Bételgeuse pourrait-elle devenir une supernova de notre vivant ?

Qu'arrive-t-il à cette brillante étoile de la Constellation d'Orion ? Depuis des années, les astronomes observent une variation dans la luminosité et la taille de la géante rouge qui pourraient précéder son explosion.

De Marie Zekri
Publication 12 sept. 2023, 14:41 CEST
La supergéante rouge Bételgeuse (en haut à gauche) et la célèbre ceinture d’Orion. Cette image prise ...

La supergéante rouge Bételgeuse (en haut à gauche) et la célèbre ceinture d’Orion. Cette image prise en février 2018 révèle les détails de la Constellation d'Orion avec les nébuleuses environnantes de son complexe de nuages moléculaires.

PHOTOGRAPHIE DE Kevin Gill

L'étoile Bételgeuse, située au niveau de « l’épaule » de la constellation d'Orion, est la plus grosse étoile visible à l’œil nu dans le ciel nocturne. Cette supergéante rouge située à 530 années-lumière du système solaire, dont la taille équivaut à 700 fois celle de notre étoile, est la deuxième étoile la plus brillante de la constellation d’Orion derrière Rigel, et traditionnellement, la dixième étoile la plus lumineuse.  

Cette étoile va s’éteindre, ou plus précisément exploser et se transformer en supernova. La prévision de cet évènement est bien connue de la communauté scientifique depuis de nombreuses années. La question est de savoir quand elle va exploser. À la fin de l’année 2019, le débat autour de l'explosion de Bételgeuse s’est enflammé. L’étoile qui traverse des phases de « pulsations » au cours desquelles sa taille et sa luminosité varient, a connu un rapide déclin de luminosité à cette période, avant de redevenir progressivement plus lumineuse.

Le 1er juin 2023, une étude publiée dans les archives arXiv, basée sur une mesure des périodes de pulsations, conclut que le cœur de Bételgeuse est arrivé à un stade très avancé de combustion, phénomène annonciateur d’une explosion potentiellement imminente, alors que l’étoile vient cette fois d’entrer dans une phase où elle est 140 % plus lumineuse que d'ordinaire. Le houleux débat sur la date de l’exposition de Bételgeuse est à nouveau ouvert.

 

LA MORT D’UNE ÉTOILE « VARIABLE »

La supergéante rouge Bételgeuse fascine depuis toujours les amoureux du cosmos. Cette étoile qui figure parmi les plus brillantes et les plus imposantes connues à ce jour se trouve dans la dernière phase de sa vie. La communauté scientifique internationale débat depuis de nombreuses années quant au caractère imminent de sa mort à l'échelle d'une vie humaine, ce qui pourrait conduire à l’observation d’un des phénomènes astronomiques les plus impressionnants : la formation d’une supernova

Fin 2019, la luminosité de l’étoile a diminué dans des proportions encore jamais observées chez la supergéante rouge, qui présente néanmoins régulièrement des phases de fluctuations lumineuses. Il s’agit en effet d’une étoile de type « variable semi-régulière ». Les astrophysiciens observaient il y a trois ans une diminution record de 40 % de sa luminosité, ainsi qu’une modification de sa forme. Bételgeuse n’a retrouvé son aspect originel qu’en février 2020. 

En juillet 2020, les images du télescope spatial Hubble de la NASA / ESA suggèrent que l’assombrissement inattendu de l’étoile supergéante Bételgeuse a probablement été causé par une immense quantité de matière chaude qui a été éjectée dans l’espace, formant un nuage de poussière qui a bloqué la lumière des étoiles provenant de la surface de l’étoile. Cette impression d’artiste a été générée à partir d’une image de Bételgeuse de fin 2019 prise avec l’instrument SPHERE sur le Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral.

PHOTOGRAPHIE DE M. Kornmesser

De nombreux astronomes ont pensé que ce phénomène était un signe annonciateur d’une explosion imminente. Les scientifiques estimaient alors qu’il s’agissait d’un nuage de poussière d’étoile, produit par le refroidissement d’un rejet de substances engendré par le mouvement de contraction et de dilatation des énormes cellules qui recouvrent l’étoile, d'une taille à peu près équivalente à la distance Terre-Mars. C’est d’ailleurs ce mouvement qui est responsable d’un changement de luminosité plus courant chez la supergéante rouge. 

Les scientifiques estimaient alors majoritairement que l’étoile n’était pas sur le point d’exploser. « La plupart des gens pensent que Bételgeuse est dans la phase de fusion de l’hélium, bien avant l’explosion », souligne le Professeur émérite Hideyuki Saio de l’Université de Tohoku au Japon, et membre de l’Union Astronomique International. Dans son travail aux côtés du Dr. Sylvia Ekstöm, du Pr. Georges Meynet, ainsi que du doctorant Devesh Nandal de l’Université de Genève sur la compréhension des cycles de fin de vie de cette supergéante rouge, il interroge à nouveau le caractère imminent de la mort de l’étoile.

 

POURRIONS-NOUS ASSISTER À UNE SUPERNOVA ?

Aujourd’hui 142 % plus lumineuse qu’en temps normal, Bételgeuse a des variations lumineuses qui sont observées depuis plus d’un siècle, sur la base de fluctuations tous les « 2 200, 420, 230 et 185 jours », explique Hideyuki Saio. Cela « suppose que l’éjection de masse [la poussière qui a caché l’étoile pendant quelques mois en 2020, période appelée "grand obscurcissement"], pourrait être déclenchée par une interférence constructive entre la pulsation de 2 200 jours et les pulsations à plus courte période ». Il interroge ainsi les origines et la signification des grandes gradations similaires qui se sont produites auparavant.

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    « Nous avons combiné l’analyse de la période de pulsation et les modèles d’évolution stellaire des étoiles massives », explique-t-il. L’astrophysicien explique qu’il existe différents modes de pulsation dans une étoile. Il existe un « mode de pulsation radiale fondamental [lequel définit] des étoiles dont la totalité de l’enveloppe stellaire pulse de manière synchrone », et un « mode harmonique, au cours duquel la moitié intérieure [de l’étoile] se dilate, tandis que la moitié externe se contracte et inversement ». « La différence la plus importante entre notre étude et les études précédentes », précise le Pr. Saio, « est que nous identifions la période de 2 200 jours comme le mode radial fondamental, tandis que la période de 420 jours avait été identifiée comme le mode fondamental dans les études précédentes ».

    Ces phases sont plus ou moins longues en fonction de leur fractionnement, mais aussi du rayon moyen des étoiles. Plus une étoile de ce type est grande, plus les changements de modes sont longs. Or, des changements rapprochés indiquent un avancement vers une phase finale. En considérant la taille de Bételgeuse, les scientifiques supposent que « le cœur de l’étoile doit se trouver à l’étape finale de fusion du carbone et non plus de l’hélium », d’autant plus que la lumière qui nous parvient de la supergéante rouge a mis 700 ans pour nous parvenir. « Nos modèles prédisent que la fraction massique de carbone restante au centre serait inférieure à 0,17 ». 

    La supernova de Kepler observée au sein de notre galaxie au courant du dernier millénaire a été visible depuis la Terre en 1604 pendant près de 18 mois, pareille à une lumière de pleine lune. La date de l'explosion de Bételgeuse est aujourd'hui plus incertaine que jamais, dans la mesure où elle aurait passé un stade critique. Après quoi, en quelques « décennies », le merveilleux spectacle d'une supernova pourrait s'offrir à nous.

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