Pourquoi les animaux aiment-ils tant lézarder au soleil ?

Reptiles, lémurs, bouquetins… Nombreux sont les animaux qui aiment s'exposer aux rayons du soleil : un comportement original dont l'objectif peut être de contrôler la température corporelle, se protéger des maladies ou encore économiser de l'énergie.

De Jani Hall
Publication 16 août 2022, 18:36 CEST
Lizard_Sunning

Un agame barbu se prélasse sur un rondin de bois dans les collines d'Adélaïde, en Australie-Méridionale. Ces animaux sont réputés pour aimer le soleil et, lorsqu'ils ont trop chaud, ils ouvrent la bouche pour se rafraîchir.

PHOTOGRAPHIE DE Brooke Whatnall, Nat Geo Image Collection

Chaque été, les baigneurs du monde entier se ruent sur les plages pour profiter de la chaleur du soleil, mais les êtres humains ne sont pas les seuls à s’adonner à cette activité de détente. Dans tout le règne animal, des créatures, grandes et petites, répondent à leurs besoins biologiques en se prélassant sous les rayons de notre étoile.

Parmi ces créatures, on retrouve aussi bien des espèces telles que les lézards et autres reptiles, biens connues pour leur amour du soleil, que des grenouilles, des hippopotames ou encore des papillons monarques. Même les oiseaux participent : les individus d’au moins cinquante familles se perchent ou se rendent sur le sol, étirent leurs ailes et s’exposent aux rayons comme des plagistes adeptes de bronzage.

La communauté scientifique continue ses recherches afin de découvrir pour quelles raisons les animaux décident de se prélasser au soleil, une pratique qui prend du temps et qui peut les rendre vulnérables aux prédateurs. Voici ce que l’on sait de ce comportement intriguant.

 

MAINTENIR LA TEMPÉRATURE CORPORELLE

De nombreuses créatures se prélassent au soleil dans le but de contrôler leur température corporelle, un processus connu sous le nom de thermorégulation.

C’est le cas de nombreux animaux ectothermes à sang froid, comme les reptiles et les amphibiens, de nombreux insectes et d’au moins deux poissons : la carpe et le poisson-lune, une espèce imposante et argentée qui, selon les chercheurs, passerait près de la moitié de son temps à la surface de l’eau.

Un lémur catta prend un bain de soleil dans la réserve de Berenty, à Madagascar. Bien que ces mammifères puissent générer leur propre chaleur corporelle, ils recherchent la chaleur du soleil afin de ne pas laisser tout le travail à leur métabolisme.

PHOTOGRAPHIE DE Frans Lanting, Nat Geo Image Collection

Contrairement aux mammifères et oiseaux endothermes, les créatures ectothermes ne peuvent pas maintenir une température corporelle stable par le biais de la chaleur créée par leur métabolisme. Leur température fluctue donc en fonction de leur environnement.

Lorsque l’environnement d’un animal ectotherme se refroidit, sa température corporelle suit. Cela ralentit les réactions chimiques de son corps, chargées de tout contrôler tout ce qu’il s’y passe, de la fonction immunitaire à la performance musculaire. Ce fonctionnement peut convenir à un animal qui dort ou se repose, mais pas à un animal qui doit, par exemple, chasser des proies ou fuir des prédateurs.

Ainsi, pour stimuler leur organisme, les ectothermes recherchent la chaleur. Certains peuvent ramper jusqu’à une pierre chaude ou nager jusqu’à une eau plus chaude, tandis que d’autres se prélassent au soleil pendant des périodes qui varient selon leurs besoins, de leur taille et de la couleur de leur surface, qui absorbe plus ou moins la lumière du soleil, selon Tracy Langkilde, biologiste de l’évolution à l’Université d’État de Pennsylvanie, qui étudie les reptiles et les amphibiens. « Lorsque la température augmente, en général, le rythme de tous ces processus s’accélère. C’est essentiel pour leur survie. »

 

ÉCONOMISER DE L’ÉNERGIE

Le même phénomène pourrait se produire chez certains animaux endothermes. Bien que capables de générer de la chaleur de façon interne grâce à leur métabolisme rapide, certains préfèrent prendre le soleil afin de ne pas laisser leur métabolisme faire tout le travail.

C’est ce qui, selon les scientifiques, explique les bains de soleil du lémur catta et du grand géocoucou, ainsi que du bouquetin des Alpes, un type de chèvre sauvage qui capte les rayons du soleil afin de conserver son énergie lors des matins glacés d’hiver en montagne, quand il n’y a pas beaucoup d’herbe pour se nourrir et donner de l’énergie au corps.

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    Des papillons monarques ouvrent leurs ailes pour s'exposer aux rayons du soleil dans le Michoacan, au Mexique. Les bains de soleil sont essentiels à la migration des papillons, réchauffant leur corps pour qu'ils puissent prendre leur envol.

    PHOTOGRAPHIE DE Frans Lanting, Nat Geo Image Collection

    Cette stratégie est également utilisée par le dunnart à pieds étroits, un petit marsupial vivant dans les déserts d’Australie. Il est l’un des rares mammifères que l’on sait s’exposer à la lumière chaude du soleil lorsqu’il sort de sa torpeur, un état temporaire dans lequel son métabolisme et sa température diminuent afin de conserver son énergie lorsque la nourriture commence à manquer. Dans le cadre d’une étude, les chercheurs ont constaté que les dunnarts qui entrent en torpeur et prennent ensuite des bains de soleil peuvent survivre avec seulement un quart de la nourriture et de l’eau dont ils devraient normalement avoir besoin.

     

    ASSURER UNE BONNE SANTÉ

    Si les animaux vont souvent au soleil pour assurer leur bon fonctionnement au quotidien, selon certaines recherches, ce serait également pour traiter des problèmes de santé spécifiques.

    Par exemple, de plus en plus de preuves indiquent que les oiseaux prennent des bains de soleil dans le but de brûler les parasites qui se cachent dans leurs plumes. Cette théorie a vu le jour en 1993, lorsque des chercheurs ont observé un groupe d’hirondelles à face blanche qui passaient plus de temps à s’exposer au soleil que d’autres individus de leur espèce qui, eux, avaient été traités contre les mites et les poux. Des études plus récentes ont démontré que les poux présents sur les plumes peuvent mourir lorsqu’ils sont exposés à de courtes éclaircies, ce qui renforce d’autant plus cette théorie.

    De même, les animaux ectothermes peuvent rechercher la lumière du soleil pour sé débarrasser des intrus tels que les virus et les bactéries. Bien que cette hypothèse soit difficile à vérifier sur le terrain, puisque « dès que vous vous approchez d’un animal, il s’enfuit », explique Langkilde, les études menées en laboratoire sur des grenouilles Dryophytes cinereus, des mouches domestiques et d’autres animaux infectés par des agents pathogènes suggèrent que ceux-ci se chaufferaient volontairement au-delà du niveau qu’ils préfèrent afin de provoquer une « fièvre comportementale ». Cette adaptation remarquable a permis de guérir certains sujets d’étude, probablement de la même manière qu’une fièvre naturelle permet de stimuler le système immunitaire.

    Des otaries de Californie font un petit somme au soleil sur l'île d'Ano Nuevo, dans la baie de Monterey. Les otaries comptent sur le soleil pour se réchauffer, puis se rafraîchissent en plongeant une nageoire dans l'eau et en la remontant dans les airs.

    PHOTOGRAPHIE DE Frans Lanting, Nat Geo Image Collection

    Une espèce en particulier, la punaise Boisea rubrolineata, semble s’exposer au soleil dans le but d’éviter les infections. Lors de son bain de soleil, elle déclenche un composé chimique qui engloutit tous les spores fongiques présents sur son corps, la protégeant ainsi des germes.

    De son côté, le caméléon panthère recherche le soleil car ce dernier peut apporter quelque chose à son organisme : de la vitamine D. Des recherches ont montré que, lorsque cet animal n’absorbe pas suffisamment de cette vitamine par le biais de son alimentation, il compense en s’exposant aux rayons UV du soleil, activant la production de vitamine. Bien que les scientifiques ne comprennent pas de quelle manière le caméléon parvient à déterminer qu’il a besoin de soleil (ni si d’autres animaux font de même), ils soupçonnent qu’un récepteur de vitamine D pourrait être présent dans le cerveau de l’animal afin de l’avertir de la carence.

     

    DES QUESTIONS SANS RÉPONSES

    Malgré les progrès réalisés par les scientifiques pour comprendre ce comportement, beaucoup reste encore à découvrir.

    Les raisons du comportement des tortues d’eau douce ont suscité un intérêt particulier : la nuit, les tortues nocturnes se positionne comme pour prendre un bain de soleil, et une étude a également révélé que, certaines d’entre elles ne voient pas leur température corporelle augmenter lorsqu’elles prennent le soleil, ce qui exclut, dans leur cas, la théorie de la thermorégulation. En 2021, un autre article a écarté la théorie de l’élimination des parasites comme raison probable de leur comportement, laissant la question sans réponse.

    Nous ne savons pas non plus comment les bains de soleil parviennent à aider les oiseaux à se débarrasser de leurs parasites, ni l’étendue des avantages que le soleil procure chez les mammifères à fourrure.

    « Le bain de soleil n’a pas été bien étudié [chez les mammifères], en particulier chez les grands mammifères », écrit Thomas Ruf, professeur de physiologie animale à l’université de médecine vétérinaire de Vienne, en Autriche, dans un e-mail. Selon lui, cela est dû à la difficulté que représente l’analyse sur le terrain, un travail que lui et ses collègues ont dû faire pour étudier le bouquetin des Alpes.

    Pourtant, les chercheurs notent que la compréhension de cette pratique pourrait avoir de nombreux effets, tels qu’améliorer les soins apportés aux créatures en captivité et aider aux efforts de conservation des animaux sauvages. En plus de répondre à notre curiosité, les études à venir sur ce comportement original auront donc des implications importantes pour le bien-être animal.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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