États-Unis : le loup gris n'est plus une espèce protégée

Alors que le loup gris n’occupe qu’une petite fraction de son ancienne aire de répartition, l'administration Trump estime que sa population s’est rétablie. Les défenseurs de l’environnement contestent cette décision.

De Christine Peterson
Photographies de Ronan Donovan
Publication 5 nov. 2020, 16:19 CET, Mise à jour 6 nov. 2020, 10:09 CET
Un loup marque une pause au bord de Pelican Creek, dans le parc national de Yellowstone. Les ...

Un loup marque une pause au bord de Pelican Creek, dans le parc national de Yellowstone. Les scientifiques ont réintroduit le prédateur dans la région dans les années 1990.

PHOTOGRAPHIE DE Ronan Donovan

Le 29 octobre dernier, l’U.S. Fish and Wildlife Service a annoncé que le loup gris n’était plus considéré comme une espèce protégée dans les États-Unis contigus, déclenchant une vague de recours en justice déposés par les défenseurs des loups, qui jugent cette décision prématurée.

En mars 2019, alors qu’il commençait le processus de retrait de l’espèce de la liste des espèces protégées, l’organisme avait déclaré que la population de loups gris, qui compte environ 6 000 individus dans les États-Unis contigus, était « stable et se portait bien dans l’ensemble de son aire de répartition actuelle ».

« Après avoir bénéficié du statut d’espèce protégée pendant 45 ans, le loup gris a dépassé tous les objectifs de conservation en vue d’un rétablissement de sa population », a déclaré David Bernhardt, secrétaire au Département de l’Intérieur des États-Unis dans un communiqué de presse le jeudi 29 octobre. « L’annonce d’aujourd’hui reflète simplement le fait que cette espèce n’est pas une espèce menacée ou en danger d’extinction sur la base de facteurs spécifiques exposés par le Congrès dans la législation ».

Cette décision ne concerne ni les loups du Mexique ni les loups rouges, espèces apparentées au loup gris qui bénéficient encore du statut d’espèces protégées et dont les populations à l’état sauvage sont très peu nombreuses.

Les organisations de conservation estiment qu’il est prématuré de retirer les loups de la liste des espèces protégées, étant donné que leurs populations continuent de reconquérir leur ancienne aire de répartition. En plus de cela, redonner la main aux États sur la question de la gestion des loups sans qu’une stratégie nationale cohérente n’ait été adoptée pour protéger l’espèce est dangereux, estime Kristen Boyles, avocate pour le cabinet en droit de l’environnement Earthjustice, qui prévoit de contester la décision devant les tribunaux.

La silhouette d’une louve morte dans le parc national de Yellowstone est dessinée dans la neige. Les loups n’occupent que 20 % de leur aire de répartition historique en Amérique du Nord.

PHOTOGRAPHIE DE Ronan Donovan

« Si l’objectif est que le nombre de loups revienne à ce qu’il était avant que nous les exterminions au début du siècle, vous n'y parviendrez pas sans un plan de rétablissement fédéral des populations », dit-elle. « Et vous n’aurez pas de plan de rétablissement fédéral sans protections fédérales ».

D’après la Endangered Species Act (loi américaine relative aux espèces menacées, ndlr), une espèce qui est considérée comme menacée ou en danger dans « toute ou une fraction importante de son aire de répartition ». Dans l’ensemble, les loups occupent moins de 20 % de leur aire de répartition historique : c’est la raison pour laquelle les défenseurs de l’environnement disent que le rétablissement des populations est loin d’être total.

« 80 % de l’habitat traditionnel des loups ne compte aucun loup, comment se peut-il que cela soit sans importance ? », demande Mike Phillips, sénateur du Montana qui a été impliqué dans les réintroductions de loups pendant des dizaines d’années.

 

LE LOUP, UN ANIMAL QUI DIVISE

Le territoire des loups gris s’étendait autrefois sur une grande partie de l’Amérique du Nord, de l’Alaska jusqu’au Mexique et du Maine jusqu’à la Californie. Au début du 20e siècle, une campagne d’extermination coordonnée à l’échelle nationale a décimé la plupart des canidés vivant dans les États-Unis contigus. Seule subsistait une petite population dispersée le long de la frontière canadienne. Le loup gris a été inscrit sur la liste des espèces protégées par les États-Unis dans les années 1970.

Grâce à la réussite d’un effort de réintroduction dans les années 1990, leur population a augmenté dans les montagnes Rocheuses du Nord, ce à quoi s’est ajoutée l’arrivée de loups du Canada, permettant la constitution de meutes isolées dans les États de Washington, de l’Oregon et de la Californie. Les canidés ont lentement gagné du terrain dans la région des Grands Lacs, stimulés par une population relique dans le Minnesota et au Canada. Les loups d’Alaska, dont la population est stable, n’ont jamais bénéficié de protection en tant qu’espèce menacée ou en danger.

Aux États-Unis, peu d’animaux suscitent autant d’adoration ou de colère que le loup gris. Ses défenseurs mettent en avant le rôle naturel des loups dans les écosystèmes, comme leur capacité à réguler les hardes d’élans et de cerfs. Les agriculteurs et certaines organisations de chasse dénoncent la tendance des loups à tuer des moutons et des vaches et à se nourrir d’espèces de gibier de valeur. (À lire : pourquoi la protection des loups fait débat.)

Ce débat des temps modernes porte principalement sur les lieux où devraient vivre les loups. Lors d’une conférence de presse jeudi 29 octobre, un haut responsable de l’U.S. Fish and Wildlife Service a déclaré que les loups n’avaient pas besoin de figurer sur la liste des espèces protégées pour se disperser dans d’autres régions.

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    Une meute de loups traverse un ruisseau dans le parc national de Yellowstone.

    PHOTOGRAPHIE DE Ronan Donovan

    Cet argument sonne toutefois faux aux oreilles de la plupart des chercheurs et organisations de conservation du loup, comme Defenders of Wildlife, qui demandent plus de 6 millions d’hectares de terrain public dans l’ouest du Colorado pour en faire un lieu où les loups pourraient et seraient autorisés à se disperser.

    « Nous pensons que cette décision du FWS va mettre un coup d’arrêt au rétablissement de la population de loups, alors qu’il existe une multitude d’habitats adaptés qui sont inoccupés », explique Jamie Rappaport Clark, président et directeur exécutif de Defenders of Wildlife et ancien directeur de l’U.S. Fish and Wildlife Service.

    Une nouvelle étude publiée le 29 octobre qui se base sur des modèles d’habitats révèle par exemple que les loups pourraient prospérer dans 17 États, notamment des zones de la Nouvelle-Angleterre, du Sud-Ouest du pays et du Nord-Ouest Pacifique.

     

    UNE ESPÈCE ENCORE PROTÉGÉE DANS CERTAINS ÉTATS

    Dans le Colorado, la question de la réintroduction (ou non) de loups dans l’État, débattue depuis des années, a fait l’objet d’un référendum. Si la population vote en faveur d’une réintroduction, les fonctionnaires en charge de la faune devront relâcher des canidés dans l’Ouest du Colorado d’ici fin 2023. Ces meutes pourraient alors se rapprocher de loups des autres régions, comme ceux des montagnes Rocheuses du Nord et du Nouveau-Mexique.

    De nombreux écologistes et défenseurs des loups, à l’image de Mike Phillips, estiment que cette décision permettrait un rétablissement total de l’espèce.

    « Le [Wildlife] Service a presque fini de se libérer de ses obligations envers Canis lupus et ses arguments en faveur d’un retrait de l’espèce de la liste seront renforcés s’il y a rétablissement d’une population viable dans l’Ouest du Colorado », indique Mike Phillips.

    Des scientifiques à bord d’un hélicoptère de repérage suivent un loup dans le parc national de Yellowstone. Les spécialistes utilisent une fléchette tranquillisante afin d’endormir les animaux et pouvoir les étudier. Ces derniers sont ensuite relâchés sains et saufs.

    PHOTOGRAPHIE DE Ronan Donovan

    Toutefois, même sans protections fédérales, l’État du Colorado considère actuellement les loups comme une espèce protégée, au même titre que d’autres États, notamment ceux de Washington, de la Californie et du Nebraska.

    « Les organismes étatiques et tribaux chargés de la faune disposent d’une longue expérience de gestion réussie de la faune dans leurs États », a déclaré un représentant de l’U.S. Fish and Wildlife Service lors de la conférence du jeudi 29 octobre, « notamment en ce qui concerne les cerfs, les élans, les dindons sauvages, les loutres de rivière et d’autres espèces, qu’il s’agisse ou non de gibier, qui ont été éradiquées, avant qu’un rétablissement de leur population à des niveaux leur permettant de prospérer ait lieu ».

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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