L'héritage surprenant des Cananéens, mystérieux peuple de l'âge du bronze

Une nouvelle étude ADN révèle que le patrimoine génétique des Cananéens est encore présent dans les civilisations arabes et juives.

De Andrew Lawler
Publication 29 mai 2020, 19:44 CEST
Tel Megiddo était une importante cité-Etat cananéenne pendant l'âge du bronze. De nouvelles analyses ADN révèle que ...

Tel Megiddo était une importante cité-Etat cananéenne pendant l'âge du bronze. De nouvelles analyses ADN révèle que la population de la ville comprenait des migrants des montagnes du Caucase.

PHOTOGRAPHIE DE Megiddo Expedition

Ils sont connus comme le peuple ayant vécu dans le « pays où coulent le lait et le miel » jusqu'à ce qu'ils soient vaincus par les anciens Israélites et disparaissent. Un nouveau rapport scientifique révèle cependant que le patrimoine génétique des Cananéens survit chez les civilisations arabes et juives modernes.

L'étude, publiée dans Cell montre également que les migrants des lointaines montagnes du Caucase se sont mêlés aux populations natives pour forger la singulière culture cananéenne qui a dominé la région entre l'Égypte et la Mésopotamie pendant l'âge du bronze (environ 3 000 avant J.-C. à 1 200 avant J.-C.).

L'équipe a extrait de l'ADN des ossements de 73 individus mis au jour sur cinq sites cananéens disséminés à travers Israël et la Jordanie sur une période de 1500 ans. Ils ont également pris en compte les analyses de 20 individus supplémentaires issus de quatre sites précédemment signalés.

« Les individus de tous les sites sont très similaires sur le plan génétique », explique le co-auteur et évolutionniste moléculaire Liran Carmel, de l'Université hébraïque de Jérusalem. Ainsi, alors que les Cananéens vivaient dans des cités-États éloignées et ne se sont jamais fondus en un empire, ils partageaient des gènes ainsi qu'une culture commune.

Les chercheurs ont également comparé l'ADN ancien à celui des populations modernes et ont constaté que la plupart des groupes arabes et juifs de la région devaient plus de la moitié de leur ADN aux Cananéens et à d'autres peuples qui habitaient l'ancien Proche-Orient - une zone englobant une grande partie du Levant moderne, le Caucase et l'Iran.

Un archéologue déterre le crâne d'un habitant de Sidon, un port cananéen autrefois prospère sur la côte du Liban. Cet individu a vécu vers 1 800 avant J.-C.

PHOTOGRAPHIE DE Mahmoud Zayat, AFP, Getty

L'étude - fruit d'une collaboration entre le laboratoire de Carmel, l'ancien laboratoire d'ADN à l'Université de Harvard dirigé par le généticien David Reich, et d'autres groupes - était de loin la plus grande du genre menée dans la région. Ses conclusions sont les dernières d'une série de percées récentes dans notre compréhension de ce peuple mystérieux dont il ne reste que peu de traces écrites.

Marc Haber, généticien au Wellcome Trust's Sanger Institute à Hinxton, Royaume-Uni, a codirigé une étude datée de 2017 portant sur cinq individus cananéens de la ville côtière de Sidon. Les résultats ont montré que les Libanais modernes devaient plus de 90 % de leur ascendance génétique aux Cananéens.

 

« VOLEURS ET CANANÉENS »

Alors que les Égyptiens construisaient des pyramides et que les Mésopotamiens construisaient des ziggourats il y a environ 4 500 ans, les Cananéens ont commencé à développer des villes entre ces grandes puissances. Ils apparaissent pour la première fois dans les archives historiques vers 1 800 avant J.-C., lorsque le roi de la cité-Etat de Mari, dans l'est de la Syrie, s'est plaint des « voleurs et Cananéens ».

La correspondance diplomatique écrite cinq siècles plus tard mentionne plusieurs rois cananéens, qui luttaient pour conserver leur indépendance vis-à-vis de l'Égypte. « Le pays de Canaan est votre pays et ses rois sont vos serviteurs », a reconnu un monarque babylonien dans une lettre au pharaon égyptien Akhenaton .

Des textes bibliques, écrits plusieurs siècles plus tard, insistent sur le fait que Yahweh avait promis la terre de Canaan aux Israélites après leur fuite d'Egypte. Les écritures juives stipulent que les nouveaux arrivants ont finalement triomphé, mais les preuves archéologiques ne montrent pas une destruction généralisée des populations cananéennes. Au lieu de cela, ils semblent avoir été progressivement conquis par des envahisseurs ultérieurs, les Philistins, les Grecs et les Romains.

Les Cananéens parlaient une langue sémitique et ont longtemps été considérés comme issus de populations antérieures qui s'étaient établies dans la région des milliers d'années auparavant. Mais les archéologues se sont interrogés sur une poterie rouge et noire découverte sur les sites cananéens qui ressemble fortement à une céramique trouvée dans les montagnes du Caucase, à environ 1 200 km au nord-ouest. Les historiens ont également noté que de nombreux noms cananéens dérivent de l'hourrite, une langue non sémite du Caucase.

Difficile de dire si cela résulte du commerce en plein essor ou de flux migratoires. La nouvelle étude démontre qu'un nombre important de personnes, et pas seulement des marchandises, se déplaçaient dans les premières villes et premiers empires de l'humanité. Les gènes des individus cananéens se sont révélés être un mélange de personnes néolithiques locales et de migrants du Caucase, qui ont commencé à apparaître dans la région au début de l'âge du bronze.

Carmel ajoute que la migration semble avoir été plus qu'un événement ponctuel et « aurait pu impliquer plusieurs vagues migratoire tout au long de l'âge du bronze ».

Un frère et une sœur ayant vécu vers 1 500 avant J.-C. à Megiddo, dans ce qui est aujourd'hui le nord d'Israël, venaient ainsi d'une famille qui avait émigré relativement récemment du nord-est. L'équipe de chercheurs a également noté que les individus de deux sites côtiers - Ashkelon en Israël et Sidon au Liban - présentaient un peu plus de diversité génétique. Cela peut être le résultat de liens commerciaux plus larges dans les villes portuaires méditerranéennes.

Situé dans ce qui est maintenant le nord d'Israël, Tel Megiddo est également connu sous son nom grec, Armageddon.

PHOTOGRAPHIE DE Greg Girard, Nat Geo Image Collection

Glenn Schwartz, un archéologue de l'Université Johns Hopkins qui n'a pas pris part à l'étude, a déclaré que les données biologiques fournissaient un bon aperçu de la façon dont les Cananéens partageaient un nombre notable de gènes et de traits culturels. Et Haber a également noté que la quantité de résultats ADN collectés était particulièrement impressionnante, étant donné la difficulté d'extraire des échantillons d'ossements enfouis dans une région où la chaleur peut rapidement dégrader le matériel génétique.

 

QUI ÉTAIT LÀ LE PREMIER ?

Les politiciens israéliens et palestiniens affirment que la région d'Israël et les territoires palestiniens sont le foyer ancestral de leur peuple respectif, et affirment que l'autre groupe est, de fait, arrivé après. « Nous sommes les Cananéens », a affirmé l'an dernier le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. « Cette terre est pour ses habitants… qui étaient ici il y a 5 000 ans. » Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, quant à lui, a déclaré récemment que les ancêtres des Palestiniens modernes « venaient de la péninsule arabique en Terre d'Israël des milliers d'années » après les Israélites.

La nouvelle étude suggère qu'en dépit des changements tumultueux dans la région depuis l'âge du bronze, « les habitants actuels de la région sont, dans une large mesure, descendants de ses anciens habitants », conclut Schwartz - bien que Carmel ajoute qu'il existe des indices de changements démographiques ultérieurs.

Carmel espère étendre bientôt les résultats de cette étude en collectant l'ADN des restes d'individus qui peuvent être identifiés comme Judéens, Moabites, Ammonites et d'autres groupes mentionnés notamment dans la Bible.

« On pourrait analyser les ossements des "Cananéens" par opposition à ceux des "Israélites"», ajoute l'archéologue Mary Ellen Buck, qui a écrit un livre sur les Cananéens. « La Bible affirme qu'il s'agit de groupes distincts et antagonistes, mais il y a des raisons de croire qu'ils étaient très étroitement liés. »

 

Andrew Lawler est un journaliste et écrivain qui a couvert les excavations controversées menées sous Jérusalem et le mystère de la Colonie Perdue pour National Geographic.
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
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