Comment protéger les coraux et les oiseaux marins dans un monde en réchauffement ?

Le réchauffement inéluctable vers lequel notre monde se dirige affecte tout particulièrement les animaux.

De Tim Vernimmen
Publication 9 juin 2021, 11:00 CEST
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Une nuée d’oiseaux marins virevolte autour d’un navire de pêche dans le golfe de l’Alaska.

PHOTOGRAPHIE DE David Doubilet, Nat Geo Image Collection

Le réchauffement climatique n’engendre pas uniquement une hausse des températures sur terre : les océans en souffrent aussi. Les vagues de chaleur océanique se font de plus en plus courantes. Elles viennent perturber notre compréhension de la relation interespèces et la manière dont ces dernières dépendent les unes des autres.

Les coraux pourraient perdre les algues qui vivent en leur sein, ce qui pourrait entraîner leur blanchiement, voire leur mort. Généralement, ces dégâts surviennent après le passage de plusieurs vagues de chaleur. De grands bancs de poissons se déplacent vers des climats plus confortables, ce qui force les oiseaux marins à parcourir de plus longues distances pour nourrir les juvéniles, loin des côtes le long desquelles ils nichent depuis des années.

La réduction des émissions de gaz à effet de serre s’avère la seule approche durable et efficace sur le long terme. En attendant que les objectifs mondiaux soient atteints et que les mesures soient mises en place, il est d’ores et déjà possible d’agir pour les oiseaux de mer et les coraux à résister à cette hausse des températures. Deux études publiées cette semaine dans Science vont également dans ce sens.

 

S’OCCUPER DES RÉCIFS LOCAUX

Afin de savoir où, quand et pourquoi les coraux sont susceptibles de mourir à cause des vagues de chaleur océanique, Mary Donovan, scientifique de la conservation de l’université d’État de l’Arizona, et ses collègues ont compilé des données de deux-cent-vingt-trois récifs coralliens du monde entier. Elles avaient été collectées par Reef Check, une organisation qui entraîne des scientifiques citoyens à surveiller les récifs coralliens et les forêts de varech. Certaines observations élémentaires fournies par les volontaires ont permis de prédire quelles étaient les régions où le corail avait le plus de risque de souffrir.

Le signe le plus courant attestant de la vulnérabilité face aux vagues de chaleur s’avère être la présence d’algues. Dans les régions où les volontaires ont signalé des algues en abondance, la perte des coraux était dix fois plus élevée en moyenne que dans les régions où elles se faisaient rares. Certains composés chimiques des algues peuvent blanchir les coraux si le contact est direct, explique Mme Donovan. En outre, elles relâchent des composés organiques dans l’eau qui entraînent une diminution du niveau d’oxygène, ce qui agresse les coraux. Cette découverte signifie que les vagues de chaleur sont d’autant plus dangereuses pour les coraux situés dans des récifs chargés en algues.

Le réchauffement des océans provoque le blanchiment du corail

Aussi, la présence de nombreux oursins ne semble pas être une bonne nouvelle pour les coraux. Selon Mme Donovan, une douzaine d’oursins répartis dans une dizaine de mètres carrés ne présente pas de danger puisqu’ils se nourrissent habituellement d’algues. Seulement, s’ils sont plus nombreux, parfois cent pour dix mètres carrés, il semblerait qu’ils entraînent davantage de perte des coraux. « Ils commencent à ronger les coraux également », ajoute-t-elle, lesquels se retrouvent dépourvus de leur exosquelette, permettant aux oursins de manger l’algue qu’ils renferment. La nouvelle étude a révélé que les récifs où résident de nombreux oursins sont considérablement plus vulnérables face aux vagues de chaleur.

Il est évident que le réchauffement climatique est l’une des principales causes du blanchissement des coraux et que nous devons poursuivre nos efforts pour le contenir. Toutefois, l’étude suggère que des mesures locales peuvent également aider à atténuer les dégâts.

« La pousse excessive d’algues peut être la conséquence des fuites des fosses d’aisances ou des fosses septiques situées près des océans... ou bien de l’écoulement des terres agricoles ou des cours de golf », souligne-t-elle. Réduire la pollution directement à la source aiderait très probablement au renforcement des récifs à proximité.

Il est également important d’éviter la pêche des espèces qui se nourrissent des algues. Par exemple, c’est ce qu’essaie d’atteindre la Kahekili Herbivore Fisheries Management Area à Hawaï. Là-bas, la prise de poissons herbivores est limitée. « Nous collaborons également avec les communautés locales dans d’autres régions de l’État pour la gestion de la pêche », assure Mary Donovan, en ajoutant qu’une population de poissons en bonne santé participe également au contrôle des oursins.

Nancy Knowlton, biologiste émérite spécialiste des coraux au musée national d’histoire naturelle des États-Unis, reconnaît que de tels efforts vont s’avérer très importants pour les récifs. « Je pense qu’aucun effort de conservation des océans ne peut fonctionner si les locaux n’y prennent pas part et n'ont pas l'impression que cela est dans leur intérêt. »

 

LE MANQUE DE POISSONS POUR LES OISEAUX MARINS

Évidemment, les communautés locales ne sont pas les seules à manger du poisson. Au contraire, elles ne sont souvent pas les principales consommatrices. Une grande partie de la planète s’approvisionne en poissons grâce à d’énormes navires qui parcourent les océans, en capturant les espèces au fur et à mesure de leur parcours. Une autre étude publiée dans Science le 28 mai a comparé le sort des oiseaux marins entre l’hémisphère Nord et le Sud. Elle révèle que la pêche commerciale intense pourrait rendre la vie de ces oiseaux bien plus compliquée.

Elle s’est appuyée sur cent-vingt-deux ensembles de données qui ont rapporté le nombre moyen d’oisillons présents dans les nids de soixante-six espèces d’oiseaux marins de 1966 à 2018. Grâce à cette analyse, une équipe de chercheurs internationale a pu démontrer une nette différence entre les deux hémisphères. Le nombre moyen de juvéniles par nid qui se nourrissent en partie de poissons a davantage diminué dans l’hémisphère Nord. Cette diminution peut, à terme, mener au déclin des populations.

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    « L’hémisphère Nord se réchauffe plus vite et se voit davantage affecté par les pressions anthropologiques comme la pêche et la pollution », avertit William Sydeman, écologiste au Farallon Institute en Californie et directeur de l’étude. « Il est donc difficile de déterminer l’importance relative des deux [hémisphères] sur la base de ces données. » Toutefois, il est certain que les poissons sont au cœur du problème pour les oiseaux qui dépendent de ces espèces. « La plupart des oiseaux qui se nourrissent de planctons élèvent autant d’oisillons qu’auparavant. »

    Beaucoup de répercussions du réchauffement climatique et des pressions humaines compliquent la recherche de poissons pour les oiseaux marins, essentiels à l’alimentation de leurs petits. Plus les océans se réchauffent, plus les poissons partent en recherche de régions plus fraîches et, de fait, plus les oiseaux doivent parcourir de longues distances ou plonger plus en profondeur pour trouver de la nourriture. « Certaines espèces, comme les mouettes des brumes ou tridactyles, ne peuvent tout simplement pas le faire », déplore M. Sydeman.

    À cause de leur métabolisme rapide, les oiseaux marins doivent pêcher l’équivalent de la moitié de leur poids tous les jours afin de survivre, et plus encore pour nourrir leurs petits. « Ils sont alors vulnérables aux changements relatifs à l’accessibilité de leurs proies. »

     

    LAISSER DE LA NOURRITURE AUX OISEAUX

    Les impacts du changement climatique sur la reproduction des oiseaux marins sont les principales conséquences de leurs difficultés à trouver du poisson. Il est primordial d’agir pour les aider à survivre au changement climatique. Les auteurs de l’étude sont clairs : il faut limiter les zones de pêche, en surface et en durée.

    « Particulièrement dans l’hémisphère Nord, nous avons besoin de mesures plus restrictives pour aider les populations d’oiseaux à se rétablir. Et dans l’hémisphère Sud, où les zones de pêche se font plus nombreuses, il est impératif d’éviter de reproduire les mêmes erreurs », soutient M. Sydeman.

    Ce qui inquiète le plus, ce sont les zones de pêches de l’hémisphère Sud qui se concentrent sur la prise d’espèces plus petites, telles que les anchois ou le krill, essentiels à l’alimentation des oisillons. « Pour les oiseaux, tout est question de nourriture. Alors toute action pour maintenir leurs proies, notamment en fermant les zones de pêche autour des colonies au cours de la saison de reproduction, quand ils ont le plus besoin de nourriture, serait la bienvenue. »

    Certains exemples semblent prometteurs. Par exemple, dans certaines zones de la mer du Nord, la pêche commerciale est interdite. Le manchot du Cap est une espèce en danger et piscivore qui peuple l’hémisphère Sud. Il semblerait qu’il ait bénéficié d’une interdiction locale de la pêche à la senne coulissante des sardines et des anchois, ses mets favoris, autour des colonies de nidification.

    « Une petite amélioration sur le succès de la reproduction peut avoir des conséquences positives à long terme. Mais dans le cas présent, il faut plus d’actions, car ces manchots font face à de nombreux risques », a déclaré William Sydeman.

    Au-delà des restrictions locales autour des colonies de nidification, qui sont par ailleurs souvent temporaires, M. Sydeman et ses collègues ont affirmé dans leur étude que les vastes aires marines protégées, où les créatures marines se voient protégées et disposent de nourriture en abondance, sont également cruciales pour la survie des oiseaux marins.

    Cette affirmation s’applique également aux récifs coralliens, assure Mme Knowlton, et bénéficie en outre aux Hommes. « Les aires marines protégées sont bénéfiques pour l’industrie de la pêche également. Elles offrent des prises durables plus nombreuses. »

    Par ailleurs, elles permettent de faire gagner du temps aux espèces pendant que nous trouvons des solutions aux enjeux climatiques. « Nos efforts pour le climat sont très importants mais ils mettront plusieurs dizaines d’années à être effectifs, même dans le meilleur des scénarios. Donc les actions que nous pouvons d’ores et déjà entreprendre sont elles aussi cruciales. »

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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