Cette espèce d'antilope était au bord de l'extinction... et a été sauvée

Il y a moins de dix ans, plus de la moitié des antilopes saïgas du monde sont décédées d’une mystérieuse maladie. Leur retour est un phénomène rare de réussite de conservation.

De Jason Bittel
Publication 18 déc. 2023, 14:33 CET
Une antilope saïga mâle dans le parc national de Terre noire en Russie. Ces antilopes sont ...

Une antilope saïga mâle dans le parc national de Terre noire en Russie. Ces antilopes sont particulièrment sociables et vivent en troupeaux.

PHOTOGRAPHIE DE Valeriy Maleev, Nature Picture Library

Il y a seulement vingt ans, la situation était telle que nous avions presque l’impression de devoir rédiger l’éloge funèbre de l’antilope saïga. 

Abattus par un braconnage généralisé et des vagues de maladies, il ne restait plus, en 2003, ces ongulés au nez pendant n'étaient plus que 6 %, localisés au Kazakhstan, en Mongolie, en Russie et en Ouzbékistan.

Aujourd’hui, les scientifiques se réjouissent du rebond improbable du saïga.

Selon les estimations les plus récentes, publiées par la Saiga Conservation Alliance (alliance pour la conservation des saïga), l'Eurasie compte aujourd'hui 1,9 million d'antilopes saïga. Un nombre si inespéré que l'Union internationale pour la conservation de la nature a décidé de faire passer le statut de l'espèce de « en danger critique d'extinction » à « quasi menacée » dans sa liste rouge.

« Le domaine de la conservation est souvent très pessimiste, et on ne célèbre pas beaucoup les succès », déclare E.J. Milner-Gulland, scientifique en conservation à l'université d'Oxford et cofondateur de la Saiga Conservation Alliance, basée au Royaume-Uni. « C'est pourtant la consécration de vingt ans de travail acharné de la part de nombreuses personnes. »

Pour se faire une idée du chemin parcouru par cette espèce, il faut savoir qu'en 2015, plus de la moitié de la population mondiale d'antilopes saïga est décédée d’une mystérieuse maladie du sang.

« C'est une nouvelle phénoménale », déclare dans un mail Joel Berger, écologiste à l'université d'État du Colorado et chercheur principal à la Wildlife Conservation Society.

« Tant d'espèces et de populations sont actuellement en chute libre. Le rétablissement de l'antilope saïga, une espèce qui mérite une plus grande reconnaissance, est quelque chose que nous devrions tous fêter », ajoute-t-il.

 

LONGTEMPS ENTRAÎNÉES DANS UNE SPIRALE DESTRUCTRICE

Ceux qui ont suivi les péripéties du saïga savent que son chemin était semé d’embuches. 

« Il y a vingt ans, il s’agissait du mammifère dont le statut de menace avait augmenté le plus rapidement, » explique Milner-Gulland. Sa population s'était effondrée de plus de 90 % en seulement quelques années, si bien qu'elle a directement été classée dans la catégorie « en danger critique » d'extinction.

Selon Milner-Gulland, la chute du saïga peut être imputée à plusieurs facteurs. Tout d'abord, les cornes de saïga ont une grande valeur en Chine, à Singapour, au Viêt Nam et en Malaisie où elles sont utilisées pour les besoins de la médecine traditionnelle. Cette demande, dans le contexte de la dislocation de l'Union soviétique, a entraîné une augmentation spectaculaire de la chasse.

« Les économies de ces pays se sont pratiquement effondrées » explique-t-il. « Les conditions de la steppe étant particulièrement difficiles, ils se sont tournés vers le braconnage. »

Des barrières le long de la frontière entre le Kazakhstan et l'Ouzbékistan entravaient également le couloir de migration du saïga, et le développement des infrastructures empiétait sur son habitat naturel. Enfin, un élément déclencheur inconnu a transformé un microbe naturellement présent dans le nez caractéristique du saïga en agent pathogène virulent, ce qui a entraîné une mortalité massive.

Toutes ces raisons expliquent la décision de l'UICN de ne pas retirer le saïga de la liste des espèces menacées.

« La catégorie "quasi menacée" convient parfaitement au saïga, car nous savons que cette mortalité massive pourrait reprendre à tout moment », déclare Milner-Gulland. « Ils sont très vulnérables. »

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    Combat d'antilopes saïga mâles dans le parc national de Terre noire. Les mâles et leurs cornes sont une cible privilégiée des braconniers.

    PHOTOGRAPHIE DE Valeriy Maleev, Nature Picture Library

     

    EN VOIE DE RÉTABLISSEMENT

    Tout comme les menaces qui pesaient sur le saïga, les efforts déployés pour protéger les autres espèces brouteuses qui contribuent à la biodiversité des plantes, ont été multiples.

    Par exemple, une collaboration internationale entre les pays où vivent les saïgas, ceux qui consomment traditionnellement les produits du saïga et d'autres pays parties prenantes, a abouti en 2006 à un protocole d'accord visant à conserver l'espèce, à restaurer son habitat et à limiter la chasse à un niveau durable.

    Le gouvernement du Kazakhstan, pour sa part, a renforcé ses mesures de lutte contre le braconnage, y compris les lois interdisant la chasse au saïga. La Saiga Conservation Alliance a financé l'achat d'essence, d'uniformes, de motos et d'abris pour les gardes forestiers vivant dans des prairies rudes balayées par les vents. Les agents des douanes ont également amélioré la détection des produits issus du saïga quittant le pays dans le cadre du commerce illicite d'espèces sauvages. Enfin, le pays a désigné de multiples zones protégées totalisant presque cinq millions d'hectares d'habitat de l'antilope saïga.

    Aujourd’hui, les conditions économiques se sont stabilisées et les populations locales n'ont plus à choisir entre leur propre survie et la sauvegarde du saïga. Le soutien envers cette espèce a également évolué de manière spectaculaire.

    « La population locale aime beaucoup le saïga », affirme Milner-Gulland. « Il constitue un symbole de la steppe sauvage, de l'indépendance et de la liberté. »

    Le saïga, qui boit ici dans la steppe d'Astrakhan, au sud de la Russie, peut migrer sur une distance allant jusqu'à 1 000 kilomètres en été et en hiver.

    PHOTOGRAPHIE DE Valeriy Maleev, Nature Picture Library

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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