2018 a été l'année la plus chaude jamais enregistrée pour les océans

Les océans absorbent 93 % de la chaleur liée au changement climatique et cela a d’importantes répercussions sur le long terme.

De Alejandra Borunda
L’océan Arctique à Utqiagvik, en Alaska, photographié en juin 2015 après l’hiver le plus chaud jamais ...
L’océan Arctique à Utqiagvik, en Alaska, photographié en juin 2015 après l’hiver le plus chaud jamais enregistré dans l’État américain.
PHOTOGRAPHIE DE Katie Orlinsky, Nat Geo Image Collection

Les océans terrestres sont aujourd’hui plus chauds qu’ils ne l’ont jamais été depuis que l’Homme a commencé à relever leur température. C’est ce qu’affirme une étude publiée le 16 janvier dans la revue Advances in Atmospheric Sciences. Les océans ont absorbé plus de 90 % de la chaleur emprisonnée par les émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine, ce qui ralentit le réchauffement de l’atmosphère, mais provoque de nombreux autres changements indésirables relatifs au climat planétaire.

Même des océans légèrement plus chauds peuvent avoir des conséquences dramatiques. Selon une autre nouvelle étude, la puissance des vagues est renforcée quand les océans se réchauffent. Des tempêtes plus fortes se forment également dans les eaux dont la température augmente, ce qui accroît les dégâts causés par les ouragans et les tempêtes tropicales. La hausse des températures des océans nuit aux habitats coralliens et exerce une pression sur les stocks de poissons. Une autre étude suggère qu’autour de l’Antarctique, la glace fond six fois plus vite que dans les années 1980 : cette augmentation serait en partie due aux eaux plus chaudes qui viennent lécher le bord du continent.

« Les océans sont le meilleur thermomètre que nous ayons pour la planète », explique Zeke Hausfather, climatologue et énergologue à l’Université de Californie de Berkeley, qui a utilisé les données relatives à la chaleur de l’océan publiées hier pour réaliser une analyse, parue la semaine dernière dans la revue Science. « Nous pouvons clairement voir le réchauffement climatique dans ces données océaniques. »

 

LES OCÉANS, TAMPON THERMIQUE GÉANT

Dès le 19e siècle, les scientifiques suspectaient que l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère provoquerait une hausse des températures de l’air à l’échelle mondiale. Dans les années 1960, après avoir commencé à relever de façon méticuleuse les températures de l’air et les seuils de dioxyde de carbone de la planète toute entière, ces prédictions ont été confirmées.

Cependant, l’atmosphère ne semblait pas se réchauffer autant que les calculs du modèle le prévoyaient. Où pouvait bien passer cette chaleur supplémentaire ?

Certains océanographes ont alors suspecté que cette chaleur « manquante » était absorbée par les océans. Toutefois, mesurer cette dernière était bien plus difficile que de relever les températures de l’air. Les navires de recherche scientifique qui traversaient les océans jetaient bien de temps en temps une sonde dans l’eau pour mesurer la température, mais ces données n’étaient que de minuscules points au milieu de l’immensité des eaux du globe.

Alors, les scientifiques ont rassemblé toutes les données qu’ils ont pu trouver, des observations faites par des navires de commerce en passant par des données de navigation et des documents historiques. Une fois tout cela compilé, ils ont réalisé que les océans agissaient en réalité comme un énorme tampon pour le système climatique, un peu comme un oreiller géant qui amortit l’atterrissage brutal du changement climatique.

Au cours de la dernière décennie, un nouvel outil a permis d’améliorer de façon radicale le relevé de la température des océans : 3 000 capteurs autonomes baptisés « flotteurs Argo » ont été répartis dans les océans et mers de la planète. Ils enregistrent régulièrement la température des 2 000 premiers mètres de la colonne d’eau où ils se trouvent et ont fortement amélioré la qualité des données sur lesquelles les scientifiques se basent pour réaliser leurs estimations.

Grâce à ces relevés, il est désormais indéniable que les océans absorbent environ 90 % de la chaleur emprisonnée dans nos émissions de dioxyde de carbone. Selon les estimations les plus récentes, publiées la semaine dernière, ce chiffre atteint même 93 %. Si toute la chaleur absorbée par les océans depuis 1955 était soudainement libérée dans l’atmosphère, nous serions confrontés à une augmentation vertigineuse de la température de l’air, de l’ordre de plus de 60 °C.

Cela signifie que les océans agissent comme un tampon thermique géant qui nous empêche de ressentir directement toute la chaleur liée au changement climatique. Mais celle-ci ne disparaît pas.

 

UN RÉCHAUFFEMENT QUI S’ACCÉLÈRE

En 2018, la température de l’ensemble de la couche supérieure de l’océan, qui s’étend de la surface de l’eau jusqu’à 2 000 mètres de profondeur, n’a jamais été aussi élevée, dépassant de 0,1 °C la moyenne sur le long-terme en général. Aussi faible qu’elle soit, cette hausse a suffi à faire monter le niveau de la mer de plus de 3 mm, tout simplement parce que l’eau prend plus de place lorsque sa température augmente.

L’année 2018 couronne près de trois décennies d’un réchauffement doux et constant, dont les résultats cumulatifs peuvent être ressentis plus vivement.

« La hausse des températures ne semble pas très importante au jour le jour, mais elle s’accumule au fil du temps », a indiqué Kevin Trenberth, climatologue au Centre national de recherche atmosphérique situé dans le Colorado et un des auteurs de l’étude parue le 16 janvier. La chaleur supplémentaire qui s’accumule dans l’atmosphère s’infiltre lentement dans l’océan, et « c’est pour cette raison que les records sont battus année après année », explique-t-il.

Plus alarmant, au cours de ces dernières décennies, les océans se sont réchauffés près de 40 % plus vite qu’ils ne l’ont fait au milieu du siècle dernier. C'est du moins ce qu'indiquent les auteurs de l’analyse publiée la semaine dernière dans la revue Science.

Si l’on en croit Laure Zanna, climatologue à l’Université d’Oxford qui a récemment répertorié l’absorption croissante de chaleur supplémentaire par l’océan, depuis la révolution industrielle, la quantité de chaleur supplémentaire emmagasinée par l’océan en conséquence de nos émissions de gaz à effet de serre est environ 1 000 fois plus importante que la quantité d’énergie utilisée chaque année dans le monde par l’Homme.

 

DES CONSÉQUENCES SUR LE TRÈS LONG TERME

Les océans sont si immenses et profonds qu’ils peuvent absorber une quantité illimitée de la chaleur emprisonnée dans l’atmosphère. Mais ils possèdent aussi une longue mémoire et la chaleur qu’ils absorbent aujourd’hui y restera pendant des centaines, voire des milliers d’années. Ainsi, comme l’a démontré une étude publiée début janvier dans la revue Science, le fantôme d’une période glaciaire ayant eu lieu il y a quelques centaines d’années dans l’Atlantique Nord flotte toujours au-dessus des océans de la planète.

Les décisions que nous prenons maintenant nous affecterons dans un avenir lointain, souligne Susan Wijffels, océanographe à l’Institut océanographique Woods Hole de Cape Cod. « Les abysses présentent une grande capacité à absorber la chaleur sur une très longue échelle de temps. Mais cela verrouille aussi un engagement dans le système », déclare-t-elle. Si nous arrêtons d’émettre des gaz à effet de serre dès demain, l’océan continuera de se réchauffer pendant des siècles et il lui faudra encore plus de temps pour se débarrasser de cet excès de chaleur.

D’après les auteurs de la nouvelle évaluation concernant la température des océans, les effets du réchauffement risquent sans doute de perturber la vie et la physique marines. Les océans plus chauds retiennent moins d’oxygène, ce qui pourrait nuire au biote, du plancton à la baleine. Avec une température de base plus élevée, les vagues de chaleur marines sont plus probables, à l’instar de celle qui a balayé les eaux au large du nord-est de la Chine l’été dernier, ruinant les récoltes de concombres de mer dans les eaux peu profondes. Laure Zanna et ses collègues constatent aussi des changements au niveau des principaux courants qui déplacent la chaleur et les nutriments dans les océans.

Susan Wijffels estime qu’il faudra des centaines d’années pour mesurer toute l’ampleur des changements.

« Chaque molécule de CO2 que nous ne libérons pas dans l’atmosphère aujourd’hui nous épargne d’un potentiel réchauffement dans le futur », dit-elle. « Cela montre bien qu’il est nécessaire que nous réduisions nos émissions maintenant, autant que nous le pouvons. »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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