Des cornes de rhinocéros radioactives, nouvelle tentative pour limiter le braconnage

The Rhisotop Project est un projet anti-braconnage encore en phase de test. L’idée ? Enrayer le braconnage de cornes de rhinocéros en y injectant des petites quantités d’isotopes radioactifs, pour mieux les repérer lors de contrôles.

De Margot Hinry
Publication 22 sept. 2021, 10:30 CEST, Mise à jour 28 sept. 2021, 09:58 CEST
Pour réduire le risque que les animaux soient tués par des braconniers, la corne de nombreux ...

Pour réduire le risque que les animaux soient tués par des braconniers, la corne de nombreux rhinocéros vivant dans des réserves privées d’Afrique du Sud est coupée. Mais comme elle repousse après quelques années cette stratégie s’avère onéreuse pour les parcs publics à court d’argent, comme celui de Kruger. Les rhinocéros photographiés vivent à Nelspruit, dans l’élevage de John Hume.

PHOTOGRAPHIE DE Brent Stirton

Le Dr. James Larkin, originaire du Kenya, étudie et travaille dans le domaine de la santé et des radiations depuis plus de vingt-cinq ans. Il est aujourd’hui directeur de l’unité « Radiation et santé » de l’université de Witwatersrand, à Johannesburg.

Un jour, alors qu’il échangeait avec des amis à propos de l’extinction progressive des rhinocéros due en grande partie au braconnage, une idée a surgi. Pourquoi ne pas leur injecter des radiations ? De prime abord, cela semblait impossible, dangereux et plutôt étrange. Mais en prenant en considération le fait que les aéroports, les ports, certaines frontières routières sont d’ores et déjà équipés de portails et de détecteurs d’activité radioactive, le traçage de cornes radioactives serait en fait facilement réalisable.

« Tout s’est éclairé dans ma tête. L’idée qu'on puisse injecter une quantité suffisante de radioactivité dans les cornes des rhinocéros pour pouvoir éloigner les braconniers, sans nuire aux animaux [m'a séduit] » explique le Dr. James Larkin.

 

LES RHINOCÉROS BLANCS ET NOIRS EN DANGER D'EXTINCTION

Selon des anciennes croyances traditionnelles vietnamiennes et chinoises, les cornes de rhinocéros auraient des vertus médicinales et aphrodisiaques. Selon des chiffres publiés par le WWF, la poudre de corne de rhinocéros pourrait même être vendue plus chère que l’or ou que la cocaïne. Les vendeurs rusent en utilisant ces mécanismes de croyances pour imposer des prix très élevés aux acheteurs. Certains s’en font des colliers, des bracelets, d’autres s’offrent des cornes en guise d’objets de luxe. « C’est une pure démonstration de richesse » témoigne le Dr. James Larkin.

Depuis les années 1700, la chasse à la corne de rhinocéros est en perpétuelle croissance. Les animaux sont tués et leurs cornes coupées puis vendues illégalement sur le marché noir. Les chiffres sont effrayants. Même si les efforts humains pour faire survivre certaines espèces ont parfois porté leurs fruits, cela reste insuffisant.

« Nous devons nous lever toutes les nuits pour protéger les animaux. C’est un énorme budget qui est placé dans la surveillance et cela ne suffit pas toujours. […] Il suffit d’une nuit pour que les braconniers tuent les rhinocéros. Nous avions besoin d’un nouvel outil pour combattre la guerre contre le braconnage ! Si nous ne faisons rien, d’ici dix ans, les seuls endroits où vous verrez des rhinocéros seront les zoos. ».

Cette année, selon le professeur Larkin, environ 3 000 rhinocéros ont été tués en Afrique du Sud. Les chiffres sont inférieurs aux années précédentes, mais cela n’enchante pas les conservationnistes. Cela s’expliquerait par le fait que les populations de rhinocéros comptent de moins en moins d'individus. « Ces dix dernières années, le parc National Kruger, qui est un grand terrain en Afrique du Sud, faisant environ la taille d’Israël, a perdu au moins 70 % de sa population de rhinocéros blancs (Ceratotherium simum). Ce sont les chiffres reconnus par le gouvernement. Si vous demandez aux spécialistes qui s’y trouvent, ils vous diront que c’est encore plus ». Selon le Dr. Larkin, la région compterait environ 80 % de la population mondiale de rhinocéros blancs et noirs (Diceros bicornis).

Dr. James Larkin et son équipe, en plein travail.

PHOTOGRAPHIE DE The Rhisotope Project

COUPER LES CORNES OU LES RENDRE RADIOACTIVES ?

Les massacres de rhinocéros sont devenus trop nombreux et pour pallier à cela, beaucoup de propriétaires en arrivent à couper eux-mêmes les cornes de leurs animaux, pour leur éviter la mort. D'aucuns affirment que ces cornes ne sont pas essentielles aux rhinocéros, ce qui n’est pas l’avis du Dr. Larkin. « La nature ne perd pas de temps et d’énergie à faire pousser quelque chose sur un animal qui lui serait inutile. (…) Les rhinocéros ont des cornes pour plusieurs raisons, que ce soit pour se protéger, montrer leur dominance, se battre, protéger les juvéniles... Les rhinos ont besoin de leurs cornes. Oui, ils peuvent survivre sans. Mais franchement, qui veux voir un rhinocéros sans corne ? »

Le Rhisotope Project est une nouvelle alternative qui a pour but de décourager et de démasquer
les braconniers, tout en laissant la vie sauve aux rhinocéros. Les équipes du Rhisotope Project viennent de recevoir les premiers résultats des laboratoires de recherche. « Nous avons injecté des isotopes stables (non-radioactifs) de carbone et d’hydrogène, dans des cornes de plusieurs rhinocéros pour voir si le produit ne se diffusait pas au-delà de leurs cornes. ».

Les scientifiques et défenseurs des animaux à l’origine de ce projet ont désormais la certitude que les isotopes ne migreront pas dans le corps de l’animal.

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    Tête de rhinocéros 3D, par The Rhisotope Project.

    PHOTOGRAPHIE DE The Rhisotope Project

    DU NUCLÉAIRE POUR LIMITER LE DANGER DE MORT

    Les scientifiques qui soutiennent le projet depuis le Colorado vont ensuite continuer les tests sur une tête de rhinocéros reproduite grâce à une imprimante 3D. « Il est possible de calculer la bonne quantité d’isotopes radioactifs à injecter dans chaque rhinocéros sans les blesser. Nous passons par un processus informatique qui calcule quelles doses injecter sans avoir d'effet néfaste sur la santé de l’animal » explique le Dr. James Larkin.

    D’ailleurs, l’association Mondiale du Nucléaire elle-même confirme que ce procédé, à faible dose, ne met pas en péril la vie de l’animal. « Chez les humains, des millions d’interventions médicales utilisent chaque année de petites quantités de radio-isotopes, principalement pour le diagnostic. Elles sont également utilisées à des fins médicales chez les animaux » souligne le Dr. Jonathan Cobb, le gestionnaire principal des communications de l’Association Mondiale du Nucléaire.

    Gauche: Supérieur:

    The Rhisotope Project

    Droite: Fond:

    The Rhisotope Project

    Photographies de The Rhisotope Project

    Le projet aura abouti lorsque la technique sera vérifiée et que le concept sera validé par toutes les parties prenantes. Le Rhisotope Project est soutenu par des propriétaires de rhinocéros, des scientifiques et expert.e.s du monde entier et se développe en collaboration avec l'Australian Nuclear Science and Technology Organisation, l'Université d'État du Colorado, l'Agence fédérale de l'énergie atomique russe (ROSATOM) et la Nuclear Energy Corporation of South Africa.

    Si c'est un succès, le programme sera probablement étendu à d’autres animaux sauvages en danger, comme les éléphants ou les pangolins.

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