directeur de Switzerland Tourism UK & Ireland. « La nage en eau libre est extrêmement populaire, et le fait que presque chaque lac et rivière en Suisse soit propre, même au cœur des villes, fait de la Suisse le pays rêvé de tout nageur en eau libre. » La moitié des touristes britanniques qui se rendent en Suisse viennent désormais durant les mois ensoleillés de l’année. « Mais même en pleine saison, la plupart des endroits ne sont pas encombrés », assure-t-il.

De tout temps, les Suisses ont été à la pointe de l’ingénierie de montagne, et des avancées dans le domaine des liaisons par téléphérique rendent les formidables pics des Alpes, traditionnellement chasse gardée des Alpinistes expérimentés, accessibles à tous. La décennie passée à vu émerger une tendance : les stations de ski de la région se connectent entre elles à l’aide de téléphériques reliant entre eux des sommets qui, autrement, se trouveraient à des distances prohibitives. Au nombre de ces merveilles transfrontalières on compte notamment le téléphérique de Vallée Blanche, qui va de l’aiguille du Midi à la pointe Helbronner, en Italie, et, depuis 2023, le Matterhorn Glacier Ride, plus haute traversée en continu des Alpes par téléphérique, qui relie la ville suisse de Zermatt à Cervinia, en Italie.

Ces nouveaux téléphériques doivent leur existence à la nécessité de proposer de nouveaux terrains aux skieurs et permettent à ces derniers de profiter d’un manteau neigeux à perte de vue alors même que les hivers sont de moins en moins fiables. L’été venu, ces nouvelles télécabines ouvrent de vastes zones aux randonneurs et aux cyclistes. Mais la région peut-elle supporter cette fréquentation accrue ?

Selon des données de la WWF, 120 millions de personnes environ visitent les Alpes chaque année. Les vacanciers hivernaux dominent encore mais avec des chutes de neige de moins en moins consistantes, en particulier à basse altitude, les entreprises et les agences de la région doivent regarder au-delà des mois d’hiver pour compléter leurs revenus. Le cyclisme est un secteur important et de nouveaux parkings à vélo en montagnes, de nouveaux itinéraires pour vélos électriques et de nouveaux festivals ont vu le jour ces dernières années à Verbier, Tignes ou encore Val d’Isère.

Ceux qui viennent passer leurs vacances dans les Alpes sont en grande partie attirés par cet l’environnement sauvage de la chaîne de montagnes et par sa biodiversité riche. Mais il s’agit d’une région on ne peut plus fragile. La construction de téléphériques nuit par exemple au paysage même qui attire les visiteurs.

Les Alpes sont en outre extrêmement sensibles aux variations climatiques, ses écosystèmes sont vulnérables aux changements météorologiques inhabituels, et le massif connaît avalanches et crues tandis que ses glaciers rétrécissent. Les glaces estivales déclinant, le terrain montagneux se fait plus instable. À l’été 2022, un effondrement soudain survenu sur le glacier de la Marmolada, en Italie, a tué onze randonneurs, tandis que plusieurs guides du sentier du Tour du Mont-Blanc ont dû mettre fin aux ascensions à cause de dangereux éboulements. Le tourisme sur le circuit du Mont-Blanc est désormais connu pour sa surfréquentation, phénomène notamment critiqué par le maire de Saint-Gervais-les-Bains, village duquel les alpinistes débutent leur ascension vers le sommet.

Mais pour chacun de ces projets d’ingénierie de masse et de ces circuits de randonnée de premier plan, il existe une initiative promouvant un voyage à plus petite échelle dans la région. Le Bergsteigerdörfer Network, réseau de « villages d’alpinisme », met en avant des communautés alpines accueillant les voyageurs en quête d’aventures. Ce réseau inclut des hameaux qui, loin des stations de grande envergure et des téléphériques ralliant les sommets, font vivre des entreprises promouvant la culture et les traditions tout en préservant les paysages montagneux. Depuis son lancement en Autriche en 2008, il a été rejoint par trente-six villages de haute altitude de Suisse, d’Allemagne, d’Italie et de Slovénie, où les voyageurs peuvent randonner, faire du vélo, pratiquer l’alpinisme et nager dans des lacs, tout en dormant dans des chalets de caractère où leur argent irrigue directement la communauté locale. Alpine Pearls, un réseau de vingt-sept régions pouvant être parcourues grâce à des moyens de transport n’émettant pas de carbone (vélos électriques, navettes gratuites et bateaux électriques), en est un autre exemple.

« Les Alpes pourraient connaître un avenir prometteur au-delà du ski », prédit Justin Francis, cofondateur et P-DG de Responsible Travel. « Personne ne veut voir les stations de ski traditionnelles décliner et les communautés locales en payer le prix. Il est tout à fait dans leur intérêt de commencer à s’adapter dès maintenant. Mais il est important de ne pas se contenter de passer à un état d’esprit estival. Il y a plein de choses à faire toute l’année, et répartir tout cela bénéficie aux communautés locales. Envisagez de visiter des régions moins touristiques et de séjourner dans un logement appartenant à une personne du coin, voire même un séjour chez l’habitant. Et pourquoi ne pas prendre le train pour pratiquer le tourisme lent et prendre part à une aventure digne de ce nom ? Si votre voyage bénéficie à la région que vous visitez, votre expérience n’en sera probablement que plus riche. »

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    Cet article a initialement paru dans National Geographic Traveller en langue anglaise.

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