Mussolini et l'ascension du mouvement fasciste en Italie

Cent ans après la Marche sur Rome qui permit à Benito Mussolini de s'emparer du pouvoir et d'initier une ère de violence et de guerre dans son pays, les souvenirs de ses actes hantent encore les esprits des Italiens.

De Erin Blakemore
Publication 18 oct. 2022, 17:18 CEST
Benito Mussolini prononce un discours en Italie. Connu pour son charisme et sa rhétorique persuasive, le futur ...

Benito Mussolini prononce un discours en Italie. Connu pour son charisme et sa rhétorique persuasive, le futur dictateur fasciste accéda au pouvoir dans un contexte de mécontentement croissant au début du 20e siècle.

PHOTOGRAPHIE DE NPL - DeA Picture Library, Bridgeman Images

En octobre 1922, une tempête s’abattit sur l’Italie. Le fascisme, un mouvement politique qui exploitait le mécontentement du peuple avec un puissant mélange de nationalisme, de populisme et de violence, ne tarda pas à engloutir cette nation déjà en difficulté, ainsi qu’une grande partie du monde.

Benito Mussolini, le chef du mouvement fasciste italien, avait rassemblé de nombreux partisans et commença à demander au gouvernement de lui céder le pouvoir.

« Nous arrivons au moment décisif où soit la flèche s’élancera, soit la corde de l’arc tendu se rompra ! », déclara-t-il dans un discours prononcé à l’occasion d’un rassemblement à Naples, le 24 octobre 1922. « Notre programme est simple. Nous voulons gouverner l’Italie. » Il annonça à ses partisans que si le gouvernement ne démissionnait pas, ils devraient marcher sur Rome. Quatre jours plus tard, c’est précisément ce qu’ils firent, semant le chaos sur leur passage. Mussolini s’empara du pouvoir.

Mussolini, entouré de partisans, entre dans Rome en octobre 1922. Quelques jours auparavant, le Duce avait ordonné à l'aile paramilitaire de son mouvement, connue sous le nom des chemises noires, de renverser le gouvernement.

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Profil de Benito Mussolini sur une affiche de propagande pour le livre Il primo libro del fascista, « Le premier livre du fasciste ».

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Né en 1883, Benito Amilcare Andrea Mussolini fonda le Parti national fasciste italien, en tirant parti d'un sentiment croissant de nationalisme et de populisme dans le pays.

PHOTOGRAPHIE DE Art Resource, NY

Aujourd’hui encore, le nom de Mussolini est souvent évoqué dans le pays comme celui d’un dictateur brutal ; pourtant, certains le vénèrent encore comme un héros. Mais comment arriva-t-il au pouvoir, et que se passa-t-il lors de cette marche fatidique qui renversa le gouvernement italien ?

 

LA CRÉATION DU FASCISME ITALIEN

Le fascisme entreprit de galvaniser un mouvement nationaliste déjà en pleine effervescence à travers l’Europe, et qui découlait de la Première Guerre mondiale et de la révolution russe de 1917, au cours de laquelle les socialistes russes renversèrent l’Empire russe.

En Italie, Mussolini ouvrit la voie à cette idéologie fasciste. Né le 29 juillet 1883 dans une petite ville du sud de l’Italie d’un père forgeron et d’une mère institutrice, il grandit avec les histoires de nationalisme et d’héroïsme politique racontées par son père socialiste. Timide et maladroit en société, son intransigeance et sa violence envers ses camarades de classe lui attirèrent des ennuis dès son plus jeune âge. Jeune adulte, il partit en Suisse où il devint un socialiste convaincu. Il finit par revenir en Italie et s’établit comme journaliste socialiste.

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    Mussolini prononce un discours dans le célèbre Colisée de Rome, en 1928.

    PHOTOGRAPHIE DE Andrea Jemolo, Bridgeman Images

    Rassemblement pour Mussolini à Bologne, en 1934.

    PHOTOGRAPHIE DE Andrea Jemolo, Bridgeman Images

    Lorsque la guerre éclata en Europe en 1914, l’Italie resta neutre. De son côté, Mussolini voulait voir son pays se joindre à la guerre : une volonté qui le fit expulser du Parti socialiste italien, qui s’opposait à une telle décision. Il créa alors son propre mouvement politique, baptisé les Fasci d’azione rivoluzionaria, ou Faisceaux d’action révolutionnaire, visant à encourager l’entrée en guerre. L’Italie finit par se joindre au conflit en 1915.

    Dans la Rome antique, le terme « faisceau » désignait une arme constituée d’un faisceau de baguettes de bois, entourant parfois une hache. Utilisé par les autorités romaines pour punir les malfaiteurs, le faisceau finit par symboliser l’autorité de l’État. Au 19e siècle, les Italiens commencèrent à utiliser ce mot pour désigner des groupes politiques liés entre eux par des objectifs communs.

    Mussolini était de plus en plus convaincu que la société devait s’organiser non pas en fonction de la classe sociale ou de l’affiliation politique, mais autour d’une forte identité nationale. Selon lui, seul un dictateur « impitoyable et dynamique » pouvait faire un « grand ménage » dans l’Italie et lui rendre sa promesse nationale.

     

    L’ASCENSION DU FASCISME

    Mussolini n’était pas seul. Au lendemain de la guerre, de nombreux Italiens se retrouvèrent déçus par le traité de Versailles, estimant que ce dernier, qui découpait le territoire des pays agresseurs, était une insulte envers l’Italie, ne lui accordant que trop peu de terres. Cette déception, qui fut qualifiée de « victoire mutilée », façonna l’avenir de l’Italie.

    En 1919, Mussolini fonda un mouvement paramilitaire qu’il appela les Faisceaux italiens de combat. Succédant aux Faisceaux d’action révolutionnaire, cette organisation visait à mobiliser des vétérans endurcis par la guerre qui seraient capables de rendre sa gloire à l’Italie.

    Mussolini espérait faire du mécontentement de la nation un succès politique mais, cette année-là, le jeune parti subit une défaite humiliante lors des élections parlementaires. Mussolini ne recueillit que 2 420 voix contre 1,8 million pour le Parti socialiste italien ; ses ennemis à Milan en furent ravis et organisèrent de fausses funérailles en son honneur.

    Ne se laissant pas décourager, l’homme commença à chercher à gagner d’autres groupes qui étaient en désaccord avec les socialistes : les industriels et les hommes d’affaires qui craignaient les grèves et les ralentissements, les propriétaires ruraux qui craignaient de perdre leurs terres, et les membres des partis politiques qui redoutaient la popularité croissante du socialisme.

    Les nouveaux et puissants alliés de Mussolini contribuèrent à financer l’aile paramilitaire de son mouvement, connue sous le nom de « chemises noires ». Bien qu’affirmant s’opposer à toute forme d’oppression et de censure, le groupe se fit rapidement connaître pour sa volonté d’utiliser la violence à des fins politiques.

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    Buste de Mussolini exposé à Predappio, en Italie, son lieu de naissance. La statue fait partie d'une exposition organisée pour commémorer le centenaire de la marche sur Rome, en octobre 1922.

    Droite: Fond:

    Mussolini régna sur l'Italie pendant vingt années qui furent marqués par une stricte limitation des droits civils ainsi que par des ambitions impérialistes.

    Photographies de Filippo Venturi

    Les chemises noires terrorisèrent les socialistes et les ennemis personnels de Mussolini dans tout le pays. L’année 1920 fut sanglante : les fascistes défilèrent dans les villes, battirent et tuèrent les dirigeants syndicaux, et prirent le contrôle des autorités locales. Le gouvernement italien, qui partageait l’inimitié des fascistes envers les socialistes, ne tenta pas d’endiguer cette violence.

     

    L’ASCENSION DE MUSSOLINI VERS LE POUVOIR

    Bien qu’en réalité, Mussolini ne contrôlait qu’une petite partie des membres de la milice, l’image dure de ces derniers contribua à asseoir sa réputation de dirigeant puissant et autoritaire, capable d’appuyer ses paroles par des actions violentes et décisives. Surnommé Il Duce, le Duc, il exerçait une très forte influence sur les Italiens, les séduisant par son charisme et sa rhétorique persuasive.

    Des Italiens célèbrent la chute du fascisme en arrachant et détruisant une statue de Benito Mussolini le 25 juillet 1943. Ce matin-là, le roi Victor-Emmanuel III destitua Mussolini de ses fonctions de chef d'État et le fit arrêter.

    PHOTOGRAPHIE DE Filippo Venturi
    Gauche: Supérieur:

    Feldman Berta, née à Odessa en 1913, est l'une des nombreuses victimes de Mussolini. Juive allemande, elle fut internée dans le camp de concentration de Lanciano, dans le centre de l'Italie, en 1940.

    Droite: Fond:

    Bukić Marco d'Andrea fut également victime de la brutalité de Mussolini. Il fut emprisonné à Città Sant'Angelo dans les Abruzzes, en Italie, en 1942.

    Photographies de Mattia Crochetti

    En 1921, Mussolini obtint un siège au Parlement et fut même invité à rejoindre le gouvernement de coalition par le président du Conseil des ministres, chef du gouvernement, Giovanni Giolitti. Celui-ci pensait que Mussolini mettrait ses chemises noires au pas une fois qu’il aurait une part du pouvoir politique.

    Giolitti avait mal jugé le futur dictateur, son intention étant plutôt d’utiliser ses chemises noires pour s’emparer du contrôle absolu. Fin 1921, il fit de son groupe le Parti national fasciste, transformant un mouvement d’environ 30 000 membres en 1920 en un parti politique fort de 320 000 membres. Bien qu’il déclara la guerre à l’État, le gouvernement italien fut incapable de dissoudre le parti et assista sans rien faire à la prise de contrôle de la majeure partie de l’Italie du Nord par les fascistes.

    À l’été 1922, Mussolini vit une ouverture. Les socialistes annoncèrent une grève qui, selon l’historien Ararat Gocmen, n’était « pas au nom de l’émancipation des travailleurs, mais était plutôt un appel désespéré à ce que l’État mette fin à la violence fasciste ». Mussolini fit passer cette grève comme une preuve de la faiblesse et de l’inefficacité du gouvernement. Ayant encore accueilli de nouveaux partisans souhaitant retrouver l’ordre dans leur pays, le chef du parti fasciste décida qu’il était temps de s’emparer enfin du pouvoir.

     

    LA MARCHE SUR ROME

    Le 25 octobre 1922, un jour après son rassemblement à Naples, Mussolini désigna quatre chefs de parti pour conduire les partisans dans la capitale. Mal entraînés et mal équipés, ces hommes auraient probablement perdu une bataille contre l’armée italienne, mais Mussolini comptait utiliser l’intimidation pour pousser le gouvernement à se soumettre.

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    Salle de bureau dans la Villa Carpena, également connue sous le nom de Villa Mussolini, qui fut la résidence de Benito Mussolini et de sa famille. Située à San Martino, la Villa est aujourd'hui un musée.

    Droite: Fond:

    Un partisan actuel du fascisme fait un salut militaire près de la crypte de la famille Mussolini dans le cimetière de San Cassiano, à Pennino.

    Photographies de Filippo Venturi

    Les bataillons fascistes devaient se rassembler à l’entrée de Rome. Si le président du Conseil des ministres ne donnait pas le pouvoir aux fascistes, et si le roi Victor-Emmanuel III ne reconnaissait pas l’autorité de Mussolini par la suite, ses hommes commenceraient à marcher dans la capitale et en prendraient le contrôle par la force.

    Articles en vente dans la boutique Tricolor de Predappio. Située dans la ville natale de Mussolini, la boutique est spécialisée dans la nostalgie fasciste, et notamment dans les bustes de Mussolini et autres souvenirs.

    PHOTOGRAPHIE DE Filippo Venturi

    Alors que Mussolini s’attardait à Milan, ses partisans se rassemblèrent. Ils semèrent le chaos sur leur passage, prenant le contrôle des bâtiments gouvernementaux des villes qu’ils traversaient dans leur trajet. Même si le parti exagérait constamment son nombre de membres, selon l’historienne Katy Hull, moins de 30 000 personnes rejoignirent la marche.

    Luigi Facta, alors président du Conseil des ministres, tenta de proclamer l’état de siège. Le roi, pensant que Mussolini pouvait apporter la stabilité, refusa de signer l’ordre qui aurait mobilisé les troupes italiennes contre les fascistes.

    En signe de protestation, Facta et son gouvernement démissionnèrent le matin du 28 octobre. Muni d’un télégramme du roi l’invitant à former son propre gouvernement, Mussolini entreprit un voyage tranquille de 14 heures de Milan jusqu’à Rome. Le 30 octobre, il devint à son tour président du Conseil des ministres, et ordonna à ses hommes de défiler devant la résidence du roi avant de quitter la ville.

     

    LA CHUTE DE MUSSOLINI

    Le roi, épuisé par la guerre mondiale et un état de quasi-guerre civile en Italie, pensait que Mussolini imposerait l’ordre. Cependant, en l’espace de trois ans, ce dernier devint un véritable dictateur, et Victor-Emmanuel le laissa agir à sa guise.

    Au fil du temps, Mussolini fit en sorte d’accroître son propre pouvoir tout en réduisant les droits civils de la population et en formant un État policier basé sur la propagande. Son programme ne se limitait pas aux affaires intérieures ; les ambitions impérialistes de Mussolini conduisirent l’Italie à occuper l’île grecque de Corfou, à envahir l’Éthiopie et à s’allier avec l’Allemagne nazie, ce qui entraîna le meurtre de 8 500 Italiens pendant l’Holocauste.

    Son ambition causa toutefois sa perte. Il conduisit l’Italie dans la Seconde Guerre mondiale en tant que puissance de l’Axe, s’alignant sur Adolf Hitler, et amena à la destruction d’une grande partie de son pays. Victor-Emmanuel III convint les plus proches alliés de Mussolini de se retourner contre lui et, le 25 juillet 1943, ils parvinrent enfin à le chasser du pouvoir et à le faire arrêter.

    Après une évasion de prison, le Duce s’enfuit vers l’Italie occupée par l’Allemagne où, sous la pression d’Hitler, il forma un État sous le contrôle allemand, qui s’avéra faible et éphémère. Le 28 avril 1945, à l’approche de la victoire des Alliés, Mussolini tenta de fuir le pays. Il fut intercepté par des partisans communistes, qui l’abattirent et jetèrent son corps sur une place publique, à Milan.

    Une foule ne tarda pas à se rassembler et à profaner la dépouille du dictateur, évacuant des années de haine et de lourdes pertes. À peine reconnaissable, son corps fut finalement déposé dans une tombe anonyme. Le Duce était mort. Son héritage, cependant, hante encore l’Italie d’aujourd’hui. Le mouvement fasciste dont il fut le pionnier existe encore, tant dans la politique italienne que dans l’imaginaire international.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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