Nouvelles preuves de l'intelligence des cacatoès sauvages

Les cacatoès sont capables d'apprendre à ouvrir des poubelles en regardant faire leurs congénères. Pendant longtemps, ce type d'apprentissage social n’a été attribué qu’aux Hommes et aux singes anthropomorphes.

De Christine Dell'Amore
Publication 23 juil. 2021, 15:31 CEST

Les cacatoès à huppe jaune (Cacatua galerita) sont des oiseaux sociables que l’on retrouve en grand nombre dans les régions urbanisées de l’est de l’Australie.

PHOTOGRAPHIE DE Robert Clark&& National Geographic Image Collection

Les perroquets sont capables d’imiter le langage des Hommes, de danser en rythme sur de la musique et même de s’entraider lorsqu’ils en ont besoin. Désormais, une étude a prouvé que ces oiseaux au cerveau large peuvent également apprendre de nouveaux comportements les uns des autres. Ce trait de caractère était considéré comme propre aux humains et aux singes anthropomorphes il y a tout juste dix ans encore.

À Sydney, en Australie, certains cacatoès à huppe jaune (Cacatua galerita), une espèce d’oiseau bavarde et commune dans les villes de l’est de l’Australie, ont appris comment ouvrir des bacs à ordures. Ce comportement a rapidement été imité par d’autres oiseaux, leur permettant ainsi d’exploiter une nouvelle source de nourriture.

Cette découverte prouve que ces perroquets ont « rejoint le club des animaux qui montrent des signes de culture », déclare Barbara Klump, écologiste comportementale et directrice de l’étude publiée le 23 juillet dans la revue Science.

D’autres espèces sociales à l’espérance de vie longue et aux cerveaux développés, telles que les corbeaux, les grands singes ou encore les cétacés, apprennent les uns des autres pour la recherche de nourriture. Par exemple, les chimpanzés (Pan) se montrent mutuellement de nouvelles façons d’ouvrir les noix. « On pourrait s’attendre à ce que les perroquets aussi remplissent ces critères mais nous n’avions aucune preuve » jusqu’alors, indique Mme Klump, exploratrice National Geographic et employée à l’Institut Max Planck du comportement animal en Allemagne. (À lire : Les secrets des baleines (et autres cétacés).)

Certes, les perroquets en captivité sont bien étudiés, pensez notamment à Alex, le gris du Gabon (Psittacus erithacus) qui montrait l’intelligence d’un enfant de 3 ans. Toutefois, il est plus compliqué d’observer les comportements culturels des perroquets sauvages, d’où ce manque de preuves. Il est difficile de prendre en compte tous les facteurs susceptibles d’influencer les actions des oiseaux dans un environnement sauvage.

Néanmoins, puisque les cacatoès à huppe jaune fréquentent généralement les mêmes poubelles à Sydney, ils se trouvaient dans un terrain d’étude idéal pour que Mme Klump puisse observer ces « explorateurs urbains » effrontés, comme elle les appelle.

 

Ces magnifiques perroquets de 60 cm de haut coiffés de leur huppe jaune vif sont originaires de l’est de l’Australie et des îles du Pacifique environnantes. Contrairement à la majorité des 340 espèces de perroquets connues, le cacatoès à huppe jaune prospère en grand nombre, notamment dans les environnements urbains. Malheureusement, ils sont souvent considérés comme des nuisibles dans ces milieux à cause de leurs habitudes destructrices, comme le fait de grignoter les balcons.

Les spécialistes des perroquets ne sont pas nécessairement surpris par la découverte de cet apprentissage social, souligne Timothy Wright, biologiste à l’université du Nouveau-Mexique, qui étudie l’apprentissage vocal chez les perroquets mais qui ne faisait pas partie de la nouvelle étude. Il souligne tout de même que cette étude permet d’appuyer le fait que les perroquets sont des êtres particulièrement intelligents.

« J’aime dire que les perroquets sont les plus humains des oiseaux et ces résultats confirment une nouvelle fois ce point de vue. »

 

UN APPRENTISSAGE RAPIDE

Au milieu des années 2010, les scientifiques ont commencé à entendre dire que des cacatoès arrivaient à ouvrir des poubelles dans les quartiers sud de la ville de Sydney. « Ce qui était intéressant, c’était que la ressource [d’étude] était partout, puisque les oiseaux sont nombreux, mais que nous n’observions pas ce comportement partout », explique Mme Klump.

Elle et ses collègues ont mis en place une enquête en ligne au sein de l’agglomération de Sydney et de Wollongong. L’équipe a demandé aux habitants de leur indiquer si les cacatoès de leur quartier réussissaient à ouvrir les poubelles. Des citoyens d’environ 400 quartiers ont répondu.

La première enquête, menée en 2018, a confirmé que des personnes avaient vu ces oiseaux fouineurs ouvrir leurs poubelles avec leur bec et leurs serres dans trois quartiers du sud. Fin 2019, les investigations ont révélé que ce comportement s’était étendu à quarante-quatre quartiers. En plaçant ces données sur une carte, on a remarqué que ce comportement s’étendait vers l’extérieur de la ville, en suivant un mouvement prévisible. Selon Barbara Klump, il s’agit là d’une indication manifeste qui prouvait que l’ouverture des bacs à ordures était une compétence acquise et non isolée.

Au fil du temps, les oiseaux ont développé de nouvelles techniques pour soulever les couvercles des bacs. Selon les résultats de l’étude, c’est la preuve de la présence de sous-cultures régionales. (À lire : Le cacatoès noir, rock star du royaume animal.)

Au cours de l’étude, les scientifiques ont pris le temps de se familiariser avec près de 500 cacatoès. Puis, une fois que les oiseaux s’étaient à leur présence, les scientifiques se sont servis d’éponges à maquillage pour étaler des taches de peinture non toxique sur les plumes des animaux. Cette technique leur a permis de suivre quel animal en particulier était capable d’ouvrir des poubelles.

Sur les 500 oiseaux marqués à la peinture, seulement 10 % d’entre eux ont été capables d’ouvrir les bacs à ordure. La plupart étaient des mâles. C’est peut-être dû au fait qu’ils sont plus dominants dans la hiérarchie sociale des cacatoès à huppe jaune. Cela peut également être expliqué par le fait qu’ils sont plus grands et, de fait, plus aptes physiquement à soulever les couvercles. Ce comportement n’était pas prévalent pour une classe d’âge en particulier. Les jeunes oiseaux étaient tout aussi doués pour ouvrir les bacs que les plus âgés.

 

LA SCIENCE SOUTENUE PAR LE PUBLIC

L’étude « démontre très clairement que les cacatoès ... sont capables de modifier leurs comportements alimentaires afin d’exploiter de nouvelles sources de nourriture. [Elle prouve également] que ce comportement est transmis et perpétué sur le long terme, au moins tout au long de cette étude », souligne Daniella Teixeira, écologiste à l’université du Queensland en Australie, spécialiste des cacatoès d’Australie.

Elle précise que la recherche « nous donne un peu d’espoir » quant au fait que les espèces de cacatoès en danger peuvent elles aussi apprendre de nouvelles méthodes pour chercher de la nourriture et partager ces connaissances avec leurs congénères ». Parmi ces espèces en danger figure le cacatoès banksien (Calyptorhynchus banksii), présent dans le sud-est de l’Australie, qui compte moins de 1 500 individus à l’état sauvage.

Elle salue en outre la participation citoyenne à l’étude, qui constitue un nouvel outil de recherche pour l’étude des perroquets sauvage. « C’est génial de constater la propagation de ce comportement dans un laps de temps si court, et c’est encore plus chouette de l’avoir noté grâce à la science citoyenne. C’est une approche novatrice. »

Ce recours à la population ainsi que la technique non invasive pour marquer les oiseaux a également impressionné M. Wright. « C'était plutôt ingénieux d’utiliser ces différentes approches pour cette étude », approuve-t-il, et notamment pour des perroquets peu étudiés.

« Nous avons toujours su au fond de nous que les perroquets étaient des animaux très intelligents. »

La National Geographic Society, engagée pour mettre en lumière et protéger les merveilles de notre planète, a financé le projet de l’exploratrice Barbara Klump. Pour en apprendre davantage sur le soutien de la Nat Geo Society auprès des explorateurs qui révèlent et protègent les espèces essentielles, cliquez ici.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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