L’exoplanète K2-18b pourrait abriter des formes de vie extraterrestre

De nouvelles observations ont révélé la présence de molécules carbonées, comme le méthane et le dioxyde de carbone. L’abondance de ces gaz et l’absence d’ammoniaque pourraient être des indices de la présence d’un océan sous l’atmosphère de l’exoplanète.

De Joe Pappalardo
Publication 19 sept. 2023, 15:22 CEST
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Voici à quoi pourrait ressembler l’exoplanète K2-18b selon les données scientifiques disponibles. De nouvelles observations ont révélé la présence de molécules carbonées, telles que le méthane et le dioxyde de carbone. L’abondance de ces gaz et l’absence d’ammoniaque pourraient être des indices de la présence d’un océan sous l’atmosphère de l’exoplanète.

PHOTOGRAPHIE DE Illustration by NASA, CSA, ESA, J. Olmsted (STScI), Science: N. Madhusudhan (Cambridge University)

Les observations récentes réalisées par le télescope spatial James Webb ont permis d’obtenir de nouveaux éléments sur l’atmosphère d’une planète éloignée appelée K2-18b. Après analyse, une équipe européenne de chercheurs a pu confirmer que celle-ci était composée de méthane et de dioxyde de carbone en quantité, mais de très peu d’ammoniaque, ce qui laisse penser que K2-18b pourrait être un type de planète océanique.

Cette exoplanète se trouve à une distance correcte de son étoile pour que la vie y soit possible. Et selon une nouvelle analyse, son atmosphère contiendrait un autre composé produit par les formes de vie sur Terre, le sulfure de diméthyle. Des observations plus poussées seront nécessaires pour déterminer si sa présence est bien avérée. Si tel est le cas, il faudra ensuite exclure que le gaz n’est pas produit par des sources non vivantes.

Même si K2-18b n’abrite pas la vie, elle nous ouvre les yeux sur une toute nouvelle catégorie de planètes plus grosses que la Terre, mais plus petites que Neptune. Nikku Madhusudhan, astronome à l’université de Cambridge et auteur principal de l’étude qui a annoncé les résultats de l’analyse, théorisait jusqu’alors que de telles planètes pouvaient abriter des océans liquides sous leur atmosphère.

Il se rappelle avoir vu les données indiquant la présence d’hydrogène et celles encore plus révélatrices de la présence de méthane et de l’absence d’ammoniaque. D’après l’étude, une planète de la taille de K2-18b ne pourrait afficher un tel ratio de gaz que si son atmosphère interagit avec de l’eau en surface.

« Cela fait 10 ans que nous cherchons du méthane dans ces atmosphères à basse température et nous l’avons trouvé au premier passage. C’était une véritable victoire », raconte-t-il.

C’est en 2021 que l’astronome a trouvé le nom pour désigner ces planètes océans : les planètes hycéennes (contraction des termes « hydrogène » et « océan »). En plus de constituer un type de planètes qui n’existe pas dans le système solaire, celles-ci sont pragmatiques à étudier : en raison de leur taille supérieure aux planètes rocheuses, les télescopes spatiaux peuvent les mesurer plus facilement avec des capteurs à distance.

Le télescope James Webb a scanné la planète lors de deux transits de 2 heures et demie face à son étoile hôte en janvier et avril dernier. Les instruments à bord ont analysé la lumière de l’étoile traversant l’atmosphère de la planète, donnant ainsi aux astronomes des indices spectraux qui ont pu être utilisés pour identifier les gaz présents.

Le télescope, qui aura coûté 10 milliards de dollars (9,37 milliards d’euros) s’avère être un outil précieux d’étude des planètes éloignées pour les chercheurs. D’après Nikku Madhusudhan, l’observation d’un transit de cinq heures avec celui-ci permet d’obtenir plus de données que huit observations combinées avec le télescope spatial Hubble (des années de travail seraient alors nécessaires). « C’est révolutionnaire », confie l’astronome.

 

À LA RECHERCHE DE FORMES DE VIE

Il existe deux grandes écoles de pensée chez ceux qui recherchent des formes de vie extraterrestre sur les exoplanètes : ceux qui s’attendent à en trouver sur une planète rocheuse comme la Terre et ceux qui veulent étudier les planètes abritant des océans.

Si la nouvelle étude offre des indices majeurs sur des planètes océaniques où la vie serait possible, le télescope James Webb s’intéresse aussi aux planètes rocheuses. Plus tôt cette année, il a ainsi observé les planètes proches TRAPPIST-1b et TRAPPIST-1c, de la taille de la Terre, et a révélé qu’elles sont probablement composées de roche nue sans atmosphères protectrices composées de CO2, ce qui rend la vie improbable. Les conclusions suggèrent que les planètes rocheuses comme celles-ci, qui gravitent autour d’un type d’étoile naine froide connue pour dégager des flammes, ne constituent pas un environnement adapté pour les organismes vivants.

« C’est incroyable de pouvoir mesurer ça », explique Laura Kreidberg, chercheuse à l’Institut d’astronomie Max Planck et une des scientifiques qui a étudié le système TRAPPIST-1. « Nous nous demandons depuis des décennies si les planètes rocheuses peuvent maintenir des atmosphères. Grâce au télescope James Webb, nous pouvons enfin comparer les systèmes exoplanétaires à notre système solaire comme jamais auparavant », ajoute-t-elle.

Bien que cette nouvelle étude renforce l’idée de l’existence de planètes hycéennes, il ne faut pas pour autant écarter les autres hypothèses. Les mêmes données collectées par le télescope peuvent donner des résultats légèrement différents selon la manière dont l’analyse a été effectuée, ce que les scientifiques appellent parfois « pipeline d’analyse des données ».

Comprendre : les exoplanètes

« Il a déjà été démontré que les abondances détectées par le télescope James Webb pouvaient grandement dépendre du pipeline », explique Sarah Hörst, planétologue à l’université John Hopkins qui se spécialise dans la chimie atmosphérique et n’a pas pris part à l’étude. « Les calculs nécessaires pour confirmer cela sont très sensibles aux quantités de diverses molécules présentes dans l’atmosphère », précise-t-elle.

Nikku Madhusudhan convient qu'il faudra des études supplémentaires pour valider les résultats. Il ajoute qu’une équipe du Jet Propulsion Laboratory de la NASA a prévu de scanner la planète avec le télescope cette année pour collecter davantage de données. « C’est un processus long, mais passionnant, qui débute », annonce l’astronome.

 

SEULS DANS L’UNIVERS ? 

L’eau étant à la base de la vie sur Terre, les planètes qui en abritent en quantité, à l’instar de K2-18b, sont d’excellentes candidates pour la recherche de formes de vie extraterrestre. La prudence est toutefois de mise, car ce n’est pas parce qu’une planète présente un océan liquide et une atmosphère carbonée qu’elle abrite des organismes. Sa taille et les températures qui y règnent doivent être adéquates, et elle doit se trouver dans la « zone habitable », c’est-à-dire à une distance idéale de son soleil.

K2-18b gravite autour d’une naine froide dans la constellation du lion, une zone dans l’espace qui coche toutes les cases de la zone habitable. Mais sa taille (elle fait 8,6 fois celle de la Terre) pourrait être défavorable à la vie. Son noyau de glace pourrait être enveloppé dans une atmosphère et un océan peu denses, si bien que l’eau liquide s’évapore dans l’espace, empêchant ainsi possiblement à toute forme de vie de se développer.

Les données collectées par le télescope James Webb révèlent aussi autre chose : la possible présence d’une molécule appelée sulfure de diméthyle. Composant l’atmosphère terrestre, elle est produite par des essaims de phytoplanctons dans les océans. 

Aussi palpitante soit l’éventuelle présence de cette molécule sur une autre planète, le chemin est encore long avant que les scientifiques ne puissent la confirmer pour de bon. « Les preuves ne sont pas manifestes », souligne Sarah Hörst.

L’équipe de Nikku Madhusudhan, composée de six chercheurs, a prévu en début d’année prochaine d’utiliser le MIRI (Mid-InfraRed Instrument), un spectrographe optimisé pour la détection du sulfure de diméthyle afin de confirmer ou non sa présence dans l’atmosphère de l’exoplanète. « Redemandez-moi l’année prochaine à la même période », déclare l’astronome au sujet de la date éventuelle de publication des résultats obtenus avec le MIRI.

Sur Terre, seule la vie océanique est connue pour produire des molécules de sulfure de diméthyle. Mais sur une planète comme K2-18b, les conditions pourraient être idéales pour les sources abiotiques et non vivantes. « Notre compréhension des éléments chimiques contenant du sulfure repose en grande partie sur ce que nous connaissons sur Terre et Vénus, dont les atmosphères sont très différentes de celle d’une atmosphère riche en hydrogène [comme sur K2-18b] », explique Sarah Hörst. « Des calculs et des mesures en laboratoire supplémentaires sont nécessaires pour comprendre de quelles manières le sulfure de diméthyle peut être créé et détruit dans une atmosphère ».

S’il s’avère que du sulfure de diméthyle est bien présent sur K2-18b, « les théoriciens pourront entrer en action », annonce Nikku Madhusudhan. Ils auront alors pour mission de réaliser un nombre incalculable de simulations de la chimie de la planète au cours de sa durée de vie, pour tenter d’identifier tout processus possible de création des signatures chimiques détectées par le télescope James Webb en l’absence de formes de vie. « Nous n’avons pas à prouver qu’il s’agit d’un biomarqueur, car ça en est un sur Terre », confie l’astronome. Ce n’est qu’une fois qu’aucune autre explication n’aura été trouvée que l’on pourra affirmer que l’exoplanète abrite bien un océan.

On s’imagine souvent que c’est la découverte d’un fossile martien, la réception d’une transmission interstellaire ou même une visite extraterrestre confirmée sur la pelouse de la Maison-Blanche qui prouvera l’existence d’une forme de vie extraterrestre. Mais en réalité, c’est plutôt un analyste assis seul face à son écran d’ordinateur et réalisant des modélisations complexes en chimie organique qui révèlera à l’humanité que nous ne sommes pas seuls dans l’Univers.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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