Noël se fête aussi en janvier, voici pourquoi

Suite à une décision prise il y a plus de 400 ans, tous les chrétiens ne fêtent pas Noël le 25 décembre.

De Erin Blakemore
Publication 6 janv. 2023, 16:45 CET
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Des enfants prennent part à une procession de Noël à Tbilisi, en Géorgie. Les chrétiens orthodoxes fêtent Noël selon le calendrier julien et non selon le calendrier grégorien.

PHOTOGRAPHIE DE David Mdzinarishvili, Reuters

Noël vient de passer, et pourtant, 12 % des chrétiens du monde s’apprêtent à fêter la naissance du Christ, le 7 janvier. En effet, 260 millions de chrétiens orthodoxes, qu’ils vivent en Russie ou en Grèce où ils sont majoritaires, ou bien dans des communautés en Éthiopie et en Égypte notamment, s’apprêtent à fêter leur propre Noël.

Marquée par des vigiles pieuses et des festins traditionnels, cette version particulière de Noël trouve son origine dans la décision prise il y a plusieurs siècles par les instances orthodoxes de se séparer de l’Église catholique et d’adopter un calendrier différent de celui utilisé par la majorité des humains aujourd’hui. Voici tout ce qu’il faut savoir à ce sujet.

 

CRÉATION D’UN CALENDRIER CHRÉTIEN

Les désaccords sur la date à laquelle il faut officiellement commémorer la naissance de Jésus Christ remontent à l’an 325 de notre ère. À cette date, un groupe d’évêques chrétiens convoqua le premier concile œcuménique du christianisme afin de trancher sur certaines questions de doctrine religieuse.

Un des sujets les plus importants à l’ordre du jour du premier concile de Nicée était la standardisation de la date de la fête la plus importante de l’Église : Pâques. À cet effet, il fut décidé de la calquer sur le calendrier julien, un calendrier solaire que le pontifex maximus Jules César avait adopté en 46 av. J.-C. sur les conseils de l’astronome égyptien Sosigène d’Alexandrie afin de mettre de l’ordre dans le calendrier lunaire alors en vigueur à Rome.

Mais les calculs de Sosigène comportaient une erreur : ils surévaluaient la longueur de l’année solaire d’environ onze minutes. Par conséquent, l’année calendaire et l’année solaire se désynchronisaient d’autant plus que les siècles passaient.

 

LE GRAND SCHISME CALENDAIRE DU CHRISTIANISME

En 1582, les dates des principales fêtes chrétiennes se trouvèrent si décalées que le pape Grégoire XIII dut intervenir. Il convoqua un autre groupe d’astronomes et proposa un nouveau calendrier : le calendrier grégorien.

Celui-ci résolut un certain nombre de problèmes délicats qui s’étaient accumulés au fil des années, et la majorité du monde chrétien l’adopta.

Mais l’Église orthodoxe ne l’entendait pas de cette oreille. Depuis 1054 et le Grand schisme d’Orient, résultat de siècles de tensions politiques et doctrinales croissantes, celle-ci formait sa propre branche du christianisme. Les chrétiens orthodoxes ne reconnaissent pas le pape comme chef de l’Église, ils rejettent le concept de purgatoire et sont en désaccord quant à l’origine du Saint-Esprit, entre autres différences.

Pour adopter la rectification de trajectoire proposée par le pape Grégoire, il fallait accepter que Pessa’h et Pâques se chevauchent de temps en temps, ce qui est proscrit par les textes saints du christianisme orthodoxe. L’Église orthodoxe a donc rejeté le calendrier grégorien et continué à suivre le calendrier julien.

Cela est resté ainsi pendant des siècles et le décalage calendaire s’est accentué. En 1923, il y avait treize jours de différence entre les deux calendriers, et le Noël orthodoxe s’est fêté le 7 janvier 1924.

 

RÉSOLUTION DE LA CRISE CALENDAIRE ORTHODOXE

Voilà pourquoi il existe deux Noëls différents. Mais comment les orthodoxes ont-ils mis un terme à leur crise calendaire qui n’en finissait pas ? En mai 1923, un groupe de chefs religieux orthodoxes se réunit pour régler le problème. Le concile panorthodoxe, qui se tint à Constantinople, vit se réunir des délégations originaires de la ville, mais aussi de Chypre, de Grèce, de Roumanie, de Russie et de Serbie.

Les débats furent animés. Selon l’historien Aram Sarkisian, les bolchéviques, qui avaient abandonné le calendrier julien peu après la révolution russe, firent pression sur l’Église orthodoxe russe pour qu’elle adopte le calendrier grégorien. Mais la révision du calendrier n’était pas qu’affaire de religion. Pour les Églises dont l’existence était menacée par l’avènement du communisme, cet ajustement calendaire était une question de survie.

Lors du concile, le scientifique serbe Milutin Milanković proposa une solution : une nouvelle version du calendrier julien faisant correspondre ses dates avec le calendrier grégorien (mais pas toutes ses années bissextiles), et ce jusqu’en février 2800. Ce calendrier julien révisé fut adopté par plusieurs Églises orthodoxes, dont celle de Grèce, celle de Chypre et celle de Roumanie. Celles-ci célèbrent désormais Noël le 25 décembre.

D’autres Églises orthodoxes comme celles de Russie et d’Égypte refusèrent, tandis que celle de Pologne adopta le calendrier de Milanković avant de l’abandonner. Les pratiquants de ces pays fêteront donc Noël le 7 janvier jusqu’en 2100, année à partir de laquelle on le fêtera le 8 janvier à cause du décalage calendaire.

 

TRADITIONS ORTHODOXES DE NOËL

De nos jours, les traditions orthodoxes diffèrent selon l’endroit, l’obédience et les coutumes locales. Mais pour beaucoup, Noël est synonyme de célébrations religieuses pieuses. Traditionnellement, les chrétiens orthodoxes effectuent avant Noël un jeûne qui peut durer jusqu’à 40 jours afin de se préparer à la naissance du Christ en s’abstenant de manger de la viande, des produits laitiers, du poisson, du vin et de l’huile de l’olive. Après une vigile le soir du réveillon, on fête à proprement parler Noël, l’une des douze grandes fêtes orthodoxes, à l’église puis à la maison.

D’autres traditions ont gardé le caractère animé et varié des endroits où elles sont apparues. En Géorgie, le clergé et les citoyens paradent en costumes religieux dans les rues et entonnent des chants de Noël en se rendant à l’église. Le nom de cette procession, Alilo, vient d’un chant traditionnellement repris la veille de Noël par les enfants qui font du porte-à-porte pour récupérer de l’argent et de petits présents. Cette coutume existe également ailleurs, en Roumanie et en Grèce par exemple.

La nourriture est d’une importance capitale dans les célébrations du Noël orthodoxe, et les traditions culinaires varient elles aussi selon les régions. En Russie, par exemple, on mange de la koutia, un porridge à base de froment et de riz, le plus souvent dans un bol commun symbolisant l’unité. Parfois, on en jette un peu au plafond ; selon la tradition, si la koutia colle, cela porte chance. Les coptes d’Égypte rompent quant à eux le jeûne en mangeant du fatteh, un plat à base de pain, de riz et de viande, tandis que les membres de l’Église orthodoxe éthiopienne mangent du wat, un ragoût souvent composé d’un poulet tranché en douze parties qui symbolisent les douze apôtres, ainsi que de douze œufs.

Cette confusion calendaire conduira-t-elle davantage de chrétiens orthodoxes à élire une autre date pour ces célébrations ? Peut-être bien. Mais en attendant, pour de nombreux fidèles de l’Église orthodoxe, les réjouissances de Noël auront lieu en janvier.

Note de la rédaction : Cet article a paru une première fois le 26 décembre 2019. Il a été mis à jour en janvier 2023. Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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