Pourquoi il est dangereux d'avoir peur des insectes et des araignées

Aux États-Unis, on assiste à une frénésie autour des « frelons meurtriers ». L’hostilité envers les insectes est nuisible à la fois pour eux et pour nous.

De Douglas Main
Publication 10 août 2020, 10:15 CEST
Les Vespa mandarinia peuvent sembler effrayants mais il faut savoir qu’ils ne piquent que lorsqu’ils se ...

Les Vespa mandarinia peuvent sembler effrayants mais il faut savoir qu’ils ne piquent que lorsqu’ils se sentent attaqués. Ils n’ont été recensés que dans un seul comté aux États-Unis et ne posent donc aucun danger à la majeure partie des Américains.

PHOTOGRAPHIE DE Atsuo Fujimaru, Minden Pictures

En 1859, Alfred Russel Wallace, un naturaliste britannique connu, découvre une abeille géante – la plus grande du monde –, en explorant un archipel indonésien au nord des îles Moluques.

L’abeille géante de Wallace, comme on la surnomme, a des mandibules géantes qui lui permettent de creuser des trous dans les termitières. Malgré sa taille impressionnante, on a perdu la trace de l’insecte pendant plus d’un siècle. Ce n’est qu’en janvier 2019 que le photographe Clay Bolt réussit à prendre l’abeille en photo lors d’une expédition. Elle ne s’est pas montrée agressive et semblait plutôt détendue. « Assez zen, quoi », dit Clay Bolt à National Geographic.

Cependant, d’autres articles sur la découverte de l’abeille ont semé la terreur parmi les lecteurs. « Il faut vite la brûler », écrivent certains sur Twitter. D’autres affirment qu’elle « hantera nos nuits ». Des médias ont même titré « spectacle terrifiant » ou « abeille cauchemardesque » pour qualifier l’insecte qui, pourtant, est sans danger pour l’être humain.

L’abeille géante de Wallace est extrêmement rare, menacée par les collectionneurs et ne présente aucun danger pour l’Homme.

PHOTOGRAPHIE DE Clay Bolt

Fin 2019, des Vespa mandarinia, les plus gros insectes du monde, sont apparus dans la partie sud de la Colombie-Britannique et au nord-ouest de l’État de Washington. Un article du New York Times fait le tour du pays : ils y sont qualifiés de « frelons meurtriers », un terme jamais utilisé auparavant par les entomologistes. Un surnom qui leur est d’ailleurs resté.

Pour les personnes qui habitent près des régions où les Vespa mandarinia ont été découverts, il y a du souci à se faire, contrairement aux abeilles géantes de Wallace, puisque ces insectes peuvent se montrer agressifs lorsqu’ils défendent leurs nids et leurs piqûres peuvent être très douloureuses, affirme Justin Schmidt, entomologiste à l’université de l’Arizona. Le premier Vespa mandarinia a été piégé par le Washington State Department of Agriculture en juillet dernier à Birch Bay, où d’autres frelons auraient été observés. On suspecte la présence d’un nid à proximité.

Ces nouveaux envahisseurs ont uniquement été repérés dans un seul comté de Washington. Cependant, nombre de personnes à travers les États-Unis confondent les frelons indigènes avec les Vespa mandarinia. Les recherches en ligne sur les anti-frelons et autres insecticides ont nettement augmenté par rapport à l’année dernière et les experts ont été inondés d’appels à propos de ces espèces.

De nombreux frelons et abeilles inoffensifs ont sans doute été tués aux quatre coins du pays en raison de craintes non fondées à l’égard desdits « frelons meurtriers », explique Chris Looney, entomologiste au Washington State Department of Agriculture.

Cela met en lumière un manque de connaissances important en ce qui concerne les insectes, précise Jeffrey Lockwood, entomologiste et professeur de sciences naturelles et humaines à l’université du Wyoming.

Aux États-Unis en particulier, « nous sommes devenus particulièrement stupides sur le plan entomologique », ajoute Lockwood, qui a écrit le livre The Infested Minded: Why Humans Fear, Loathe, and Love Insects. « Nous ne faisons pas la différence entre ce qui est dangereux, ce qui est inoffensif et ce qui est utile. La plupart des enfants connaissent plus de marques de voitures ou de noms de superhéros que d’insectes. »

Cette ignorance est néfaste à la fois pour nous et pour les insectes, indique Lockwood, puisque ces derniers sont essentiels à la pollinisation, à l’élimination des parasites et à la décomposition des déchets.

Ces petites créatures sont menacées à l’échelle mondiale : selon une étude publiée en avril 2019, 40 % des insectes – toutes espèces confondues – sont en déclin et pourraient disparaître dans les décennies à venir.

Ce nombre est considérable car il faut savoir que les insectes constituent 60 à 70 % du nombre total des animaux. On estime également que d’innombrables espèces n’ont toujours pas été découvertes. (Les insectes, indispensables à notre survie, sont en train de disparaître.)

 

SURMONTER SA PEUR

Les êtres humains prêtent spontanément attention aux insectes parce qu’ils constituent une source d’alimentation importante ou un danger potentiel dans le cas de certaines espèces qui piquent, dit Lockwood. Cependant, sur le plan évolutionnaire, l’aversion aux insectes n’est pas bénéfique, encore moins justifiée.

Bien que la peur et le dégoût vis-à-vis des insectes et des arachnides soient malheureusement monnaie courante aux États-Unis, ils ne sont pas aussi répandus ailleurs, souligne Gwen Pearson, entomologiste et chargée des activités de sensibilisation à l’université Purdue.

En Asie, plusieurs espèces d’insectes sont très appréciées et font même office d’animaux de compagnie, comme les Dynastinae et les Lucanidae. Au Japon et en Chine, nombreux sont ceux qui respectent le Vespa mandarinia et lui vouent même une certaine admiration, renchérit Pearson.

Plus encore, les insectes et les arachnides jouent des rôles primordiaux dans les récits de la création au sein des sociétés autochtones du monde entier, comme les Lakota, un groupe tribal amérindien.

Des sauterelles aux fourmis en passant par les asticots… la consommation d’insectes est très répandue aux quatre coins de la planète. Même les Vespa mandarinia sont au menu : leurs larves sont très appréciées dans les sautés, dit Schmidt.

Aux États-Unis, la répulsion à l’égard des insectes s’acquière souvent au cours de l’enfance. Elle découle généralement d’un manque de connaissances et d’expériences négatives dans la nature, explique Lockwood. Les rencontres avec les insectes urbains comme les cafards sont également désagréables.

Pearson dirige le Purdue Bug Zoo qui abrite différents genres d’insectes et d’araignées. Elle se renseigne sur la manière dont les visiteurs perçoivent les insectes et rectifie les idées erronées.

Par exemple, bien que les tarentules soient grandes et souvent intimidantes, elles ne mordent que si elles se sentent menacées. Elles servent parfois d’animaux de compagnie, affirme Pearson.

« Je dis aux enfants. Tu vois cet animal que j’ai dans la main ? C’est une tarentule mais elle ne nous fera aucun mal », dit-elle.

Elle répète souvent qu’il existe plus de 3 000 espèces d’araignées en Amérique du Nord. Seules deux peuvent constituer un danger pour l’Homme : les Loxosceles reclusa et les Latrodectus. Même celles-ci sont rarement mortelles. Les morsures des araignées du type Loxosceles reclusa ne sont généralement pas fatales et le dernier décès suite à une morsure de Latrodectus a été enregistré il y a plus de 35 ans.

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    PHOTOGRAPHIE DE Jürgen Otto

    DES PERSPECTIVES NOUVELLES

    Pearson a remarqué qu’il suffit d’une ou de deux expériences positives pour que l’attitude vis-à-vis des insectes change radicalement.

    Il convient d’abord d’acquérir plus de connaissances à ce sujet, comme le fait de savoir que les trois quarts des plantes à fleurs et plus du tiers des cultures sont pollinisés par les insectes.

    Il faut également prendre conscience de la riche diversité qui existe. Il y a par exemple plus de 20 000 espèces différentes d’abeilles, indique Natalie Boyle, entomologiste à l’université d’État de Pennsylvanie.

    « Lorsqu’on n’a pas suffisamment d’informations, on a tendance à beaucoup se méfier », ajoute-t-elle.

    Avec le déclin considérable des insectes à l’échelle mondiale, il est grand temps, conclut-elle, « de réfléchir aux moyens de respecter et de prendre soin de nos amis invertébrés. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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