L’acanthaster pourpre, l’étoile de mer qui ravage les récifs coralliens

Aussi connue sous le nom de « couronne du Christ », cette étoile de mer carnivore se nourrit de coraux. S’il est difficile d’empêcher sa prolifération, les conservationnistes n’ont pas dit leur dernier mot.

De Melissa Hobson
Publication 23 nov. 2023, 17:13 CET
Une acanthaster pourpre se déplace sur un récif des Maldives. Cette étoile de mer, présente dans ...

Une acanthaster pourpre se déplace sur un récif des Maldives. Cette étoile de mer, présente dans les eaux du bassin Indo-Pacifique, a vu sa population augmenter au point qu’elle constitue désormais une menace pour les habitats vulnérables que sont les récifs coralliens.

PHOTOGRAPHIE DE Reinhard Dirscherl, Alamy Stock Photo

Armé d’une perche, un plongeur plante une aiguille dans l’étoile de mer. Il injecte ensuite en plusieurs points une solution vinaigrée, avant d’arracher délicatement l’animal du corail dont il se nourrissait.

Deux jours seront nécessaires pour que la solution fasse effet et que le prédateur soit transformé en un amas de matière visqueuse.

Ces injections constituent actuellement la seule façon d’éliminer l’acanthaster pourpre, une espèce d’étoile de mer mangeuse de coraux.

Endémique de la Grande Barrière de corail et des récifs du bassin Indo-Pacifique, l’acanthaster pourpre est un prédateur corallien féroce. Dotée de jusqu’à 21 bras, tous recouverts d’épines venimeuses mesurant deux centimètres et demi, elle sécrète une substance gluante toxique lorsqu’elle se sent menacée.

Si cette étoile de mer n’est pas problématique lorsqu’elle évolue dans un écosystème en bonne santé, elle peut dévaster les récits coralliens lorsqu’elle est présente en trop grand nombre. Au Japon, des plongeurs ont dû enlever à la main un million et demi de ces prédateurs suite à leur prolifération.

Et alors que l’analyse d’échantillons d’ADN environnemental (ADNe) indique qu’une invasion de couronnes du Christ est imminente dans la partie nord de la Grande Barrière de corail, les bateaux de surveillance sont déjà occupés à gérer celles en cours. « Il faut envoyer des moyens dans la zone, mais cela demande des ressources supplémentaires consacrées à la gestion de ces évènements, qui sont difficiles à obtenir », explique Sven Uthicke, écologue à l’Australian Institute of Marine Science (Institut australien des sciences marines).

Alors que le changement climatique pèse sur les récifs (environ 99 % des récifs dans le monde seront menacés au cours des deux prochaines décennies), de nouvelles stratégies visant à contenir ces prédateurs pourraient contribuer à la survie des récifs coralliens.

 

DES MANGEUSES DE CORAUX VORACES

Malgré leur taille impressionnante (elles peuvent mesurer jusqu’à soixante centimètres) et leurs teintes bleues, violettes, rouges et rose vif, ces étranges créatures peuvent être difficiles à trouver ; elles aiment se cacher dans les moindres recoins de l’océan.

Les acanthasters pourpres se caractérisent par un cycle de vie assez décousu, susceptible de semer le chaos. Lorsqu’elles sont présentes en petit nombre, les étoiles de mer ne posent pas problème. C’est une tout autre histoire en cas d’invasion ; elles peuvent alors dévorer 90 % des coraux vivants d’un récif. Les coraux morts constituent un habitat de prédilection pour les juvéniles de l’espèce, qui vivent dans les débris des récifs et mangent les algues qui y poussent.

« Ces récifs ressemblent à un cimetière après une invasion. Les coraux sont presque tous morts » et il faut entre cinq et dix ans pour que le récif se rétablisse, observe Mary Bonin, directrice du COTS Control Innovation Program (Programme d’innovation pour le contrôle des acanthasters pourpres) à la Great Barrier Reef Foundation.

Un plongeur injecte une toxine à une acanthaster pourpre au large des côtes indonésiennes.

PHOTOGRAPHIE DE Nature Picture Library, Alamy Stock Photo

Ces étoiles de mer se reproduisent très rapidement, une femelle pouvant pondre plus de 60 000 œufs pendant la saison du frai. La biologiste marine de l’université de Sydney, Maria Byrne, qui avait dix acanthasters pourpres dans ses aquariums s’est ainsi retrouvée avec environ 1 000 juvéniles. « C’était un vrai bazar », se souvient-elle.

La Grande Barrière de corail est particulièrement touchée par ces invasions, qui se répandent comme une traînée de poudre à travers son système interconnecté composé de plus de 3 000 récifs s’étendant sur une superficie équivalente à celle de l’Italie.

Ces fortes hausses de population pourraient résulter de l’augmentation des polluants dans l’eau, à l’instar des engrais chimiques qui parviennent jusqu’à la mer et favorisent le développement du phytoplancton (de petites algues). « Les larves d’acanthaster pourpre se nourrissent d’algues. Par conséquent, plus il y a d’algues, mieux les larves se portent », explique Sven Uthicke.

La surpêche pourrait également avoir provoqué la diminution du nombre de prédateurs naturels qui contrôlent les populations d’acanthasters pourpres. De nombreuses espèces capables de contenir ces animaux sont ciblées par la pêche industrielle et de loisirs. Dans les « zones vertes », c’est-à-dire les zones protégées où la pêche est interdite, les invasions d’acanthasters pourpres sont moins nombreuses.

 

DES « DURES À CUIRE »

Les acanthasters pourpres étant capables de se régénérer en l’espace de quelques semaines à l’âge adulte, il est donc impossible de les tuer en les coupant en morceaux. Des chercheurs qui avaient tranché une étoile de mer en deux ont ainsi constaté que les deux parties s’étaient presque complètement reconstituées en sept semaines. Par conséquent, les plongeurs doivent injecter une solution à base de vinaigre ou de sels biliaires aux étoiles de mer pour les tuer sans introduire dans l’environnement des substances chimiques susceptibles de nuire aux autres créatures marines. La solution tue les étoiles de mer en 48 heures ; ces dernières seront ensuite mangées par les autres formes de vie aquatiques.

Les larves aussi sont dures à cuire. « L’un des secrets de la réussite des larves d’acanthaster pourpre, c’est leur résistance », explique Maria Byrne. Elles peuvent se cloner et survivre dans des eaux suffisamment chaudes pour tuer les coraux, ce qui pose une menace à tout corail susceptible de se rétablir après une vague de chaleur marine.

Les juvéniles, surnommés « les Peter Pan » par la biologiste marine, attendent parfois pendant des années que la population des adultes chute pour grandir et commencer à se nourrir de coraux, afin de bénéficier d’une compétition moindre. Tuer des spécimens adultes pourrait donc leur donner « l’occasion de devenir des prédateurs mangeurs de coraux », ajoute-t-elle.

 

DE L’ESPOIR POUR LES RÉCIFS

Grâce à l’amélioration des méthodes de relevé, il est possible de détecter plus tôt les invasions.

Les relevés coralliens en « manta-tow » (lorsqu’un plongeur est tracté par un bateau et recense les étoiles de mer qu’il voit au fur et à mesure) s’effectuent désormais avec des technologies d’imagerie en remplacement des plongeurs.

Et pour dénombrer les acanthasters pourpres qui jouent à cache-cache, les scientifiques utilisent une petite bandelette réactive, qui détecte des traces de leur ADN. Celle-ci ressemble à celles employées dans les auto-tests de grossesse, de glycémie ou de dépistage de la COVID-19. Les chercheurs réfléchissent aussi à l’utilisation de substances chimiques pour attirer les étoiles de mer dans un piège ou comme répulsifs pour les faire fuir (par exemple, l’odeur des tritons géants leur fait prendre la poudre d’escampette).

Même si ces efforts visant à juguler les invasions d’acanthasters pourpres portent leurs fruits, les récifs de la région restent confrontés à une menace bien plus grave.

« Les récifs coralliens sont menacés par le changement climatique, souligne Maria Byrne. L’acanthaster pourpre est désignée comme la coupable, mais la principale cause de la mortalité des récifs, c’est la température de l’eau, et elle n’épargne aucun corail des récifs », ajoute-t-elle.

Mary Bonin partage son avis : « la priorité numéro un pour les récifs, c’est la réduction des émissions de gaz à effet de serre », estime-t-elle. Pour elle, la gestion des acanthasters pourpres ne se résume pas « à tuer des animaux », mais à protéger l’écosystème tout entier des facteurs de stress climatiques.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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