Dans les Andes, une mine de plomb consume les villes alentours

La mine de Cerro de Pasco, au Pérou, était une source d'enrichissement significative pour la couronne espagnole. Aujourd'hui, elle empoisonne les enfants de la région au plomb.

De Tony Dajer
Mine volcan
Le centre historique de Cerro de Pasco, Pérou, est largement rongé par une mine de 402 mètres de profondeur, aujourd’hui dirigée par une filiale de Volcan Compañía Minera. La mine produit principalement du plomb et du zinc.
PHOTOGRAPHIE DE Photo : Tomas van Houtryve

CERRO DE PASCO, PÉROU— Pour une femme qui projette de déplacer une ville entière, Gloria Ramos Prudencio, membre du Congrès de 56 ans et d’à peine 1 mètre 52, ne paye pas de mine. Sa ville, dont la population atteint les 70 000 âmes, s’appelle Cerro de Pasco. Située à 4330 mètres sur l’Altiplano péruvien, un endroit où l’on ne trouve pas un arbre, il s’agit de l’une des villes possédant la plus haute altitude du monde.

Ramos se rappelle d’une voix douce : « Lorsque j’étais petite, j’embêtais ma mère lorsque nous passions devant Bellavista, le quartier des Américains. Je lui demandais sans cesse : « Pourquoi ce sont les « gringos » qui possèdent les plus belles maisons ? » À l’école, mes profs m’appelaient « preguntona », soit « celle qui pose trop de questions. »

Aujourd’hui, elle se demande comment sauver sa ville natale d’un trou énorme.

PHOTOGRAPHIE DE NG Maps

Au cours de la dernière décennie, le secteur minier de l’Amérique latine a triplé de valeur, pour atteindre 273 milliards de dollars. L’économie du Pérou, qui appartient aux plus prospères, tire un sixième de son PIB des minéraux. À Cerro de Pasco, on peut voir toute l’histoire du secteur minier péruvien, ainsi que les conséquences qu’il engendre. En effet, la mine ravage littéralement la ville de 400 ans où elle se trouve.

Cette mine à ciel ouvert, gérée par une filiale de Volcan Compañía Minera, une entreprise péruvienne, est un cratère étagé semblable à une Ziggurat inversée. Longue de plus de 1,6 kilomètre, large de 800 mètres et profonde de 402 mètres, elle avale peu à peu la ville qui bat retraite, telle une mer affamée. Une rangée de maisons abandonnées, donc les toits en acier rouillent et sont criblés de trous, fait office de no man’s land entre le gouffre et la cité vivante.

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    Une peinture peinte sur une maison de Cerro de Pasco par l'artiste péruvien Daniel Cortez Torres, également connu sous le nom de Decertor, fait allusion aux problèmes de pollution qui affligent la ville.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    Cette barrière n’est pas suffisamment robuste pour protéger les habitants, notamment les enfants, des toxines produites par la mine. Cerro de Pasco fait en effet partie des communautés les plus touchées au monde par le saturnisme.

    À moins de 200 mètres du bord de la mine, la place principale de la ville est dominée par la statue surdimensionnée d’un jeune homme. Il s’agit d’un garçon de la ville devenu un héros au Pérou. Il s’apprête à se planter une seringue hypodermique dans le bras.

    En 1885, Daniel Alcides Carrión est étudiant en médecine au moment où des ouvriers, qui construisent un chemin de fer dans la ville, sont décimés par une maladie appelée fièvre d’Oroya. En s’injectant du tissu extrait d’une lésion cutanée d’un survivant, Carrión a prouvé que cette fièvre foudroyante et une maladie chronique, connue sous le nom de verruga du Pérou, possédaient la même origine – un microbe qui, des années après l’injection de Carrión, deviendrait soignable avec des antibiotiques. Des panneaux situés sur les flancs de la base de la statue montrent de quelle manière il est mort : délirant de fièvre.

    Une boutique vend des seringues en plastique commémoratives. Même si ces souvenirs provenant d’une ville funeste peuvent sembler étranges, ils semblent toutefois pertinents lorsque l’on se rend sur place et que l’on constate ce à quoi ses habitants font face.

     

    JOURS DE GLOIRE

    Il y a 400 ans, la légende voulait que les rochers de Cerro de Pasco se trouvant à proximité des feux de camp « pleuraient de l’argent ». Pendant des siècles, la mine faisait partie des plus riches de la Couronne d’Espagne et remplissait des galions entiers d’argent. En 1820, Cerro de Pasco a été la première ville à être libérée des Espagnols. Au début des années 1900, il s’agissait de la deuxième plus grande ville du Pérou, avec ses calèches luxueuses et ses consuls européens. L’année 1903 a marqué l’achèvement du plus grand chemin de fer du monde. Ce dernier traversait les Andes sur 320 kilomètres et a attiré les Américains de la Cerro de Pasco Corporation, qui ont acheté la mine. Le cuivre abondait mais il était également possible de trouver de l’argent. J.P. Morgan, Henry Clay Frick et la famille Vanderbilt, entres autres investisseurs étrangers, ont remporté énormément d’argent. Dans les années 1950, le cuivre a laissé place au zinc et au plomb, dont une grande partie est aujourd’hui destinée à la Chine.

    Jusqu’au milieu des années 1950, les mineurs extrayaient le minerai à travers des tunnels, soit à l’ancienne. Un an après la naissance de Gloria Ramos, l’entreprise minière est passée des tunnels à un système d’exploitation minière à ciel ouvert plus efficace, installé à l’intérieur des limites de la ville. Il s’est cependant avéré que les zones les plus riches en zinc et en plomb se trouvaient sous la ville, ce qui constituait l’un des exemples de choix les plus malheureux de l’histoire.

    Voici ce que déclare Gloria Ramos : « Autrefois, on trouvait des consulats et des maisons historiques dans le centre de la ville. Nous avons été la deuxième ville du Pérou pendant des années. La mine nous a tous pris. Aujourd’hui, les quartiers construits dans les années 1960 afin de fuir la mine sont en train de se faire avaler. »

    Des tas de résidus miniers contaminés se profilent sur une aire de jeux dans le quartier de Paragsha. Des poussières de plomb soufflent sur ces piles et d'autres dans le Cerro de Pasco.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    Aujourd’hui, Cerro de Pasco ressemble à un ensemble de trottoirs dégrossis et de parpaings. L’eau potable y est rare, car ses lacs et rivières arborent une couleur orange en raison des écoulements miniers. Des camions fournissent de l’eau potable pour 25 fois le coût pratiqué à Lima. « Mon quartier n’a droit qu’à six heures d’eau par semaine, » ajoute Gloria Ramos. Grâce à la décision d’un juge prise cette année, Volcan peut continuer à déverser ses déchets miniers dans un étang situé juste au sud de la ville.

    De plus, il n’existe pas de chauffage intérieur à Cerro de Pasco. Le froid des Andes oblige des vendeuses à porter des parkas et des mitaines et il n’est pas rare de voir de la buée sortir de la bouche de personnes dinant au restaurant. Les enfants qui dévalent les trottoirs ont les joues rouges, comme s’ils venaient de recevoir une gifle.

     

    UNE ÉPIDÉMIE DE SATURNISME

    Le long du bord ouest de la mine, des énormes monticules contenant du plomb couvent des quartiers comme ceux de Paragsha et Champamarca. La poussière issue de ces tas se répand partout.

    Depuis 1996, le Ministère de la santé péruvien prélève des échantillons de sang sur les enfants deux fois par an, afin de vérifier leur taux de saturnisme. En 2007, même les Centres américains de contrôle et de prévention des maladies (CDC) ont participé à ces prélèvements. Les résultats étaient à chaque fois les mêmes : plus de la moitié des enfants s’étant soumis aux tests possédaient de hauts niveaux de saturnisme, probablement provoqués par l’ingestion de poussières de résidus.

    Pour Paul Rodríguez, un médecin exerçant son activité dans la clinique du quartier de Paragsha, « Cerro de Pasco ressemble à Tchernobyl. » Avec son sourire rapide et ironique, cet homme costaud est frustré. Il sait que les études montrent que les enfants arrivant dans sa clinique courent un risque. Il a en effet rencontré quatre enfants dont les gencives étaient marquées de la ligne bleue annonciatrice d’un grave empoisonnement au plomb. Cependant, il ne peut pas commander une analyse de sang lorsqu’un enfant en a besoin.

    Un berger conduit des alpagas et des lamas vers la maison à Botadero de Rumiallana, dans les collines au-dessus du Cerro de Pasco. La ville est visible au-delà de la pile de résidus.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    « Voilà ce qu’on nous donne, » dit-il, en tenant un formulaire du gouvernement rempli de cases cochées. « On y trouve tous les symptômes de l’empoisonnement au plomb. C’est bien, sauf que bon nombre d’entre eux, comme le mal de tête, la nausée et les vomissements, ne sont pas spécifiques. Il faut pouvoir mesurer le taux de plomb, sauf qu’aucun laboratoire ici ne peut effectuer de test. Les enquêtes ne sont pas universelles, si bien qu’il faut envoyer ses enfants à Lima. Ici, on exerce la médecine à l’aveugle. »

    Jorge Leoncio Murillo Nuñez, le porte-parole de Volcan, déclare que l’entreprise respecte toutes les lois écologiques péruviennes et qu’elle a « mené des campagnes de sensibilisation sur les procédures d’hygiène et de nettoyage visant à réduire les effets de la pollution.»

    Cecilia Beraún est née à Champamarca, à 800 mètres de la clinique du Dr. Rodríguez. Lors de notre rencontre, elle vivait avec ses deux fils dans la réserve d’une école. Maigre et usée, elle gagnait sa vie en nettoyant l’école à 04h30 avant de faire une heure de marche en direction de la base de la mine, où elle travaillait comme pelleteuse. Son salaire était d’environ 1,27 euros de l’heure. Située entre la mine et les monticules de résidus, Champamarca est une ville marquée par le plomb. Les enfants de Cecilia, âgés de 10 et 7 ans, possédaient des taux de saturnisme de respectivement 14,5 et 13,7 microgrammes par décilitre. Pour le CDC américain, ce taux est dangereux au-delà de 5.

    Des femmes avec des casques miniers regardent pendant que les enfants participent à une parade d'école élémentaire dans le voisinage de Paragsha.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    Alex, voisin de Cecilia et père de trois enfants, désigne du doigt son fils Yober, trois ans.

    « Au mois de mars, son niveau atteignait 18,9. Il a eu trois crises et nous avons passé le Jour de l’an à l’hôpital. Il est rentré à la maison sans qu’aucun médicament ne lui ait été prescrit. Mes deux aînés ne sont pas nés ici et vont bien. Je suis venu dans cette ville pour le travail. Je voudrais vendre ma maison pour le bien de mon fils, mais personne ne veut acheter. »

    Le saturnisme est une bête sournoise. Même des taux faibles peuvent pomper l’énergie, faire souffrir au niveau des articulations et entraver le bon déroulement de l’apprentissage. Chez les enfants notamment, des niveaux modérés peuvent en effet réduire le QI de façon permanente. Toute augmentation de niveau peut entraîner des convulsions, un mauvais fonctionnement des organes et même la mort. « Ils ont du mal à apprendre, » déclarait Cécilia à propos de ses enfants. « Des médecins ont été envoyés par le Ministère de la santé pendant une journée, afin de les examiner. Ils se sont contentés de leur prescrire des vitamines, afin de les « rendre plus intelligents » d’après leurs propos. »

    Un autre conseil ?

    Les enfants du Cerro de Pasco sont rarement loin de la mine et de ses déchets.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    « Déménager ».

     

    CE FICHU EMPLACEMENT

    Partir ou rester ? Cette question revient tous les jours à Cerro de Pasco. Chaque nouvelle étude menée sur le plomb engendre des inquiétudes et appelle à l’action.

    De manière peu surprenante, des études réalisées au Pérou montrent que plus des personnes sont éloignées d’un sol contaminé par le plomb, mieux elles se portent. En mai 2012, le Ministère de la santé péruvien a déclaré l’« état d’urgence écologique » à Cerro de Pasco. L’objectif était de réduire la poussière par la construction d’un revêtement routier, la couverture des piles de détritus et la plantation d’arbres. Au final, seuls quelques jeunes arbres ont été plantés.

    Un représentant de la santé local précise « qu’il est impossible de faire plus en raison de l’absence de moyens. »

    Leydi Gonzales (à gauche) et Sonia, 8 ans, ont des niveaux de plomb dans le sang qui sont plus de trois fois plus élevés que les centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies. Leurs trois frères et sœurs ont des niveaux élevés aussi.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    En septembre dernier, des citadins ont défilé le long des 241 kilomètres reliant Cerro de Pasco à Lima, afin d’attirer l’attention de la capitale sur les 2 070 enfants possédant des taux de saturnisme dépassant les 10 microgrammes par décilitre – soit deux fois le niveau critique. Peu après, le gouvernement a annoncé la construction d’un hôpital doté d’une unité de test des métaux lourds et de traitement. Cela étant, ce projet avait déjà été annoncé auparavant.

    Dans les années 1980, à l’époque où la mine était encore la propriété du gouvernement, l’administration du président Alan García a dépensé 27,3 millions de dollars sur des projets de logements situés à environ 25 kilomètres de la ville, dont le but était d’attirer les familles travaillant à la mine. Avec leurs 60 m², ces maisons n’étaient pas spécialement séduisantes. Seule une petite poignée de personne habitent dans ce quartier abandonné, désormais contrôlé par Volcan. Le logo de l’entreprise est gravé sur chacune des maisons. Des rangées de lampes impeccables se trouvent dans des champs d’herbe, où les projets de construction ont cessé.

    En 2008, Gloria Ramos a renoncé à ces solutions provisoires. Élue membre du Congrès péruvien en 2006, elle a réussi à faire passer la Loi 29293, dont l’objectif est d’achever le déménagement entier de Cerro de Pasco, à l’unanimité. Mais une question cruciale reste toutefois en suspens : qui va payer l’addition ?

    « Environ 2 millions d’euros ont été alloués à l’étude de sites alternatifs, » soupire-t-elle, avant d’ajouter : « Cependant, les Ministères de la mine et des finances ignorent les réunions de comités, donc c’est le status quo. » (Le gouvernement péruvien n’a pas souhaité réagir).

    Le maillage vert placé au-dessus des tas de résidus près du quartier de Champamarca vise à réduire la quantité de poussière toxique soufflée dans les rues et les maisons.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    Pendant ce temps-là, le gouvernement a mis fin à un projet de nouveau système de distribution d’eau destiné à Cerro de Pasco – pourquoi investir dans une ville qui s’apprête à disparaître ? De même, Volcan a retiré son offre d’achat et de reconstruction du dernier vestige de la ville historique, devenu aujourd’hui l’un des bords du trou.

    En marchant dans la ville, on aperçoit un peu partout des marqueurs de propriétés privées en béton portant le nom de Cerro SAC, la filiale de Volcan qui exploite désormais la mine. Gladys Huamán, directrice de Labor Pasco, un organisme de contrôle local : « L’entreprise met la ville à mal, d’abord en achetant un tiers de maisons d’un quartier, puis en les condamnant. Étant donné que les prix chutent, les gens ont du mal à vendre. Mais la mine n’est pas pressée. À chaque fois que les gens essayent de s’unir et de résister, elle recule et attend. »

    La structure de la force ouvrière divise la ville. À Cerro de Pasco, il est impossible de rater les mineurs. Robustes et trapus, ils portent des combinaisons orange. Sur un mur, on peut lire un graffiti « Somos machos pero no muchos, » soit « Nous sommes machos mais peu nombreux. »

    1400 personnes travaillent à la mine, mais seulement 400 d’entre elles sont syndiquées et possèdent un contrat un plein-temps. Le reste est dirigé par les « contratistas », des intermédiaires qui négocient des contrats de trois mois sans obligation avec des ouvriers originaires de tout le Pérou. Ces travailleurs en transit gagnent la moitié de ce qu’empochent les détenteurs d’un contrat à plein temps, soit l’équivalent de 4,10 euros de l’heure, et n’ont droit à aucun avantage.

    Martin Trinidad Saco, 70 ans, guide son mouton sur le lit hautement contaminé d'un lagon desséché près de Cerro de Pasco. Trinidad Saco se souvient avoir pécher et récolter des œufs d'oiseaux dans ce lagon lorsque celui-ci pouvait encore subvenir aux besoins de la vie animal.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    Abel Cruz, porte-parole de Cerro SAC, estime que sur les 70 000 habitants de Cerro de Pasco, seuls 15 000 sont considérés comme résidents à plein temps. « La vie est difficile à cette altitude, » dit-il. « J’ai passé dix jours ici, puis quatre jours à Lima avec ma famille. »

     

    QUI EST RESPONSABLE ?

    Pour Federico Helfgott, un historien de Cerro de Pasco et professeur assistant à l’Universidad Nacional Mayor de San Marcos située à Lima : « La responsabilité du problème est incertaine. »

    Le nombre de propriétaires de la mine s’étant succédé au fil des années n’arrange rien. La Cerro de Pasco Corporation, qui était détenue par des Américains, dont les maisons suscitaient l’admiration de Gloria Ramos, a été étatisée en 1974. Durant les 25 années suivantes, Centromin, une entité du gouvernement, s’est très mal occupée de sa gestion. En 1999, Volcan a acheté la mine pour 56 millions d’euros, soit une bouchée de pain pour de nombreux experts. Helfgott poursuit : « Certains des amas de résidus appartiennent à l’entreprise américaine, d’autres à Centromin et à Volcan. Donc qui est responsable du saturnisme ? Et qui va payer le déménagement ? » Entre 2010 et 2014, Volcan s’est vu infliger plus d’amendes écologiques que n’importe quelle autre entreprise minière du Pérou. D’ailleurs, une grande partie n’a jamais été payée.

    Selon Gladys Huamán, Volcan a cédé la mine à Cerro SAC, sa filiale, en 2011 afin de limiter sa dette. « Aujourd’hui, l’industrie minière dispose d’options sur un septième du territoire national péruvien. Cerro de Pasco peut devenir un exemple. »

    Hilario Mallqui Palacio lave les vêtements dans un petit ruisseau à la périphérie de Cerro de Pasco. Il vit dans le centre de la ville mais n'a pas d'eau courante.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    En 2010, Roberto « Bobby » Letts, le PDG de Volcan, décède à l’âge de 75. Ce célibataire a laissé une fortune de 546 millions d’euros. En 2011, Volcan réalise un bénéfice de 298 millions d’euros. En 2014, ses profits sont toutefois inférieurs à 91 millions d’euros. Avec le recul de la Chine, la production de plomb et de zinc de Cerro de Pasco a diminué de plus de la moitié.

    Cette année, Cerro SAC a enfin inauguré son usine d’oxydation, maintes fois retardée, qui utilise du cyanure pour éliminer les traces d’argent issues des résidus miniers. À l’origine, l’usine devait rapporter 91 millions d’euros par an, mais elle a ouvert à un moment où les prix de l’argent chutaient. Le boom mondial des prix du métal s’est calmé. Pourtant, la mine et la pollution régnant à Cerro de Pasco sont encore là.

    Pour Jorge Nuñez, porte-parole de Volcan, la responsabilité du déménagement de la ville ne doit pas incomber à l’entreprise. Il s’agit d’un « problème qui concerne le gouvernement national, ainsi que la région et la municipalité. »

     

    « JE CONTINUE À ME BATTRE »

    Gloria Ramos : « Ce qui me dérange le plus dans cette affaire, c’est que le boom n’a pas été exploité comme il se devait ». En 2011, elle ne s’est pas représentée. Elle vit désormais à Lima et a arrêté la politique. Elle se rend toujours à Cerro de Pasco à quelques semaines d’intervalle, pour y voir ses parents.

    Quand Tahis Carhuaricra, 7 ans, était un bébé, sa concentration de plomb dans le sang était plus de 13 fois le niveau de danger. L'empoisonnement l'a laissée gravement handicapée, incapable de parler ou de manger des aliments réguliers.
    Photographie de Tomas von Houtryve, Vii, National Geographic

    Dans les journaux et lors de réunions publiques, « les attaques empirent » assure-t-elle. « J’ai été accusée d’avoir supprimé tous les emplois et d’avoir voulu fermer la mine. J’ai même reçu des menaces personnelles. »

    À l’extérieur de la ville, dans une vallée jouxtant le plus grand lagon de résidus de Cerro de Pasco, un homme appelé Celso Santiago élève des alpagas. Sa maison possède des murs en boue et le toit en zinc de cette dernière tient grâce à des pierres. Il déclare, en levant sa tête d’une statue Inca : « Yo soy conflictivo » (« Je suis de mauvaise humeur »).

    « Je me bats contre eux depuis 20 ans. Ils ont détruit mes champs, donc je les combats avec cela. » En montrant des paquets de documents juridiques, il nous avoue avoir quelques années d’études derrière lui.

    « Vous voyez cette colline ? Après que nous avons remporté le premier procès intenté aux dirigeants de la mine, on nous a promis de restaurer sept hectares. Seule la moitié l’a été. Au début, ils sont amicaux, mais ils ne tiennent pas leurs promesses. Leurs promesses non-tenues m’ont rendu coriace. Cela m’a pris deux ans et coûté beaucoup d’argent, mais je continue à me battre. »

    Santiago estime que la loi de déménagement de Gloria Ramos constitue une bonne solution. Il plisse les yeux face à la lumière aveuglante du matin.

    « Personne ne veut que la mine disparaisse » dit-il. « Nous voulons simplement que ses dirigeants endossent leurs responsabilités ».

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