Les méduses sont-elles vraiment en train d’envahir les océans ?

Le changement climatique et la surpêche pourraient perturber l’écosystème des océans et favoriser la prolifération des méduses. Qui, de l’Homme ou de la méduse, empiète sur le territoire de l’autre ?

De Rédaction National Geographic
Mastigias papua habite les baies et les lagons du Pacifique Sud. De jour, elle remonte vers ...
Mastigias papua habite les baies et les lagons du Pacifique Sud. De jour, elle remonte vers la surface, afin que les algues microscopiques qui vivent en elle et dont elle se nourrit captent le soleil. Ses bras sont tapissés de cellules urticantes et de mini orifices buccaux pour gober le zooplancton. Diamètre du plus grand individu sur la photo : 8 cm.
PHOTOGRAPHIE DE David Liittschwager

Cet été, la prolifération de méduses a fait les gros titres de nombreux journaux français. Dans le sud de la Bretagne, en Nouvelle-Aquitaine, sur la côte méditerranéenne et même dans le Nord-Pas-de-Calais, les invasions de méduses semblent désormais se succéder et n’épargner aucune région.  

Il en va de même dans le monde. Originaire de l’ouest de l’Atlantique, le cténaire Mnemiopsis leidyi est apparu en mer Noire dans les années 1980 – sans doute après un voyage dans les ballasts d’un navire. Là, il s’est tant reproduit que, en 1989, il a atteint des densités de près de 400 individus par mètre cube d’eau. En matière de nourriture, les poissons ne pouvaient pas rivaliser avec les cténaires (M. leidyi absorbe jusqu’à dix fois son poids corporel par jour), et ils pouvaient même en devenir les proies. La pêche locale s’est effondrée.

Ailleurs dans le monde, des bancs de méduses menacent les baigneurs et obstruent les filets de pêche. En 2006, en Espagne et en Italie, des plages ont été fermées à cause d’une pullulation de méduses pélagies. En 2013, en Suède, une centrale nucléaire a fermé temporairement, car des aurélies bouchaient ses arrivées d’eau.

De tels incidents ont engendré des articles alarmistes : les méduses allaient conquérir les mers. La situation n’est pas aussi simple, selon les scientifiques. Les populations de méduses fluctuent naturellement, mais, souvent, on ne remarque que la phase ascendante du cycle. Pour étudier les méduses, les biologistes ne disposent souvent que des observations sporadiques réalisées lors de la « floraison ». Une phase naturelle de croissance du cycle de vie des méduses, pendant laquelle elles se multiplient par millions, ce qui les rend visibles sur nos côtes. Les scientifiques ignorent ainsi si la hausse constatée du nombre de méduses reflète une tendance réelle ou des recensements plus rigoureux.

« Une pullulation de méduses fait la une des journaux, souligne Lucas Brotz, zoologiste marin à l’université de Colombie-Britannique (Canada), mais leur raréfaction ne suscite même pas un entrefilet. »

Certaines espèces paraissent prospérer grâce aux perturbations anthropiques. Par exemple, au large de la Namibie, la surpêche pourrait être responsable d’un écosystème désormais dominé par les méduses Chrysaora hysoscella et Aequorea victoria. Ces méduses sont chassées par les gros poissons pélagiques, vivant près de la surface de l’océan, comme le thon rouge. Si la population de ces derniers diminuent, celles de leurs proies augmentent logiquement. Mais d’autres espèces de méduses, moins résistantes, semblent être sur le déclin en plusieurs endroits du monde.

Alors, si nos mauvaises rencontres avec des méduses se multiplient, est-ce parce qu’elles conquièrent les mers, ou parce que nous en prenons possession ? « À chaque fois que nous nous trouvons en désagréable présence d’une méduse, c’est parce que les humains ont envahi les océans, assure Steve Haddock, biologiste marin à l’Aquarium de la baie de Monterey (États-Unis). C’est nous qui empiétons sur leur habitat. »

Les méduses, elles, se contentent de faire ce qu’elles font depuis des centaines de millions d’années : se déplacer dans l’eau grâce aux pulsations de leur ombrelle, en silence, sans cerveau, mais non sans grâce.

Extrait du reportage « Les méduses, belles à faire peur », paru dans le numéro d’octobre 2018 du magazine National Geographic.

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