Les attaques de requins sont plus fréquentes dans l'Atlantique que dans le Pacifique

Bien que le nombre d'incidents soit en baisse ces dernières années, le sujet reste très présent dans les médias.

De Jenny Howard
Un grand requin blanc nage dans les eaux des îles Neptune.
Un grand requin blanc nage dans les eaux des îles Neptune.
PHOTOGRAPHIE DE Brian J. Skerry, Nat Geo Image Collection

Avec leur corps profilé et musclé, les requins fendent les eaux. Ces redoutables prédateurs des océans sèment la peur chez les poissons plus petits et bien souvent chez l'Homme également. Avec l'obsession des médias locaux et nationaux pour les incidents impliquant des requins, le grand public peut être amené à se demander d'où vient cette recrudescence des attaques. Nous avons posé la question à des experts pour savoir si cette peur était justifiée. 

Spoiler : bien que la tendance au long terme indique une croissance du nombre d'attaques de requins, elles ont en fait diminué ces dernières années. Il existe toutefois une différence notable au niveau du nombre d'incidents entre la côte Atlantique des États-Unis et la côte Pacifique. 

 

DE PLUS EN PLUS D'ATTAQUES ?

L'International Shark Attack File (ISAF) est un organisme composé d'experts qui répertorient les attaques de requins et les classifient selon différentes catégories. La plupart d'entre elles sont des attaques « non provoquées » dans lesquelles un requin vraisemblablement « sorti de nulle part » mord sa victime sans raison apparente. À l'inverse, les attaques dites provoquées sont le fruit d'une interaction entre la victime et le requin, par exemple lorsqu'un individu agrippe un requin, l'importune ou le détache d'une ligne de pêche.

Conservé au musée d'histoire naturelle de Floride, l'ISAF a vu le jour en 1958. Depuis, cet organisme a consigné 6 200 incidents humain-requin auxquels ont été ajoutés des récits historiques remontant jusqu'au 16e siècle. Bien que l'ISAF documente théoriquement les incidents survenus dans le monde entier, Tyler Bowling, responsable du programme, indique qu'il est peu probable qu'une victime résidant dans un petit pays signale une attaque de requin en raison d'une absence de liaison téléphonique, d'accès à Internet ou tout simplement parce que l'accident est dû à son propre comportement dangereux.

L'ISAF s'intéresse principalement aux attaques non provoquées et rapporte qu'aux cours des dernières décennies, la tendance mondiale est plutôt à la hausse. Lorsqu'on leur demande pourquoi, les scientifiques ont une réponse simple : le tourisme. Année après année, la population humaine augmente et parallèlement, de plus en plus de touristes visitent les plages et prennent part à des activités aquatiques.

 « S'il y a plus de monde dans l'eau alors il y aura plus d'attaques, » résume Gavin Naylor, directeur de l'ISAF.

Mais statistiquement, cela signifie que le risque individuel d'être mordu diminue : précisément de 91 % en 63 ans.

Selon Bowling, la perception d'un nombre d'attaques en hausse proviendrait plutôt de l'influence des médias et des allées et venues cycliques de ce type de sujet que du nombre réel d'attaques. La récente série d'attaques du mois de juin en Caroline du Nord est arrivée plus tôt dans l'année qu'à l'accoutumée, ce qui peut créer une vague de panique, ajoute Naylor.

 

LES REQUINS SONT-ILS PLUS AGRESSIFS DANS L'ATLANTIQUE QUE DANS LE PACIFIQUE ?

En 2018, selon les chiffres de l'ISAF, c'était aux États-Unis que l'on dénombrait le plus d'attaques de requins. Le plus grand nombre d'incidents humain-requin a été recensé dans l'océan Atlantique, 27 au total contre 4 dans l'océan Pacifique (dont 3 à Hawaï).

Les raisons expliquant cet écart sont peut-être plus complexes qu'il n'y paraît, mais Naylor suggère qu'il est en grande partie due à la prépondérance des différentes espèces peuplant les deux côtes, des espèces dont la taille et la puissance diffèrent.

Dans le Pacifique, les incidents signalés impliquent des espèces de requins plus grandes (requins blancs, tigres, et bouledogues). À Hawaï, les attaques de requins-tigres sont les plus fréquentes alors qu'en Californie ce sont plutôt les grands requins blancs qui sévissent. En règle générale, ce sont ces espèces que l'on retrouve dans la majorité des attaques mortelles, ce qui contribue à leur réputation négative dans les médias. Ces espèces ont tendance à être très territoriales et si elles attaquent l'Homme, c'est souvent pour faire passer un message : c'est chez moi ici !

Les espèces de requins plus petites sont celles qui contribuent le plus au décompte de l'océan Atlantique. Les courants de cet océan comme le Gulf Stream poussent vers le littoral les eaux plus chaudes dans lesquelles évoluent les poissons appâts. Ces derniers attirent plus près du bord les requins comme le requin bordé.

Les requins bordés ont mordu 28 personnes depuis les années 1950 (la majorité en Floride) et mis à part un accident mortel, toutes les victimes s'en sont sorties avec des blessures mineures, non mortelles. D'après Naylor, il existe tout de même une exception à cette tendance Atlantique : le Massachusetts, où quelques attaques supplémentaires ont été recensées ces dernières années suite à l'augmentation de la population de grands requins blancs en raison du grand retour de leur proie favorite, les phoques, protégés par le Marine Mammal Protection Act de 1972.

Un autre facteur influençant la distribution des attaques de requins résiderait dans la température de l'eau. Experte en requins et directrice de la Field School des Bahamas, Catherine Macdonald indique que les attaques ont plutôt tendance à survenir dans les eaux chaudes car les nageurs y passent volontiers plus de temps, ce qui augmente les chances de rencontrer un requin. Dans l'ensemble, « il existe une forte corrélation entre le nombre de personnes dans l'eau, le temps passé dans l'eau et le risque de croiser le chemin d'un requin ou de toute autre créature marine, » ajoute-t-elle.

La plupart des victimes sont des nageurs ou des surfeurs. Ce qui explique également pourquoi les incidents impliquant des requins ont tendance à survenir à la chaude saison car c'est également à cette période que ces activités attirent le plus de monde.

Cela dit, ces dernières années le nombre brut d'attaques de requins, et plus particulièrement les attaques mortelles, est à la baisse. En 2018, seules 66 attaques non provoquées ont été signalées, c'est 30 de moins qu'en 2015 où l'on avait recensé 98 attaques. Selon Naylor, cette baisse serait due en partie au déclin des populations de requins bordés au large des côtes floridiennes.

« Cette année n'est pas finie, nous n'en sommes qu'à la moitié mais je ne pense pas que ce sera ' l'année du requin ', » observe Bowling. À travers le monde, seules 49 attaques de requins ont été rapportées, une année pour le moins standard, ajoute Naylor.

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    APPÂTS À REQUINS ?

    D'après les experts, les requins n'attaquent pas l'Homme pour se nourrir.

    Cependant, ils peuvent parfois se méprendre. S'ils chassent des poissons plus petits et qu'une personne nage dans le banc alors il se peut qu'un requin étourdi finisse par mordre dans la chair humaine. Là encore, Naylor préfère relativiser et rappeler que la probabilité d'être victime d'une attaque de requin passe avec ce scénario « d'infiniment faible à deux fois infiniment faible. »

    De son côté, Bowling indique que les requins n'étant pas habitués à la présence humaine dans leur environnement, ils sont bien souvent aussi effrayés que l'Homme lors de ce type de rencontre.

    Lorsqu'ils attaquent, les requins adoptent « un comportement inhabituel », précise Macdonald en se basant sur son expérience d'observation et de manipulation de requins pour la science. Elle n'a jamais été témoin d'une morsure même si le risque existe. À l'évocation d'un incident récent, elle déclare : « Je ne vois aucune explication comportementale cohérente pour ce qui s'est passé aux Bahamas. »

     

    ASTUCES POUR ÉVITER LES ATTAQUES DE REQUINS

    Pour les experts et malgré ce qu'en disent les médias, nous ne devrions pas renoncer à nous baigner par peur des requins. « Des personnes se baignent tous les jours sans être mordues, » insiste Bowling.

    Statistiquement, vous avez bien plus de chance d'être frappé par la foudre que d'être victime d'une attaque de requins. En 2018, 1,24 million de personnes sont mortes des suites d'un accident de voiture alors qu'on ne dénombre que 130 attaques de requins (provoquées et non provoquées) à travers le monde. En 2015 et 2016, on dénombrait moins d'attaques mortelles de requins que de décès par selfie.

    Afin de profiter au maximum de votre séjour à la plage, vous pouvez prendre certaines mesures de précaution pour réduire encore plus le risque d'une rencontre hasardeuse avec un requin :

    - N'agrippez jamais un requin par sa queue, ses nageoires ou toute autre partie de son corps. Même les requins-nourrices habituellement dociles peuvent se retourner et vous mordre s'ils sont apeurés.

    - Évitez de nager aux heures de faible luminosité, au crépuscule et à l'aube ou dans des eaux troubles où les requins auront du mal à distinguer un être humain d'une proie potentielle.

    - Si, lorsque vous nagez, vous apercevez des poissons-appâts, des petits poissons aux reflets argentés, pensez à sortir de l'eau. Les requins ont tendance à suivre ces bancs de poissons jusqu'au rivage et pourraient vous mordre dans la confusion.

    - Ne portez pas de bijoux brillants, les requins pourraient vous confondre avec les poissons aux écailles scintillantes que nous venons de mentionner.

    - Évitez de remuer inutilement l'eau, cela pourrait attirer les requins.

    - N'allez pas dans l'eau si vous êtes blessés et que vous saignez, les requins ont un sens de l'odorat très développé.

    - Ne vous aventurez pas seul dans l'eau. Ainsi, s'il y a un problème, la ou les personnes qui vous accompagnent pourront aller chercher de l'aide. Les requins ont plutôt tendance à attaquer des personnes seules qu'un groupe entier mais restez attentifs, ils pourraient très bien faire une exception.

    Bien que certaines destinations très touristiques comme l'Australie aient opté pour l'abattage des requins afin de réduire le nombre d'attaques, de nombreux experts se prononcent contre cette pratique, en partie parce que les requins sont souvent migrateurs. D'autre part, ces animaux jouent un rôle essentiel dans les écosystèmes océaniques.

    « Je travaille quotidiennement avec des requins et l'une des choses que l'on réalise avec l'expérience, c'est leur vulnérabilité et le fait que nous sommes une menace bien plus grande pour eux qu'ils ne le sont pour nous, » conclut Macdonald.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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