Nos animaux nous aident à traverser cette pandémie - non sans conséquences

De nombreuses études montrent que les animaux peuvent « absorber » les émotions de leurs compagnons humains, notamment si ces derniers dépendent émotionnellement d’eux;

De Rachel May
Publication 5 févr. 2021, 17:14 CET
Sur ce cliché pris le 20 avril 2020 dans le Massachusetts, Casey, un chien de thérapie se laisse ...

Sur ce cliché pris le 20 avril 2020 dans le Massachusetts, Casey, un chien de thérapie se laisse câliner par Janice. Le husky sibérien fut d’un grand soutien pour Janice et sa famille pendant la pandémie de COVID-19.

PHOTOGRAPHIE DE Hannah Reyes Morales

Alors que la pandémie de coronavirus se poursuit, une chose est sûre : nous sommes nombreux à nous tourner vers nos animaux de compagnie pour nous aider à surmonter cette période difficile.

Alors que nous sommes contraints de rester chez nous, les demandes d’adoption ou d’accueil d’animaux, notamment de chiens, ont même bondi aux quatre coins du monde, du Canada en passant par l’Inde. 

Avoir à ses côtés un animal de compagnie a de nombreux et incontestables bienfaits pour la santé, réduisant notamment la tension artérielle ou le stress. Mais la relation entre un animal et son propriétaire est complexe et la manière dont ils surmontent des périodes prolongées de confinement constituait une grande inconnue.

Pour en savoir plus, des chercheurs espagnols, israéliens et britanniques ont mené des enquêtes en ligne auprès de propriétaires d’animaux de compagnie vivant dans ces pays. Leurs études, publiées dans trois revues scientifiques différentes, sont parvenues à la conclusion suivante : les animaux de compagnie ont apporté un réconfort supplémentaire à leurs propriétaires.

Mais elles ont également révélé des détails inquiétants. Avec les restrictions liées à la pandémie, les propriétaires s’inquiètent du bien-être de leurs animaux, dont certains présentent des signes de stress, qui se traduisent par une hausse des aboiements, la peur des bruits forts ou soudains et l’angoisse de rester seuls à la maison.

En avril 2020, Jon Bowen, consultant en comportement au Royal Veterinary College de Londres, a ainsi interrogé 1 297 propriétaires espagnols de chiens et de chats pour connaître les sentiments qu’ils éprouvent pour leurs animaux et concernant le comportement récent de ces derniers. Si la plupart des personnes sondées ont indiqué que leurs compagnons à quatre pattes leur avaient apporté « un soutien important » lors de la pandémie, 62 % ont confié qu’ils pensaient que la qualité de vie de leur animal s’était dégradée. Environ 41 % des sondés ont signalé des changements comportementaux chez leurs animaux pendant la pandémie, notamment chez les chiens ayant souffert de problèmes de comportement par le passé.

De nombreuses études montrent que les chiens ont des émotions et qu’ils peuvent « absorber » celles de leurs propriétaires, notamment si ces derniers dépendent émotionnellement d’eux, indique Jon Bowen, dont l’étude a été publiée dans la revue Journal of Veterinary Behaviour en mai 2020.

« Il était très intéressant de voir que les trois études parvenaient à des conclusions similaires », déclare Emily McCobb, professeure agrégée de clinique à l’École Cummings de médecine vétérinaire de l’université Tufts qui n’a pas pris part à l’étude. « Elles ressemblent beaucoup à ce que nous entendons [aux États-Unis] tout du moins ».

« Nous avons de plus en plus d’animaux de compagnie et nous découvrons qu’ils nous aident à surmonter l’isolement », ajoute-t-elle. Dans le cadre de son activité, la professeure a pu « constater que chez les animaux ayant eu des problèmes de comportement par le passé, ceux-ci ont semblé s’aggraver », dit-elle.

 

L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES ANGOISSES

En avril et juin 2020, Elena Ratschen, conférencière à l’université de York en Angleterre, a interrogé 5 926 Britanniques au sujet de leur santé mentale, de leur bien-être, de leur sentiment de solitude et des liens et interactions qu’ils ont avec leurs animaux.

Tous les animaux de compagnie, des poissons aux oiseaux, en passant par les chiens, les chats et les petits mammifères, ont été pris en compte dans l’enquête. Publiée dans la revue PLOS ONE en septembre dernier, celle-ci a révélé que la majorité des sondés (91 % des propriétaires de chiens, 89 % des propriétaires de chats et 95 % des propriétaires de chevaux ou d’animaux de ferme) estimaient que leurs compagnons à poils, plumes ou écailles « constituaient une source importante de soutien émotionnel », rapporte Elena Ratschen.

Les personnes ayant déclaré être plus vulnérables aux problèmes de santé mentale avant le confinement ont indiqué que leurs liens avec leur animal s’étaient renforcés pendant la pandémie.

En outre, les propriétaires d’animaux de compagnie ont indiqué se sentir moins seuls et isolés que ceux n’en possédant pas. Un « effet tampon » pourrait en être l’explication : selon Elena Ratschen, les animaux de compagnie ne remplacent pas nos interactions sociales avec d’autres humains, mais ils peuvent nous aider à pallier ce manque. (À lire : Les chiens nous ressemblent bien plus qu'on ne le pensait.)

Les études espagnoles et britanniques ont cependant noté l’apparition de nouvelles craintes chez les propriétaires d’animaux, portant sur le niveau d’activité physique de leur chien, la capacité à acheter de la nourriture et à payer les soins vétérinaires, la personne qui s’occuperait de l’animal si le propriétaire venait à tomber malade et l’incertitude entourant la capacité de leur compagnon à s’adapter à la vie post-pandémie.

 

LES ANIMAUX NE SONT PAS UN REMÈDE

Elena Ratschen affirme que les conclusions de son enquête n’étayent pas l’hypothèse très répandue selon laquelle les animaux de compagnie nous protègent d’une détérioration de la santé mentale et d’une solitude accrue.

« En général, les bénéfices liés à la possession d’un animal de compagnie sont mitigés dans les études, que ce soit avant ou après la pandémie, car les propriétaires s’inquiètent beaucoup au sujet de leurs animaux », confie-t-elle.

Autrement dit, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, adopter un chiot ne vous aidera pas forcément à mieux surmonter la pandémie.

Megan K. Mueller, maître de conférences en interactions homme-animal à l’École Cummings de médecine vétérinaire de l’université Tufts, partage cet avis.

« Je vois quelques fois dans la presse “Vous vous sentez seul pendant la pandémie ? Adoptez un animal de compagnie !”. Mais c’est bien plus compliqué que cela et la science commence le démontrer », explique-t-elle.

 

UN RISQUE DE HAUSSE DES ABANDONS

Liat Morgan, boursière postdoctorale à l’université de Tel-Aviv, a interrogé 2 906 Israéliens propriétaires de chiens de mars à avril 2020 et a remarqué une hausse significative des demandes d’adoption.

La statistique la plus surprenante de l’enquête était que presque 80 % des personnes ayant adopté un chien en 2020 prévoyaient déjà d’en adopter un autre et « savaient dans quoi ils s’engageaient ». Cela suggère que la décision d’accueillir un nouvel animal dans leur foyer était mûrement réfléchie.

Comme l’étude de Jon Bower, celle de Liat Morgan a trouvé qu’une personne estimant que sa qualité de vie s’était dégradée était susceptible de penser que le comportement de son animal s’était détérioré, même si cela n’était pas le cas.

« D’un point de vue objectif, il importe peu que le chien ait un mauvais comportement », souligne la chercheuse. « Ce qui importe, c’est l’attitude de la personne ».

Selon elle, l’une des principales raisons d’abandon est un comportement plus difficile, comme des aboiements excessifs.

Fort heureusement, la majorité des Israéliens sondés, même ceux qui avaient l’impression que leur qualité de vie s’était dégradée, ne prévoyaient pas d’abandonner leurs animaux, selon l’étude publiée en novembre dans la revue Humanities and Social Sciences Communications.

Aux États-Unis, les spécialistes du secteur prévoient malgré tout une hausse des abandons à cause de la pandémie, pour des raisons allant de l’incapacité à s’occuper de leur compagnon ou d’un accès à un logement abordable qui accepte les animaux.

Selon Emily McCobb, les gouvernements locaux et les organisations à but non lucratif devraient aider les propriétaires d’animaux dans le besoin pour éviter les abandons. Des banques alimentaires pour animaux ont ainsi vu le jour au Canada et dans d’autres pays.

 

DES POINTS POSITIFS

Mais les enquêtes ont aussi révélé des points positifs.

Malgré l’augmentation des problèmes de comportement chez certains animaux de compagnie rapportée dans l’étude espagnole, Jon Bowen estime que les données collectées dans plusieurs pays depuis cette étude suggèrent que nos compagnons se portent bien pour la plupart.

Comme Liat Morgan, Jon Bowen précise que les sondés pour l’étude espagnole ont sans doute évalué la qualité de vie de leurs chiens d’après la leur. Ils pensent que s’ils ne vont pas bien, il en va de même pour leurs animaux.

« Dans la plupart des cas, les effets de la pandémie ne sont pas très graves », indique Jon Bowen. « Presque aucun chien n’a présenté de nouveaux problèmes de comportement. Quant aux chiens qui en avaient déjà, les problèmes ne se sont majoritairement pas aggravés », a-t-il appris de son enquête.

Emily McCobb pense qu’il « serait bien de voir si nous pouvons conserver certains changements relatifs à notre mode de vie survenus à cause de la pandémie », comme déjeuner à la maison ou promener plus longtemps nos chiens.

« Les points positifs sont peu nombreux, alors nous devons essayer de les conserver si possible », dit-elle.

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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