L'accueil des migrants et réfugiés en France et en Europe

Si l'accueil des migrants fuyant la guerre et la violence reste une question clivante en France, des solutions positives existent, initiées par les citoyens et les associations.

De Romy Roynard
Publication 9 nov. 2017, 02:06 CET
Une petite fille se régale d'une sucette tout en observant le camp de réfugiés de Domiz, ...
Une petite fille se régale d'une sucette tout en observant le camp de réfugiés de Domiz, en Iraq.
PHOTOGRAPHIE DE Ed Kashi

Nichée dans le nord de la Grèce à la frontière avec la Macédoine, la petite ville d'Idomeni est devenue une étape courante pour les réfugiés fuyant les crises qui frappent leurs pays d’origine, sur la route migratoire en direction de l’Autriche ou de l’Allemagne surnommée la « route des Balkans ». Autrefois point de transit rapide, l’endroit est devenu début 2016 un véritable embouteillage, comme le montrait le photo-reportage de Davide Monteleone publié par National Geographic.

Ces villes « pivots » ce sont multipliées en Europe, dans les Balkans et en Méditerranée surtout. L'Europe a dû faire face à l'une des plus importantes crises migratoires de son histoire contemporaine, et ses frontières se sont refermées. Les migrants et réfugiés demandant à être accueillis en Europe arrivent par la mer ou les Balkans depuis l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Asie du Sud - majoritairement depuis la Syrie, l'Érythrée et l'Afghanistan. La question de l'accueil du nombre de réfugiés syriens ayant transité en Turquie et au Liban a provoqué en 2015 et 2016 des tensions diplomatiques entre les différents pays membres de l'Union européenne.

On compte aujourd'hui 21 millions de personnes réfugiées dans le monde, dont 86 % sont accueillies par des pays en développement. Aujourd'hui un habitant sur quatre au Liban est un réfugié syrien. C'est bien plus qu'en Allemagne où on dénombre 74 réfugiés pour 10 000 habitants, et en France où on ne compte qu'1,51 réfugié pour 10 000 habitants selon des chiffres rapportés par le journal Le Monde.

Cette jeune fille fait partie des 1 500 réfugiés désespérés partis du camp innondé d'Idomeni en Grèce à la recherche d'une route alternative pour traverser la frontière fermée de l'Ex-République yougoslave de Macédoine.
Photo Davide Monteleone, National Geographic

Beaucoup de Syriens arrivant en Europe espéraient pouvoir gagner la Suède, qui s'était dite prête à accorder l'asile à tout réfugié syrien avant de progressivement rétablir ses frontières. Mais les réfugiés de guerre traversant la Méditerranée foulent d'abord le sol italien. En vertu du règlement du Parlement européen et du Conseil européen n°604-2013 du 26 juin 2013 dit « Dublin III », ils doivent rester dans le premier pays européen traversé ou leur ayant délivré un visa. Coincés à la frontière, ces hommes, ces femmes et ces enfants doivent attendre la délivrance de leur titre de séjour ou risquer de passer dans les autres pays européens clandestinement. Dans le cadre de la crise migratoire actuelle, la politique d'asile définie par les accords de Dublin III fait l'objet de nombreux débats au sein de l'Union européenne ; la mise en place de quotas de répartition obligatoire a été étudiée puis abandonnée en septembre 2016.

La situation est bien souvent dramatique et les recours sont peu nombreux pour les migrants ayant survécu à la traversée. Qusay Loubani, un réfugié de 29 ans, a fui la Syrie avec sa femme. Il est resté plusieurs semaines à Idomeni. Contacté au camp le 25 mars 2016 par Davide Monteleone pour National Geographic, il mentionnait la présence « d’hommes qui tentaient de s’immoler devant la frontière. » La santé physique des réfugiés est globalement prise en charge par les pays d’accueil, mais un récent rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) rappelle la nécessité de tenir aussi compte des blessures psychologiques, plus difficiles à cerner. 

Si les États européens ou les collectivités locales n'ont pas tous accueilli les migrants et demandeurs d'asile, on compte de nombreux exemples de solutions d'accueil, initiatives des États ou des citoyens eux-mêmes.

 

ITALIE

Village de Camini, dans la région de Calabre en Italie. Des jeunes Sénégalais ayant fui la peur et la violence ont trouvé à Camini la quiétude qui leur faisait défaut. Dans ce village déserté par sa jeunesse, les migrants et réfugiés apportent leur aide, travaillent à la reconstruction des bâtiments en ruine. Ils apprennent l'italien, participent aux fêtes de village et parfois même à la vie de famille des Calabrais comme en témoigne Cosmano, qui a passé toute sa vie à Camini. Aux côtés des migrants réfugiés, cet ouvrier restaure le village pour pouvoir accueillir les nouveaux arrivants, et s'est pris d'affection pour Assan, un jeune Sénégalais.

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    L'accueil des migrants à Camini, Italie

    PAYS-BAS

    Dans le cadre d'un reportage pour National Geographic, Muhammed Muheisen a posé son trépied et ses objectifs aux Pays-Bas, pays dans lequel les migrants sont généralement bien accueillis et où le taux de criminalité était au plus bas. La baisse d'occupation des prisons du pays a poussé le gouvernement hollandais à chercher d'autres utilisations des cellules. Elles ont donc été proposées à des migrants. Plus de 600 migrants ont ainsi trouvé refuge dans la prison amstellodamienne de Bijlmerbajes. Des lits, des repas chaud et un toit temporaires, le temps que leur titre de séjour soit délivré et qu'ils soient placés dans de vraies maisons et que des offres d'emploi leur soient faites.

    Pendant un an, Muheisen a fait des allers-retours réguliers à la prison de Bijlmerbajes pour documenter la vie de famille dans ce milieu singulier. Les moments de doute, de jeux innocents et d'impatience ont été immortalisés. La seule chose qui n'avait l'air de déranger aucun d'entre eux était le lieu lui-même. « On s'en fiche, » lui a répondu une femme installée dans la prison. « L'important c'est que nous soyons en sécurité. »

    ALLEMAGNE

    Lorsque Angela Merkel a une tenu à Berlin une conférence de presse le 31 août 2015, elle a souligné que la Constitution allemande garantissait le droit à l’asile politique, et en a rappelé l’article 1 : « La dignité de l’être humain est inviolable. » Les images des Allemands accueillant les réfugiés avec des vivres et des accolades ont fait le tour du monde. « L’Allemagne est un pays fort, a ajouté Merkel. Nous avons beaucoup accompli. Nous y arriverons ! » (« Wir schaffen das ! »). La délivrance des droits d’asile en Allemagne, premier pays d'accueil de la zone euro en 2016, peut par ailleurs s’expliquer par le besoin urgent qu'avait le pays vieillissant en main-d’œuvre, notamment dans les secteurs de l’industrie ou de l’hôtellerie. En Allemagne, personne n'était vraiment préparé à l'arrivée massive de 1.1 million de migrants en 2015. Les citoyen, les réseaux associatifs et les collectivités locales se sont organisés. Anselm Sprandel, coordinateur des réfugiés à Hambourg, explique que, faute de mieux, des solutions d'urgence avaient été trouvées et les migrants avaient été logés dans des magasins de bricolage ayant fait faillite, dans des modules empilables constitués de conteneurs maritimes et des tentes chauffées.

    Comme le rapportait Robert Kunzig dans un reportage pour National Geographicles réfugiés font dorénavant partie du paysage des rues de la ville de Rotenburg. On les voit monter péniblement vers la base militaire en poussant vieux vélos et poussettes. En plus du gîte et du couvert, des dons de vêtements et d’autres avantages en nature, ils perçoivent des indemnités pouvant atteindre 112 euros par adulte et 63 euros par enfant et par mois. Ils participent à la vie de la ville et sont globalement considérés par les commerçants comme "un atout économique". 

    FRANCE

    Un an après le climax de la crise des migrants vers l'Europe et les tentatives d'instauration de quotas d'accueil obligatoire, la question de leur accueil en France reste complexe et clivante. Les migrants seraient plus de 60 000 à être logés dans différents centres d'accueil dont le récent centre construit à Paris Porte de la Chapelle. L'aide apportée aux migrants expose parfois les âmes les plus généreuses à la justice, comme Cédric Herrou, récemment condamné pour avoir aidé près de 200 migrants à traverser la frontière italienne par la vallée de la Roya. 

    La solidarité s'est organisée par d'autres biais. Les ONG se sont relayées pour venir en aide aux réfugiés partout en France, et notamment dans la jungle de Calais, démantelée depuis. Les migrants y vivaient dans des conditions d’hygiène déplorables. Le manque d'eau avait favorisé les épidémies et les violences au sein du camp, comme l'a rapporté Médecins du Monde.

    Des associations se sont par ailleurs créées et organisées pour proposer aux personnes volontaires d'accueillir chez elles des demandeurs d'asile. C'est le cas de Réfugiés bienvenus, qui met en relation les demandeurs d'asile et les familles d'accueil, s'assurant que la personne hébergée est réellement dans le besoin et que sa demande d'asile a bien été déposée. L'hébergement se fait à titre gracieux. En retour, la personne hébergée participe aux tâches ménagères. 

    D'aucuns considèrent que l’Europe est sur le point de s’effondrer sous la pression des nationalismes. Pourtant les solutions positives existent et les migrants peuvent être accueillis avec dignité et respect le temps que leur demande d'asile soit traitée. Appliquées à l'échelle européenne, les initiatives citoyennes ou locales pourraient permettre de rassurer les populations inquiètes et d'apporter une certaine accalmie sur cette question particulièrement complexe.

    L'Union européenne a débloqué un budget de 7 milliards d'euros pour la période 2014-2020 pour venir en aide aux États membres accueillant des réfugiés. Une partie de cet argent sert à soulager les pays de transit comme la Grèce et l'Italie, à organiser le réseau d'aide humanitaire et à démanteler les réseaux de passeurs. Dans un rapport récent, la Commission européenne annonce sa volonté de simplifier et harmoniser le régime d'asile. Pour Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, « nous commençons à percevoir une certaine solidarité [dans la gestion de la crise des réfugiés]. J’ai la conviction qu’une solidarité beaucoup plus grande est nécessaire. Mais je sais aussi que la solidarité est un acte volontaire. Elle doit venir du cœur. Elle ne peut pas être imposée. »

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