À Bali, chaque année débute par un jour de silence

Les Balinais de confession hindoue observent un rituel ancestral qui remonte à l'an 78 : le Nyepi, ou jour du silence. Pendant 24 heures le 11 mars prochain, ils s'abstiendront de travailler, de voyager, de cuisiner ou d'utiliser l'électricité.

De Claire Turrell
Publication 7 mars 2024, 13:52 CET
Un groupe de personnes prient sur la plage de Kuta pour Nyepi, les célébrations du Nouvel ...

Un groupe de personnes prient sur la plage de Kuta pour Nyepi, les célébrations du Nouvel An balinais, à Bali, en Indonésie.

PHOTOGRAPHIE DE robert harding / Alamy Banque D'Images

Les aéroports sont fermés. Les boutiques de souvenirs ont baissé leurs rideaux métalliques et le ronronnement des scooters qui compose actuellement le fond sonore de Bali s'est éteint. 

Dans l'intimité de leurs foyers, les Balinais de confession hindoue se plongent dans un rituel ancestral qui trouve racine en l'an 78 : le Nyepi, ou jour du silence. Pendant 24 heures, ils s'abstiennent de travailler, de voyager, de cuisiner ou d'utiliser l'électricité. À Bali, il y a bien longtemps que le pouvoir du silence n'est plus un secret.

Nyepi est le Nouvel An du calendrier Saka, dont la date change chaque année en fonction des cycles de la Lune. En 2024, ce jour du silence sera célébré le 11 mars. Selon les croyances locales, la tradition permettrait de chasser les démons de l'île afin de prendre un nouveau départ. Le Nyepi s'inscrit dans la philosophie balinaise de la vie, appelée Tri Hita Karana, qui accorde une place centrale à l'harmonie entre les trois royaumes de la vie : le divin, la nature et l'humanité.

Après son inauguration discrète en 2023, le SAKA Museum de Jimbaran invite désormais les voyageurs à s'immerger dans les festivités traditionnelles du Nyepi. En flânant dans les allées de ce musée à plusieurs millions de dollars, les visiteurs peuvent découvrir huit galeries dédiées à la façon dont les Balinais abordent la nouvelle année avec un état d'esprit positif. 

« Le progrès rapide de la technologie nous incite à rester connectés en permanence mais ce jour-là, nous sommes obligés de lâcher prise », déclare Marlowe Bandem, conservateur du SAKA Museum. Voici quelques informations utiles sur cette tradition ancestrale. 

 

NOUVEAU LIEU DE CULTURE

Les rituels du Nouvel An balinais débutent avec Melasti, à la première nouvelle Lune du mois de mars. Les participants se dirigent alors vers les temples pour emporter leurs objets sacrés, notamment des masques et des sabres, et les purifier dans les lacs ou la mer. Puis, à la veille de Nyepi, les résidents se rassemblent pour Pengrupukan, où ils défilent dans les rues en portant des statues de papier mâché géantes avant de les brûler pour débarrasser l'île de ses démons. Le lendemain, à six heures du matin, les Balinais plongent dans un silence de 24 heures pendant lesquelles ils se ressourcent sans aucune distraction.

Formant une aiguille de boussole qui s'étend sur près de 5 000 mètres carrés, le SAKA Museum est une ode au concept du pangider bhuwana, les neuf divinités de la cosmologie balinaise. En arpentant ses allées réparties sur trois étages, les visiteurs empruntent le chemin du renouvellement. Ils sont accueillis par un plafond étoilé au rez-de-chaussée avant de tomber nez à nez avec une statue de papier mâché représentant un ogoh-ogoh les ailes déployées, un esprit maléfique culminant à onze mètres de hauteur. Le musée a invité des artistes issus de neuf communautés balinaises à créer différentes œuvres du genre pour l'exposition.

Au premier étage, l'installation de l'artiste Vibeke Sorensen illumine d'une cascade de couleurs un dôme illustrant le renouveau de la nouvelle année. « J'ai voulu faire vivre aux visiteurs une transformation, du chaos à la paix et à l'harmonie, de l'anxiété à un sentiment de joie », déclare Sorensen.

Pendant le Nyepi, une journée de silence célébrant le Nouvel An balinais, les locaux mettent à profit ces 24 heures de quiétude pour méditer. Les rues se vident, les lumières s'éteignent et le trafic aérien est interrompu.

PHOTOGRAPHIE DE Michael Nichols, Nat Geo Image Collection

 

LE SILENCE STIMULE LE CERVEAU 

Dans notre monde moderne, il est parfois difficile de trouver le silence. Entre les bips du téléphone et le bourdonnement de la circulation, nos oreilles sont en alerte permanente.

Ce vacarme intempestif affecte bien plus que notre ouïe. D'après Mathias Basner, professeur de psychiatrie à l'université de Pennsylvanie et spécialiste des effets du bruit sur la santé, notre organisme interpréterait ce signal comme une source de stress. « Il déclenche une augmentation du taux d'hormones liées au stress dans le sang, comme le cortisol et l'adrénaline qui peuvent accroître le risque de crise cardiaque et d'accident vasculaire cérébral », explique-t-il.

Le monde est devenu bruyant et l'évolution du nombre de véhicules sur nos routes en est le parfait exemple. En 1970, le parc automobile français s'élevait à 13,7 millions de véhicules ; au 1er janvier 2023, 38,9 millions de voitures étaient en circulation en France. D'après l'Agence européenne pour l'environnement (AEE), le trafic routier serait la principale source de pollution sonore.

Dans son dernier rapport sur le bruit dans l’environnement publié en 2020, l'AEE associe non seulement le bruit lié au trafic routier à des troubles du sommeil, mais également à des difficultés d'apprentissage chez l'enfant. L'agence estime que les écoliers exposés à ces nuisances sonores subissent un retard dans le développement de certaines fonctions cognitives, comme la mémoire.  

À l'inverse, comme le suggère une étude de l'université Duke aux États-Unis, le silence renforcerait les capacités cognitives. En s'intéressant à l'influence de différents sons sur l'activité cérébrale, les chercheurs ont étudié les effets de la musique classique, du bruit ambiant et du silence sur des souris. Lorsque celles-ci étaient plongées dans le silence, leur cerveau affichait une augmentation du nombre de neurones. 

 

PLONGEZ DANS LE SILENCE

Pour Sang Tu, cofondateur du sanctuaire Bali Silent Retreat, plusieurs options s'offrent à ceux qui visitent Bali pendant le Nyepi pour célébrer ce jour du silence. « Je conseille aux voyageurs de participer aux défilés des ogoh-ogoh la veille de Nyepi pour vivre cette ambiance festive et son folklore », indique Sang. Puis, lorsque Nyepi commence, il recommande de se concentrer sur « le jeûne, la respiration et l'obscurité. »

Pendant Nyepi, les hindous balinais consacrent leur temps au jeûne et à la méditation, mais l'observation des étoiles est une autre façon de suivre le Tri Hita Karana. Lorsque la lumière s'éteint et plonge l'île dans le noir, la Voie lactée se révèle à quiconque lève les yeux au ciel. « Chaque point de lumière devient plus intense », témoigne Sang. 

Marlowe Bandemn recommande quant à lui de profiter du silence. « Se lever tôt à Bali et vivre ce moment de sérénité, c'est la meilleure partie du Nyepi à mes yeux », conclut-il.  

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    PHOTOGRAPHIE DE Saka Museum

    Basée à Singapour, Claire Turell est une rédactrice et auteure indépendante.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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