Comment observer des baleines (sans les mettre en danger) ?

Ces excursions bénéficient en général aux les baleines, mais elles peuvent également les crisper. Voici comment faire en sorte que votre voyage leur fasse plus de bien que de mal.

De Anne Kim-Dannibale
Publication 13 avr. 2023, 17:29 CEST
Une baleine grise effectue un « spy-hop », un geste qui la place en position verticale et lui ...

Une baleine grise effectue un « spy-hop », un geste qui la place en position verticale et lui permet de jeter un œil aux environs, tandis qu’un bateau s’attarde en arrière-plan. Des touristes du monde entier embarquent pour admirer les baleines de près. Mais il peut être difficile de trouver des guides responsables qui ne mettent pas en danger ces géants des mers.

PHOTOGRAPHIE DE THOMAS P. PESCHAK, Nat Geo Image Collection

Partir sur la piste des orques à lors d’un circuit touristique baleinier peut donner lieu à des photos de vacances qu’on n’aura l’occasion de prendre qu’une seule fois dans sa vie. Quoique mémorables pour les touristes, de telles entreprises peuvent forcer les cétacés à abandonner des terrains de chasse cruciaux pour eux, à se séparer de leurs petits et même les accabler d’un stress débilitant.

La Commission baleinière internationale (qui supervise la pêche à la baleine et le tourisme baleinier dans le monde entier) répertorie une cinquantaine de pays qui se sont dotés de règles pour encadrer le tourisme maritime, qu’il s’agisse de distances de sécurité à respecter ou bien de durées maximales que les bateaux peuvent passer auprès d’un groupe de cétacés. Si le tourisme baleinier connaît un essor dans le monde entier, les touristes ont du mal à savoir si les guides locaux sont au courant des régulations qui encadrent la pratique, ni s’ils les respectent.

Étant donné que les espèces et les communautés côtières sont diverses et variées, les régulations et les ressources varient selon les régions : ce qui fonctionne à Tromsø, en Norvège, peut ne pas fonctionner à Baja California, au Mexique. Ainsi, il est difficile d’imposer des restrictions homogènes dans le monde entier et de les faire appliquer de manière uniforme.

Ces facteurs peuvent grandement compliquer la tâche des touristes qui attendent avec impatience depuis longtemps une telle virée en mer. Il existe cependant des choses que vous pouvez faire avant de vous lancer pour faire en sorte que votre expérience soit inoubliable tout en participant à la protection des animaux et à la pérennisation de leur avenir. Voici ce qu’il faut savoir.

Des touristes regardent un groupe de rorquals communs depuis un bateau de croisière au large de l’île de Géorgie du Sud. Des mesures relatives à l’observation des baleines dictent à quelle distance les bateaux peuvent s’approcher des animaux marins et combien de temps ils peuvent rester.

PHOTOGRAPHIE DE Frans Lanting, Nat Geo Image Collection

 

L’ESSOR DU TOURISME BALEINIER

L’observation des baleines n’est devenue une activité touristique que dans les années 1950, période à laquelle l’ancien avant-poste militaire californien du Cabrillo National Monument est devenu le premier site de tourisme baleinier du monde à ouvrir au public. D’autres postes d’observation sont apparus sur le littoral. Ceux-ci longent la route migratoire des baleines grises (Eschrichtius robustus). Des propriétaires de bateau à l’esprit d’entreprise (pour beaucoup pêcheurs) n’ont pas tardé à se mettre à embarquer des personnes pour quelques heures entre les saisons de pêche.

Dans les années 1990, la belle réussite du sauvetage des baleines grises, qui avaient été chassées jusqu’à l’extinction ou presque, a contribué à l’essor du tourisme baleinier dans le pays. Essor qui se poursuit dans le monde entier aujourd’hui encore ; ce secteur d’activités touche 13 millions de personnes par an en moyenne et génère au total plus de deux milliards d’euros. En 2019, dans le seul État d’Alaska, un demi-million de visiteurs ont déboursé 78 millions d’euros pour aller admirer des baleines à bosse (Megaptera novaengliae) et des baleines de Minke (Balaenoptea acutorostrata) en train de chasser et de socialiser dans des fjords majestueux.

Désormais, plus d’une centaine de pays proposent une excursion en catamaran ou en hors-bord pour tenter d’aller apercevoir une vaporisation soudaine de fines goutelettes à l’horizon, une nageoire caudale gracieuse se glissant sous la surface de l’océan ou, graal parmi les graals, une baleine à bosse surgissant hors de l’eau.

Depuis que la conservation des baleines a repris du poil de la bête dans les années 1980, les baleines ont accédé à un statut de quasi-célébrité (une baleine à bosse en plein saut hors de l’eau a même figuré sur un timbre américain en 2022). Outre leur qualité de stars, elles sont également protégées par la loi américaine, fait observer Elliot Hazen, écologiste marin de l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA) qui a pris la photo imprimée sur le timbre postal et dont le travail consiste notamment à réduire le risque de collision entre bateaux et baleines et à faire en sorte que ces dernières s’empêtrent le moins possible dans du matériel de pêche.

« Les baleines offrent d’innombrables avantages, notamment de par le rôle qu’elles jouent dans les écosystèmes, de par le fait qu’elles piègent du [dioxyde de] carbone et qu’elles [participent] au cycle du carbone en plus [de générer] du tourisme, des investissements et de l’importance culturelle, déclare Elliot Hazen. Il est donc vraiment difficile de quantifier réellement l’importance des baleines, mais il ne fait aucun doute qu’elles constituent une part importante de notre culture côtière. »

Ces « ingénieures des écosystèmes », ainsi que les appelle Asha de Vos, biologiste marine et exploratrice National Geographic, favorisent le maintien d’environnements marins en bonne santé. Les plongées et remontées d’une baleine remuent toutes sortes de nutriments savoureux des profondeurs de l’océan jusqu’à la surface. Libérés sous forme de panaches, leurs excréments nourrissent le phytoplancton, source alimentaire fondamentale pour l’ensemble de la vie marine. Au cours de sa vie, une baleine peut piéger 33 tonnes de CO2 environ. Lorsqu’elle meurt, son corps coule au fond de la mer où le CO2 reste piégé et ne peut aller réchauffer l’atmosphère.

« Ne serait-ce qu’un pourcent d’augmentation de la productivité du phytoplancton [peut permettre de] piéger une quantité de CO2 équivalente à celle [que peuvent piéger] deux milliards d’arbres », affirme par e-mail Jean-Michel Cousteau, président d’honneur d’Ocean Futures Society et président de la World Cetacean Alliance. « Davantage de baleines c’est davantage d’engrais baleinier qui accroît la productivité de la pêche et l’améliore et alimente l’oxygène de l’atmosphère pour nous tous. »

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    Groupe de grands cachalots (Physeter macrocephalus) se maintenant à la verticale dans une colonne d’eau. Les grands cachalots peuvent passer jusqu’à 7 % de leur journée à dormir dans cette position. Bien que largement bénéfiques, le tourisme baleinier peut perturber le repos des baleines à cause du bruit émis lors de l’approche en bateau.

    PHOTOGRAPHIE DE Andy Mann, Nat Geo Image Collection

    Depuis l’adoption par le Congrès des États-Unis du Marine Mammal Protection Act et de l’Endangered Species Act dans les années 1970, les populations de baleines ont rebondi. Elles demeurent toutefois menacées par d’autres facteurs tels que les lignes de pêche dans lesquelles elles s’empêtrent, mais aussi la pollution océanique due aux métaux toxiques et au bruit, le changement climatique et les collisions avec des bateaux ; ce dernier facteur étant particulièrement meurtrier pour les baleines bleues (Baaenoptera musculus) et les rorquals communs (Baaenoptera physalus), selon Elliot Hazen.

    Le tourisme baleinier responsable peut permettre de mieux connaître ces facteurs. Sur les navires d’observations de baleines, des spécialistes sensibilisent le public et suscitent parfois chez celui-ci un amour de la vie marine qui durera toute une vie. Dans de nombreux cas, les excursions en bateau constituent la première ligne de défense en ce qui concerne le repérage et le signalement de baleines prises au piège ou blessées. Ces spécialistes recueillent également des données importantes, généralement sous la forme de photos de nageoires caudales que les scientifiques pourront étudier, mais aussi en rendant tout simplement compte des espèces qu’ils aperçoivent.

    D’après Elliott Hazen, cela s’est produit récemment lors d’une excursion dans la baie de Monterey, en Californie. Un groupe de touristes venus observer des baleines a repéré une baleine franche du Pacifique Nord (Eubalaena japonica), une des populations de grandes baleines les plus menacées au monde avec seulement 30 à 35 spécimens encore en vie. « C’est une autre occasion de progresser, car les bateaux d’observation de baleines sont en mer bien plus souvent que nous autres scientifiques pouvons l’être, reconnaît Elliott Hazen. Il s’agit donc d’une ressource importante pour comprendre comment l’environnement évolue, et comment ces grands prédateurs qui nous préoccupent la plupart du temps y réagissent.

    Mais cela n’est pas parfait. Selon Elliott Hazen, si les excursions pour aller admirer les baleines donnent globalement un « résultat positif », les bateaux peuvent tout de même contribuer à des problèmes tels que la pollution sonore, qui peut stresser les animaux quand ils se nourrissent ou se reposent. En outre, il s’agit d’une activité de loisir onéreuse excluant potentiellement un grand nombre de personnes, qui ne seront donc pas sensibilisées à la cause.

     

    COMMENT LES TOURISTES PEUVENT AIDER LES BALEINES

    Comment faire en sorte que votre prochaine excursion baleinière fasse plus de bien que de mal ? Tout d’abord, les touristes devraient se familiariser avec les règles en vigueur là où ils se rendent.

    « Beaucoup de pays ont soit un programme de certification ou bien des recommandations d’observation accessibles sur Internet, indique Jean-Michel Cousteau. Le Guide d’observation de la vie marine de la NOAA est suivi par la plupart des acteurs baleiniers aux États-Unis. » La Commission baleinière internationale fournit une liste de recommandations à suivre à l’étranger ainsi qu’un guide général qui sont tous deux mis à jours régulièrement. 

    Whale Sense, groupe du secteur de la formation volontaire, possède son propre programme certifiant et répertorie des guides touristiques responsables en Alaska et dans l’Atlantique sur son site web. Vous pouvez aussi dénicher des pourvoyeurs près des sanctuaires marins ou des sites « Whale Heritage ». Ces derniers ont été certifiés par un programme de la World Cetacean Alliance, association de défense des cétacées qui distingue actuellement six destinations dans le monde. Si ces endroits n’ont pas de régulations ou ne les appliquent pas, ils « mettent en avant des politiques mondiales d’ores et déjà mises en place [afin de] réduire les effets du changement climatique, les collisions avec les bateaux [et] l’empêtrement », explique Jean-Michel Cousteau.

    Toutefois, le changement climatique peut contraindre les mammifères qui migrent à sortir des sanctuaires ; et ces zones de sécurité ne bénéficient pas toutes des mêmes niveaux de protection, souligne Elliott Hazel. Le contact peut être interdit, par exemple, mais les activités telles que la pêche au crabe peuvent être tout de même autorisées, ce qui peut conduire à des empêtrements. « Ce n’est pas du fait des sanctuaires eux-mêmes, c’est un sous-produit de la législation sur les sanctuaires qui n’octroie pas tous les avantages des ‘zones protégées’ », déplore-t-il.

    Si vous avez encore des doutes, contactez des musées côtiers régionaux comme l’Ocean Institute, sanctuaire marin et site « Whale Heritage » de Dana Point, en Californie, ou renseignez-vous sur le programme scientifique citoyen de la Pacific Whale Foundation pour découvrir des façons responsables d’aller observer les baleines. Vous pouvez également contribuer à leur santé par le biais d’applications pour smartphones comme iNaturalist et Whale Alert, qui signalent les baleines mortes ou en détresse à la NOAA.

    Si tout cela ne parvient pas à vous convaincre, guettez museaux et nageoires caudales depuis la terre ferme. Depuis la plage de Cape Cod, dans le Massachussetts, par exemple, ou bien dans des hôtels comme le Turtle Bay Resort, situé au sein du Sanctuaire marin national des baleines à bosse des îles hawaïennes. En Amérique du Nord, le Whale Trail, un sentier côtier, mène les randonneurs le long d’un parcours qui compte une centaine de postes de guet (dont certains sont dotés d’hébergements gérés par des communautés locales), de la Colombie-Britannique jusqu’au lieu où le tourisme baleinier a vu le jour en Californie du Sud.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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