Découverte d'une candidate super-Terre potentiellement habitable
À seulement dix-huit années-lumière de la Terre, des scientifiques ont identifié GJ 251 c, une exoplanète située dans la zone habitable de son étoile.

Dans cette vision d'artiste, une exoplanète orbite autour une étoile semblable à notre Soleil. Le télescope spatial James Webb analysera la structure et la composition atmosphérique des exoplanètes à un niveau de détail sans précédent, dans l'espoir de trouver les caractéristiques d'une planète habitable.
Les scientifiques soupçonnent l’existence de mondes orbitant autour d'autres étoiles semblables au Soleil depuis des siècles, mais il a fallu attendre 1995 et la découverte de 51 Pegasi b par les astronomes suisses Michel Mayor et Didier Queloz, pour en obtenir la première preuve. Une révolution pour l'astrophysique moderne. Depuis, près de 6 000 exoplanètes ont été confirmées et environ 8 000 autres attendent d'être vérifiées. D’ici une dizaine d’années, les astronomes estiment que nous pourrions en connaître jusqu’à 100 000. Les études suggèrent qu’il existe au moins autant de planètes que d’étoiles dans la Voie lactée, soit plusieurs centaines de milliards de mondes potentiels.
Les exoplanètes, situées en dehors du système solaire, obéissent aux mêmes lois physiques que la Terre. Elles se déclinent en quatre catégories : Neptunes chauds, Jupiters chauds, super-Terres ou terres jumelles. La plupart sont des géantes brûlantes ou des mondes calcinés, inhospitaliers. Mais GJ 251 c, dont l'existence a été publiquement annoncée le 23 octobre 2025 dans The Astronomical Journal, sort du lot. Cette planète située à environ 18 années-lumière de nous pourrait être une super-Terre potentiellement habitable, placée dans une configuration idéale pour l’imagerie directe. Une découverte qui relance une grande et vieille question : sommes-nous seuls dans l’univers ?
« Y’A-T-IL QUELQU’UN ? »
Pour comprendre GJ 251 c, il faut d’abord s’intéresser à son étoile. GJ 251 (ou Gliese 251) est une naine rouge, le type d’étoile le plus répandu dans la Voie lactée. Plus petite, plus froide et plus faible que notre Soleil, sa longévité se compte en milliers de milliards d’années, bien au-delà des dix milliards d’années du nôtre. Le système compte deux exoplanètes : GJ 251 b, qui boucle son orbite en quatorze jours, et GJ 251 c, en cinquante-quatre jours.
Anne-Marie Lagrange, directrice de recherche au CNRS et astrophysicienne, fait partie de l’équipe qui a obtenu les toutes premières images d’exoplanètes il y a vingt ans. Pour National Geographic, elle revient sur les enjeux de cette découverte.
Si GJ 251 c suscite autant d’intérêt, explique-t-elle, c’est parce qu’elle se situe dans la zone habitable de son étoile, parfois surnommée la Zone Boucles d’Or. Une région ni trop chaude ni trop froide, où une planète rocheuse pourrait, théoriquement, maintenir de l’eau liquide en surface. « Imaginez une pelure d’orange. C’est une toute petite région de l’étoile. Et elle est importante parce que […] l’eau est vraiment considérée comme absolument indispensable pour l’émergence de la vie », souligne la chercheuse.
Mais être dans cette zone ne suffit pas à faire émerger la vie. « Même si une planète est située dans cette zone, cela ne veut pas dire qu’elle est habitée. Cela veut dire qu'une condition nécessaire [est observable] », mais loin d’être suffisante. Interrogée sur les signes qui permettraient d’identifier une planète habitable, l'astrophysicienne reste prudente. « Il n’y a pas une réponse simple. Probablement, il faudra de l’eau, de l’oxygène, de l’ozone. Mais ce n’est pas suffisant », insiste-t-elle. La recherche de biosignatures reste un domaine complexe. « Il faut tout un ensemble de détections [de molécules], de non-détections aussi, pour se convaincre qu’on a vraiment des signes de vie ».
Afin d'évaluer le potentiel d’habitabilité d’une planète, les astronomes cherchent avant tout à connaître la composition de son atmosphère. « En connaissant l’atmosphère des exoplanètes, on pense qu’on sera un jour capable de dire : il y a peut-être de la vie ou il y a probablement de la vie sur une planète. Mais on n’y est pas encore », rappelle Anne-Marie Lagrange.
Pour analyser la composition atmosphérique de ces mondes lointains, les scientifiques étudient la lumière, grâce à deux techniques principales : la méthode des transits, quand la planète passe devant son étoile, et l’imagerie directe couplée à la spectroscopie, particulièrement prometteuse pour les petites planètes. « Quand on fait de l’imagerie, on sépare l’étoile et la planète : on obtient deux sources lumineuses et on peut directement disperser la lumière de la planète [pour] l'analyser », explique-t-elle.
LA CANDIDATE IDÉALE POUR DE FUTURES OBSERVATIONS
« En imagerie, nous avons déjà fait de la spectroscopie il y a vingt ans sur des exoplanètes très massives. Le défi, maintenant, c’est de réussir à le faire pour des planètes situées dans la zone habitable, comme les super-Terres ou les planètes de type terrestre. Ça, nous n'en sommes pas encore capables », poursuit la chercheuse.
À ce titre, GJ 251 c se distingue. Sa proximité en fait une candidate idéale pour tenter, dans un avenir proche, la première spectroscopie en imagerie directe d’une planète potentiellement habitable. Située à seulement dix-huit années-lumière, elle est suffisamment proche pour que les futurs instruments d'observation puissent distinguer sa lumière de celle de son étoile. « Les exoplanètes sont très peu lumineuses par rapport aux étoiles et, angulairement, très proches dans le ciel. Donc, il faut être capable de [séparer] l’étoile et la planète », rappelle Anne-Marie Lagrange.
Les prochains grands télescopes devraient enfin permettre d’étudier en détail des super-Terres dans la zone habitable. L’ELT (Extremely Large Telescope), un télescope européen de 40 mètres en construction au Chili, est aujourd’hui le plus avancé « à la fois dans sa construction et dans celle des instruments », précise la chercheuse. D’autres projets suivront, comme le télescope Ariel de l’ESA et le Habitable Worlds Observatory de la NASA, tous deux consacrés à l’étude des atmosphères planétaires.

Des rayons laser jaillissent du Très Grand Télescope de l'Observatoire européen austral, dans le désert d'Atacama (Chili). Ils créent des étoiles guides artificielles, qui servent à corriger les distorsion dues aux turbulences atmosphériques. Ce télescope est l'une des rares infrastructures capables de capter des exoplanètes géantes en lumière directe.
UNE DÉCOUVERTE INCERTAINE MAIS PROMETTEUSE
GJ 251 c a été détectée grâce à la méthode des vitesses radiales, qui consiste à observer les mouvements de son étoile. « Quand vous avez une étoile et une planète, on sait que la planète tourne autour de l’étoile, mais en fait, l’étoile bouge aussi un petit peu. […] Et si l'orientation de l'orbite de la planète est favorable, on peut observer de petites variations de vitesse de l’étoile par rapport à l’observateur », explique Anne-Marie Lagrange. Cette technique, utilisée pour la découverte de 51 Pegasi b, permet de déterminer l’orbite d’une planète mais ne fournit que sa masse minimale.
Dans le cas de GJ 251 c, l’étude estime une masse d’au moins 3,8 fois celle de la Terre, « mais ça pourrait être beaucoup plus », souligne l'astrophysicienne. À partir de cette valeur minimale, les chercheurs en ont déduit qu’elle pourrait appartenir à la catégorie des super-Terres rocheuses, absentes de notre Système solaire. Mais sans masse réelle et sans image directe, sa nature demeure encore incertaine.
« En vingt ans, c’est absolument incroyable tout ce qu’on a détecté. […] Ce n’est pas tant le nombre de planètes découvertes qui est important, mais le fait qu’on a trouvé des mondes dont on n’envisageait même pas l’existence. On a trouvé des tas de sortes de planètes qui n'ont pas d'équivalent dans le système solaire », s’enthousiasme Anne-Marie Lagrange. L'étude des exoplanètes éclaire la formation des systèmes planétaires mais pourrait également jouer un rôle clé dans la recherche de vie ailleurs.
Dans cette quête, « on a tendance à essayer de calquer un peu ce qu’on connaît, et c’est normal », relève la chercheuse, mais la découverte de mondes très différents de la Terre montre que « la recherche de vie pourrait être encore plus diverse que ce que nous sommes capables d'imaginer ».
Ainsi, la question aujourd’hui n’est plus vraiment de savoir si nous sommes seuls dans l’univers, mais plutôt de déterminer à quel moment une autre forme de vie se révélera à nous.