Les insectes sont en train de disparaître, mais nous pouvons encore les sauver

Les insectes sont indispensables à notre survie. Si leur déclin est aussi rapide qu'alarmant, nous pouvons tous agir pour les sauver.

De Christine Peterson
Publication 13 janv. 2021, 11:30 CET
Une lampe placée sous un drap sert de piège pour collecter des insectes nocturnes dans une ...

Une lampe placée sous un drap sert de piège pour collecter des insectes nocturnes dans une station de recherche située en Équateur.

PHOTOGRAPHIE DE David Liittschwager, National Geographic

Chaque année, le nombre d’insectes volant, rampant ou creusant dans le sol recule d’un ou deux points de pourcentage dans certaines régions du monde. Autrement dit, là où leur déclin est le plus important, jusqu’à un tiers de tous les insectes qui s’y trouvent pourraient disparaître en l’espace de vingt ans.

Une bien mauvaise nouvelle, comme l’ont révélé hier des scientifiques dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS). Des dizaines d’experts des insectes ont contribué à une série de rapports ayant pour sujet la santé des populations d’insectes aux quatre coins du monde.

La bonne nouvelle, si l’on peut dire cela, c'est que toutes les populations d’insectes ne connaissent pas un déclin aussi rapide. Certaines se portent même plutôt bien. Autre élément important à souligner, les chercheurs estiment qu’il y a bon espoir de continuer à entendre bourdonner les créatures les plus abondantes de la planète.

Le monde des insectes, estimé à 10 millions d’espèces, souffre de plusieurs problèmes. Parmi les menaces qui pèsent sur ces petites bêtes figurent la déforestation, le changement climatique, les espèces invasives, l’agriculture industrielle ainsi que la pollution lumineuse. (À lire : Mais où sont passés tous les insectes ?)

« Une mort à petit feu », voilà comment David Wagner, entomologiste à l’université du Connecticut qui a pris part au nouveau rapport, décrit la situation.

Des populations d’insectes en bonne santé sont essentielles pour diverses raisons, notamment pour garantir des ressources alimentaires au monde entier ou encore pour fleurir nos jardins grâce à la pollinisation. Si la plupart d’entre nous préfèrent ne pas croiser le chemin de bon nombre de ces minuscules créatures, nous ne pouvons minimiser le rôle qu’elles jouent dans nos écosystèmes. Le besoin de les protéger est d’ailleurs une priorité, révèlent en garde les scientifiques.

« Comme tous les êtres vivants du monde naturel, les insectes sont en déclin », déclare Matthew Forister, écologue spécialiste des insectes à l’université du Nevada, qui a pris part à ce rapport. « Mais nous ignorons si un rétablissement des populations d’insectes est possible. Cela est triste, mais il n’est pas trop tard pour agir ».

 

DES ESPÈCES AUX SITUATIONS OPPOSÉES

Les rapports faisant état d’un déclin des insectes à l’échelle mondiale ne sont pas nouveaux. Au cours des dernières années, un corpus croissant d’études et d’articles de presse ont mis en lumière le problème de manière radicalement différente, des déclarations d’un Armageddon chez les insectes en passant par les rapports contestant une apocalypse imminente pour les créatures à six pattes.

Avec les autres chercheurs qui ont contribué au rapport, David Wagner avait pour objectif d’aller au-delà de cette hyperbole. Pour ce faire, les scientifiques ont analysé le plus grand nombre de recherches possibles relatives au statut actuel des populations d’insectes dans le monde.

Selon David Wagner, « il s’agit d’une évaluation bien plus cadrée, prudente et critique » que quelques-uns des rapports antérieurs qui soulignaient des pertes extrêmes dans certaines régions et les extrapolaient à l’ensemble du globe.

Une piéride damier (Pontia protodice) se nourrit de verveine du Texas.

PHOTOGRAPHIE DE Rolf Nussbaumer, Nature Picture Library

Oui, les populations d’insectes connaissent un déclin alarmant. Et oui, ce déclin est plus complexe qu’un effondrement global imminent.

Matthew Forister, qui étudie les papillons dans l’ouest des États-Unis, illustre ces propos en donnant l’exemple de deux espèces qui représentent des situations diamétralement opposées.

L’agraulis nacré, que l’on trouve généralement dans le sud des États-Unis, au Mexique et en Amérique centrale, se porte désormais très bien en Californie, car les habitants de l’État y cultivent son hôte, la passiflore, une plante décorative appréciée.

À l’inverse, le grand marbré (Euchloe ausonides) était répandu avant que sa population ne diminue. Ce papillon, qui se nourrit d’une variété de moutarde invasive, est sans doute victime du triplé gagnant (changement climatique, perte de son habitat et pesticides).

Dans son étude, Matthew Forister s’intéresse tout particulièrement à la manière dont le changement climatique touche les papillons. Les espèces sont mises à rude épreuve par les incendies de forêt, la sécheresse et les phénomènes climatiques extrêmes. Si les premières théories avançaient que les papillons évoluant dans les régions montagneuses pouvaient tout simplement descendre ou monter le long des flancs de montagne pour profiter de meilleures conditions, il semblerait que cela ne soit pas le cas, ou tout du moins, pas chez toutes les espèces.

D’autres espèces, à l’instar du célèbre monarque, se sont portées mieux que prévu au cours des étés 2011 à 2015. Les températures plus élevées leur ont permis de bénéficier d’une fenêtre de reproduction plus longue. Cela n’a toutefois pas empêché le déclin continu de l’espèce dans l’ouest des États-Unis.

 

COMMENT AGIR ?

Malgré ces statistiques plutôt alarmantes, Matthew Forister et David Wagner restent optimistes.

En 2019, l’Allemagne a alloué 100 millions d’euros à la conservation, au suivi et à la recherche sur les insectes. Le Costa Rica a apporté son soutien aux organisations internationales qui ont dépensé 80 millions d’euros pour répertorier et séquencer des portions de l’ADN de « chaque créature multicellulaire évoluant dans le pays en 10 ans ». Comme l’a écrit David Wagner dans l’introduction du rapport, cela s’avérera particulièrement important pour les innombrables insectes tropicaux inconnus.

Les scientifiques citoyens viennent également à la rescousse des chercheurs et les aident à renforcer leurs connaissances. L’application iNaturalist, qui permet aux utilisateurs de charger des images à des fins d’identification et de catégorisation, est devenue l’une des plus grandes sources d’observations d’insectes.

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    Si les problèmes majeurs, comme le changement climatique, exigent comme solution l’adoption de lois et la mise en œuvre de nouvelles politiques, David Wagner et Matthew Forister précisent que les citoyens peuvent aider les insectes depuis leur jardin, leur quartier et leur communauté.

    Pour ce faire, ces derniers peuvent réduire leur utilisation de pesticides et herbicides. Encore mieux : si chaque foyer, école et parc transformait 10 % de leur pelouse en espace naturel, les insectes verraient leur habitat augmenter de plus de 16 000 km², indique l’entomologiste Akito Y. Kawahara de l’université de Floride à Gainesville dans le rapport du PNAS. Les citoyens peuvent également faire pousser des plantes indigènes et limiter l’éclairage extérieur, qui attire les insectes nocturnes et provoquent souvent leur mort.

    Lusha Tronstad est zoologue spécialiste des invertébrés pour la Wyoming Natural Diversity Database (base de données de la diversité naturelle du Wyoming). Elle étudie le déclin des populations de bourdons occidentaux. Bien qu’elle n’ait pas pris part à la rédaction du rapport, elle a une autre suggestion pour aider les insectes : à l’automne, ne ramassez pas les brindilles et laissez la terre nue à certains endroits pour les nids d’abeilles. Ne ramassez pas non plus les feuilles avant l’hiver.

    Selon elle, le destin d’une espèce peut rapidement changer, pour le meilleur ou pour le pire. La population de bourdons occidentaux a chuté de 93 % en seulement vingt ans.

    Dans le même temps, les efforts de rétablissement de la population de bleu mélissa, une espèce de papillon menacée qui doit son nom au romancier et entomologiste Vladimir Nabokov, semblent porter leurs fruits. Ce petit papillon a longtemps souffert de la lutte contre les incendies et du développement résidentiel et commercial au sein de son habitat sableux qui s’étend des Grands Lacs à la Nouvelle-Angleterre. La plantation et la promotion du lupin, plante dont dépendent les papillons adultes et les larves, et d’autres projets d’amélioration de l’habitat contribuent au rétablissement de l’espèce.

    Alors non, les petits changements individuels, comme la réduction du recours aux pesticides sur votre pelouse, ne permettront pas d’éviter les effets les plus graves du changement climatique, indique Matthew Forister. Mais cela fera la différence pour les populations locales d’insectes. Et chaque petit geste contribue à faire une énorme différence.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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