Une nouvelle espèce de chat-tigre vient d'être découverte (et elle est déjà menacée)

L'espèce (Leopardus pardinoides) est le troisième oncille jamais documenté. Il a fallu plus de dix ans de travaux génétiques et quarante experts pour rassembler toutes les pièces de ce complexe puzzle.

De Jason Bittel
Publication 7 mai 2024, 15:50 CEST
Lorsque Joel Sartore a photographié Tabu, un chat sauvage, au Ranch de sauvetage des toucans du ...

Lorsque Joel Sartore a photographié Tabu, un chat sauvage, au Ranch de sauvetage des toucans du Costa Rica en 2021, on l'a considéré comme étant un oncille du nord (Leopardus tigrinus oncilla). Une nouvelle étude confirme que Tabu appartient à une nouvelle espèce, le chat-tigre nébuleux, L. pardinoides.

PHOTOGRAPHIE DE Joël Sartore, National Gepgraphic, Photo Ark

Dans la grande famille des félins, beaucoup d'entre nous ne connaissent que les tigres, les lions et autres guépards. Mais combien connaissent les chats-tigres, qui font la taille d'un chat domestique et occupent un vaste territoire, s'étendant du Costa Rica à l'Argentine ?

À vrai dire, même les experts les confondent avec d'autres petits félins.

Jusqu'à présent, seulement deux espèces de chats-tigres avaient été formellement reconnues : l'oncille du nord (Leopardus tigrinus) et l'oncille du sud (Leopardus gutullus), qui comprend trois sous-espèces.

Mais il y a environ quatorze ans, Tadeu de Oliveira a reçu un mail qui lui a fait reconsidérer tout ce qu'il savait sur ces petits prédateurs.

« Je peux même vous donner la date », sourit Oliveira, conservationniste à l'Université d'État de Maranhão, au Brésil. « C'était le 22 juin 2010. »

Le message provenait de la chercheuse Rebecca Zug, qui travaillait sur les ours à lunettes en Équateur. Elle avait pris des photos d'un petit félin à l'allure curieuse, avec une longue queue et de nombreuses tâches, un oncille différent de tous ceux qui avaient pu être observés jusqu'alors.

« J'étais subjugué par ce que je voyais », se rappelle Tadeu de Oliveira.

En 2024, Oliveira s'est associé à plus de quarante chercheurs spécialisés dans les petits félins pour documenter officiellement une nouvelle espèce, le chat-tigre nébuleux (Leopardus pardinoides), qui porterait à trois le nombre total d'espèces d'oncilles.

L'équipe a examiné 1 400 enregistrements provenant de musées et de caméras-pièges, ce qui lui a permis de comparer les tailles, les formes et les couleurs des oncilles à l'état sauvage, ainsi que de déterminer les habitats dans lesquels chaque espèce vivait. Ils ont également analysé la génétique du chat-tigre nébuleux afin d'établir une classification étayée pour son statut d'espèce.

Cette nouvelle espèce, documentée depuis peu dans la revue Scientific Reports, est malheureusement confrontée à une triste réalité : les oncilles sont beaucoup moins nombreux qu'on ne l'imaginait.

« Ils ont perdu plus de 50 % de leur territoire d'origine », explique de Oliveira. 

 

CONCENTRATION DE FÉLINS

Si on ajoute le chat-tigre nébuleux, il existe maintenant neuf espèces du genre Leopardus.

« C'est un peu déroutant pour le grand public, car le genre n'est pas vraiment lié aux léopards », relève Eduardo Eizirik, co-auteur de l'étude et généticien de la conservation à l'Université catholique pontificale de Rio Grande do Sul, au Brésil.

Le genre Leopardus comprend plutôt des espèces de l'hémisphère ouest, comme l'ocelot, le margay, le chat des Andes et le colocolo, en plus des chats-tigres. 

Bien que de nombreux félins se ressemblent, les scientifiques continuent de trouver des moyens par lesquels chaque espèce a suivi son propre chemin évolutionniste.

Par exemple, le travail génétique réalisé sur l'espèce a révélé que les chats-tigres nébuleux se sont séparés des deux autres espèces d'oncilles il y a plus de deux millions d'années. En manipulant des chats-tigres nébuleux vivants, l'équipe a découvert une différence physique « tout à fait inattendue » et inexpliquée : les chats-tigres nébuleux n'ont qu'une seule paire de mamelons, alors que les autres espèces en ont deux, souligne Oliveira.

Découverte d’une nouvelle espèce de chat-tigre

Ils ont aussi découvert que chaque chat-tigre, qui pèse en moyenne deux kilogrammes, a son propre habitat. Le chat-tigre nébuleux vit exclusivement dans les chaînes de montagnes d'Amérique centrale et des Andes, alors que L. tigrinus s'en tient aux savanes du plateau guyanais et au centre et nord-est du Brésil. L. guttulus demeure dans les forêts en basse altitude sur la côte atlantique du Brésil. 

« Qu'importe leur ressemblance physique, ces petites bêtes ont évolué séparément », étaye Eizirik. « Elles ont accumulé des adaptations qui leur étaient propres, jouant des rôles distincts dans leurs écosystèmes respectifs », explique-t-il. « Il est important de conserver ces félins parce qu'ils jouent un rôle très important », notamment en chassant de petites proies forestières, « et parce qu'ils représentent des lignées uniques au monde. »

 

LES MENACES PESANT SUR LES ONCILLES

Bien qu'il faille encore du temps pour que cette nouvelle espèce soit officiellement reconnue, l'étude a reçu de bons retours.

« Ils ont utilisé une méthodologie de pointe », estime par mail Mel Sunquist, professeur émérite de l'Université de Floride. « Ce qui est le plus frappant dans cette recherche, c'est que si vous regardez la liste des auteurs, ce sont tous des experts provenant des pays où vivent ces félins », souligne ce spécialiste des félins qui n'a pas participé à la présente étude. « C'est un effort de coopération unique. »

Tadeu de Oliveira estime que la documentation de cette espèce était à la fois intentionnelle et nécessaire pour la conservation de ces fascinants félins.

Les chats-tigres sont partout sous le coup de la menace imminente de perdre leur habitat au profit de l'agriculture et du développement urbain. De plus, les agents pathogènes, tels que la maladie de Carré, peuvent se propager chez les animaux domestiques, avec qui ils peuvent être en contact. Il est également regrettable que la plupart des populations de chats-tigres vivent en dehors des zones protégées, comme c'est le cas pour les guépards en Afrique.

Actuellement, l'Union internationale pour la conservation de la nature classe L. tigrinus et L. guttulus dans la catégorie des espèces vulnérables. Mais maintenant que l'on a découvert que leur aire de répartition est inférieure de moitié de ce qu'elle était auparavant, Oliveria affirme qu'un statut plus inquiétant est presque certainement en passe d'être accordé à ces deux espèces, et le chat-tigre nébuleux les rejoindra probablement.

« Chaque fois que je commence à en parler, cela m'émeut », déclare Oliveira, qui a fondé la Tiger Cats Conservation Initiative, qui aide les populations locales à vacciner leurs animaux domestiques contre la maladie de Carré et d'autres maladies, et qui réhabilite et remet en liberté les chats-tigres capturés à l'état sauvage pour satisfaire le commerce des animaux de compagnie, parmi de nombreuses autres initiatives.

« Le public doit réaliser que la publication d'articles est une chose. Prendre des mesures de conservation en est une autre », déclare-t-il. « Et on ne peut pas faire l'un sans l'autre. Sinon, nous ne faisons pas notre travail. »

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    Joel Sartore, photographe et explorateur National Geographic, a photographié ce félin dans le cadre son projet pluri-annuel l'Arche photographique de National Geographic. Pour en savoir plus, consultez le site natgeophotoark.org

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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