Ce puma a migré sur plus de 1 500 km, un record pour l'espèce

C'est l’un des plus longs périples jamais enregistrés pour l'espèce. Ce puma femelle, baptisé F66 par les scientifiques, a parcouru plus de 1 600 kilomètres en 2022.

De Christine Peterson
Publication 18 mars 2024, 10:54 CET
F66, un puma femelle, observe des scientifiques depuis un arbre dans la chaîne Wasatch, dans l’Utah ...

F66, un puma femelle, observe des scientifiques depuis un arbre dans la chaîne Wasatch, dans l’Utah (États-Unis). Ce cliché a été pris en 2021.

PHOTOGRAPHIE DE Utah Division of Wildlife Resources

Laissant derrière lui son domaine vital situé dans les montagnes du centre de l’Utah, le puma a pris la direction de l’est. L’animal, âgé de deux ans et demi, a viré légèrement au nord, puis un peu au sud, avant de s'arrêter au bord d’un bassin de retenue à cheval entre l’Utah et le Wyoming, de bondir dans l’eau et de nager jusqu’à l’autre rive sur 400 mètres.

Au fil des mois, il a traversé quatre États majeurs des États-Unis avant d’être tué par un autre congénère sur le versant oriental des Rocheuses, dans le Colorado.

Ce puma femelle, baptisé F66 par les scientifiques, aura parcouru en tout environ 1 000 miles, soit plus de 1 600 kilomètres en 2022. Il s’agit d’un des périples les plus longs jamais enregistrés effectués par un puma équipé d’un collier émetteur.

Ce voyage vient s’ajouter aux 200 cas enregistrés de présence de pumas dans l’est du pays ces dernières années, dans une sorte de destinée manifeste féline inversée.

En 2009, un célèbre puma mâle parti de l’ouest du Dakota du Sud avait rejoint le Connecticut.

S’appuyant en partie sur de tels périples, les chercheurs avaient prédit il y a 10 ans que le plus gros félin d’Amérique du Nord serait en mesure de recoloniser des États comme l’Arkansas et le Missouri en l’espace de 25 ans. Les pumas étaient présents sur l’ensemble du territoire de l’Amérique du Nord avant que les colons européens ne les éliminent en grande partie. Seuls quelques individus ont pu trouver refuge dans les régions montagneuses de l’ouest des États-Unis et en Floride, État qui abrite par ailleurs une petite population appartenant à une sous-espèce, la panthère de Floride.

Mais en 2024, l’expansion du puma se limite à quelques individus aventuriers et de nombreuses erreurs d’identification, rapporte Mark Elbroch, directeur du programme dédié aux pumas pour Panthera, une organisation mondiale de conservation des félins sauvages.

Pour que l’espèce s’installe dans l’est des États-Unis, le gouvernement fédéral et le public doivent faire preuve de tolérance entre le prédateur.

« Nous devons aider les personnes à comprendre en quoi la présence des grands félins est bénéfique à l’environnement et la manière dont ils contribuent à la bonne santé de nos écosystèmes », explique Mark Elbroch. « Ils favorisent la biodiversité, ils rendent l’écosystème plus résilient, ce qui rend nos communautés plus fortes et plus saines ».

 

« ELLE NE RALENTISSAIT PAS LE RYTHME »

Début 2022, des biologistes de la faune de l’Utah ont équipé F66 d’un collier dans le cadre d’un projet s’intéressant à la manière dont les pumas se déplacent dans l’environnement, choisissent leurs proies et se nourrissent de charognes. Les chercheurs s’attendaient à ce que certains félins, notamment les mâles, se dispersent, mais seulement sur quelques centaines de kilomètres.

Morgan Hinton, biologiste de la faune au département des ressources naturelles de l’Utah a donc été très surprise de voir F66 si loin de son domaine vital d’origine en ouvrant son ordinateur à l’été 2022.

Un puma grimpe aux arbres pour chasser un paresseux

« Je voulais voir chaque jour où elle se trouvait », raconte la biologiste, le collier émettant ses coordonnées satellites toutes les 24 heures. « Surtout lorsqu’elle est arrivée dans les monts Uinta, dans l’Utah. Nous savions qu’elle allait quelque part. Elle ne ralentissait pas le rythme ».

Puis, le félin s’est arrêté. Au lieu de sa localisation, son collier a émis une alerte de mortalité. Les biologistes de l’Utah ont alors demandé à leurs collègues du Colorado de retrouver la dépouille de F66, qui ont constaté que la jeune femelle avait été tuée par un autre puma. Personne ne sait pourquoi, mais ces animaux sont très territoriaux. 

« Nous étions convaincus qu’elle finirait dans le Kansas », confie Morgan Hinton. « Mais elle a été tuée en chemin ».

 

UNE DISPERSION SEMÉE D’EMBÛCHES

Selon les chercheurs, il sera de plus en plus difficile pour les félins de s’implanter dans de nouveaux territoires.

Dans l’Utah, par exemple, les législateurs ont voté en 2023 l’autorisation de la chasse au puma sans aucune limite, toute l’année. Les responsables de l’environnement du sud-ouest du Wyoming ont récemment décidé de relever le quota de félins à abattre dans l’espoir de faire remonter les effectifs de cerfs hémiones.

Mark Elbroch estime que ces décisions, associées à l’augmentation du nombre d’habitants (et donc des déplacements) dans l’ouest des États-Unis, pourraient compliquer la dispersion des pumas, avant de préciser que la dispersion d’un seul individu n’est pas comparable à l’installation d’un groupe de félins dans une zone pour y élever des petits.

Selon une étude parue en 2015 réalisée par Michelle LaRue, maître de conférences à l’université de Canterbury au Royaume-Uni qui a étudié les pumas d’Amérique du Nord, il aura fallu 20 ans aux pumas des Black Hills du Dakota du Sud pour retourner s'installer dans la chaîne montagneuse de Pine Ridge, au Nebraska.

Cette population ne compte pour l’heure que 20 individus et l’État a récemment ouvert une saison de chasse au félin, avec des prélèvements limités.

Qui plus est, les pumas ont besoin de trouver des partenaires, mais aussi un habitat qui leur est favorable (proies présentes en nombre, territoire non fragmenté par des routes très fréquentées et des quartiers d’habitation) pour pouvoir se réimplanter naturellement dans le Midwest ou l’est des États-Unis. Les données collectées grâce aux colliers GPS posés dans l’Utah démontrent que la plupart des animaux étudiés semblent éviter les routes, souligne Darren DeBloois, coordinateur du programme pour le gibier à poils.

Il existe bien évidemment des zones où les pumas se sont adaptés à la vie dans des environnements urbains, comme à Los Angeles (Californie), à Phoenix (Arizona) et à Santiago (Chili). Un individu, P22, est devenu une véritable célébrité après avoir vécu près de 10 ans dans le quartier de Hollywood Hills. 

 

PUMA, Y ES-TU ?

C’est peut-être à cause des histoires de F66, du puma observé dans le Connecticut ou de celui abattu par la police dans une ruelle du quartier nord de Chicago, que les habitants du Midwest et de l’est du pays croient souvent apercevoir des pumas dans leur jardin.

Michelle LaRue tenait autrefois un compte Twitter populaire avec le hashtag #cougarornot (#pumaoupaspuma en français), où les utilisateurs pouvaient partager des clichés montrant ce qu’ils pensaient être des pumas. La biologiste republiait les photos en demandant aux internautes de deviner de quel animal il s’agissait, avant de révéler son identité quelque temps plus tard.

La plupart du temps, les félins photographiés étaient des lynx. Mais il arrivait aussi que des labradors ou des golden retrievers apparaissent sur les clichés.

D’après Michelle LaRue, ces identifications erronées s’expliqueraient par le fait que le public ignore la taille que font les félins sauvages, et notamment les lynx.

Elle ajoute qu’il est également « excitant de voir des choses qui sortent de l’ordinaire. Il n’est pas exclu qu’un puma vive à Louisville, dans le Kentucky, ou dans le centre-ville de Chicago. Mais c’est très peu probable », conclut-elle.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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