Les primates présenteraient plus de risques de contracter la COVID-19

Des espèces en déclin comme les orangs-outans de Sumatra et les gorilles des plaines occidentales seraient plus susceptibles de contracter le coronavirus, du fait de leurs similitudes génétiques avec les humains.

De Paul Nicolaus
Publication 24 nov. 2020, 15:59 CET

Une orang-outan de Sumatra tient la main de son petit au parc national de Gunung Leuser, en Indonésie.

PHOTOGRAPHIE DE Cyril Ruoso, Nature Picture Library

Alors que la pandémie de coronavirus fait rage dans le monde entier, une grande partie de l'attention se concentre sur le nombre croissant de morts humaines. Mais selon les experts, quelques uns de nos plus proches parents du règne animal sont également menacés par le SRAS-CoV-2. 

Une analyse récente de plus de 400 espèces de vertébrés, y compris des oiseaux, des poissons, des amphibiens, des reptiles et des mammifères, indique que des espèces de primates en danger critique d'extinction comme le gibbon à favoris blancs du Nord, l'orang-outan de Sumatra et le gorille des plaines de l'ouest - ainsi que le chimpanzé et le bonobo, en voie de disparition, sont particulièrement vulnérables aux infections en raison de leurs similitudes génétiques avec les humains.

Le chef de l'étude Harris Lewin a entrepris d'identifier les animaux qui pourraient servir ds'hôtes au coronavirus - l'ancêtre du SRAS-CoV-2 aurait émergé chez une espèce de chauve-souris originaire de Chine et aurait pu infecter une autre (ou plusieurs) espèces animales avant d'être transmise à l'Homme. Mais au fur et à mesure que ses recherches progressaient, les données ont commencé à révéler que les humains pouvaient être un vecteur et transmettre la maladie aux animaux sauvages. 

« Le potentiel épidémique de maladies de type COVID chez les populations captives ou sauvages de primates menacés est assez élevé », déclare Lewin, professeur d'écologie et d'évolution à l'Université de Californie à Davis. C'est une préoccupation réelle pour les animaux rares en captivité, comme les huit lions et tigres infectés du zoo du Bronx à New York. Selon lui, il est probable que le virus leur ait été transmis par leurs gardiens.

Les humains infectés pourraient transmettre le virus dans certaines régions du monde où les animaux sauvages entrent en contact étroit avec les populations humaines, comme dans certaines régions d'Afrique.

Comme base de leur étude, Lewin et son équipe ont examiné de plus près l'évolution et la structure du récepteur protéique ACE2, sur lequel le coronavirus se fixe pour pénètrer dans les cellules humaines. Ils ont étudié la protéine sur des centaines d'espèces de vertébrés, ce qui leur a permis de déterminer les risques relatifs de chacune des espèces de contracter le virus. Ceux dont le risque est estimé très faible ont des récepteurs ACE2 assez différents de ceux de l'Homme.

Parmi les 103 espèces à risque très élevé, élevé ou moyen, 40 % sont considérées comme menacées sur la Liste rouge des espèces menacées de l'Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN), selon l'étude publiée récemment dans les Comptes-rendus de l'Académie nationale des sciences des États-Unis.

Les 18 animaux à très haut risque sont tous des primates et des grands singes. Pour autant, et à la surprise des chercheurs, certaines espèces menacées à haut risque - comme le dauphin de Chine, le cerf du Père David et le marsouin sans nageoires - sont très éloignés des Hommes.

 

MOINS LÉTAL

Les chercheurs invitent à ne pas surinterpréter leurs résultats, notant que le risque réel doit être confirmé par des données expérimentales. Et la possibilité qu'une infection puisse survenir par une voie cellulaire autre que la protéine ACE2 ne peut être exclue, car il existe plusieurs façons pour le virus de pénétrer dans le corps, comme le rappelle Lewin.

Alors que plusieurs espèces sont théoriquement susceptibles d'attraper le virus, seuls quelques animaux captifs - chiens domestiques, chats domestiques, lions, tigres et visons - ont jusqu'à présent été infectés, note Dalen W. Agnew, professeur au Département de pathobiologie et d'investigation diagnostique de l'université d'État du Michigan.

Dans des contextes expérimentaux, les macaques rhésus, les macaques crabiers et les vervets verts ont été testés positifs au coronavirus, mais la plupart ont présenté des formes cliniques relativement bénignes, selon une étude récente. Des études similaires ont montré que les furets domestiques présentaient des signes bénins ou indétectables de maladie, que les chauves-souris égyptiennes ne présentaient aucun symptôme et que les hamsters syriens souffraient d'une forme de la maladie légère à modérée.

Même si le virus ne semble pas aussi mortel pour les animaux que pour les Hommes, le co-auteur de l'étude Klaus-Peter Koepfli, assistant de recherche au Smithsonian Conservation Biology Institute, souligne que le vison peut mourir du SRAS-CoV-2.

Dans l'état actuel des choses, il n'y a tout simplement pas assez d'informations disponibles pour comprendre pourquoi le virus peut entraîner une mortalité plus importante chez certaines espèces plutôt que d'autres. 

Il n'y a aucune preuve que le coronavirus se propage actuellement au sein des populations d'animaux sauvages. Pourtant, certains chercheurs estiment que nous ne sommes probablement pas au courant de toutes les infections, de la même manière que de nombreux cas humains n'ont probablement pas été détectés tout au long de la pandémie.

Il est difficile de déterminer dans quelle mesure le virus se propage réellement chez les animaux, explique Andrew Bowman, professeur agrégé au Département de médecine vétérinaire préventive de l'université d'État de l'Ohio. « C'est certainement quelque chose à surveiller », dit-il, en particulier chez les populations vulnérables ou en contact direct avec le monde animal.

 

PRÉVENIR LA PROPAGATION

Non seulement les animaux les plus proches de l'Homme sont plus sensibles au nouveau coronavirus pour des raisons génétiques, mais aussi, comme nous, à cause de leur grande sociabilité.

Koepfli note qu'un animal dont le sort est préoccupant est le gorille de l'Est, dont il reste moins de 5 000 spécimens à l'état sauvage, divisés en petites populations et sous-espèces, comme le gorille de montagne. Si ces grands singes, qui vivent dans des groupes familiaux très soudés, étaient infectés et mouraient à des taux similaires à ceux que nous connaissons, ajoute-t-il, cela serait une menace supplémentaire pour ces animaux.

En raison des ramifications, Koepfli et Lewin affirment que des mesures de précaution sont essentielles. Dans des environnements tels que les parcs nationaux, le personnel devrait être régulièrement testé, car tout contact pourrait conduire au début d'une pandémie chez ces primates. Il est également essentiel que les zoos continuent de mettre en œuvre leurs plans de gestion pour empêcher la propagation du virus des gardiens aux animaux.

« Peut-être avons-nous eu de la chance que le virus ait été transmis aux tigres », dit Lewin, « parce que s'il avait été transmis aux primates, cela aurait pu être beaucoup plus dévastateur. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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