Les femmes brillantes dans l’ombre de Carl Jung

Emma Jung, Toni Wolff et Sabina Spielrein étaient de grandes penseuses de leur temps. Des décennies plus tard, elles sortent enfin de l'ombre du brillant psychanalyste et sont créditées pour leur apport à ses théories les plus connues.

De Allison McNearney
Publication 15 août 2025, 15:09 CEST
Carl Jung discutant avec l’organisatrice d’une conférence de la Fondation Eranos, Olga Freobe-Kapteyn.

Carl Jung discutant avec l’organisatrice d’une conférence de la Fondation Eranos, Olga Freobe-Kapteyn.

PHOTOGRAPHIE DE Margarethe Fellerer via INTERFOTO, Alamy Stock Photo

Durant deux générations, on se souvenait d’Emma Jung au sein de sa famille comme d’une mère et grand-mère très tendre. Les travaux originaux de l'épouse du célèbre psychanalyste suisse, Carl Jung, explorations profondes et rigoureuses de son propre inconscient n’étaient tout bonnement pas discutés.

« Plus personne n’avait conscience de la portée de ses travaux », explique Thomas Fischer, arrière-petit-fils de Carl et Emma. Il est l’ancien directeur de la Fondation des travaux de C.G. Jung et siège aujourd’hui au comité de direction, tout en étant éditeur pour la fondation.

Cent cinquante ans après la naissance de Carl Jung, Emma et plusieurs autres des collaboratrices du psychanalyste sortent de son ombre pour être reconnues comme les brillante penseuses qu’elles étaient. Elles sont celles qui aidèrent Carl Jung à élaborer certaines de ses théories les plus connues, comme l’individuation et les archétypes.

À l’instar de Sigmund Freud, Jung, père fondateur de la psychologie analytique, croyait en l’importance de l’inconscient et de l’analyse des rêves. Les deux hommes étaient proches au début de la carrière de Jung, tant sur le plan personnel que professionnel. Freud considérait le jeune homme comme son successeur jusqu’à une dispute qui mit fin à leur amitié. Jung élargit cependant le concept de la psychanalyse pour arriver à une théorie qu’il appela l’individuation. Il pensait que le profond travail psychanalytique de chaque être humain n’était pas uniquement d’explorer l’inconscient individuel mais aussi d’explorer l’inconscient collectif et d’intégrer ces deux forces au conscient afin d’atteindre le point d’auto-actualisation. Il définissait l’inconscient collectif comme des symboles universels et des archétypes hérités et partagés par tous les humains pouvant apparaître dans des lieux tels que les rêves.

Au-delà de son établissement d’une nouvelle branche de la psychanalyse, Jung introduisit l’idée d’introversion et d’extraversion à son travail sur les types de personnalités, qui inspira le test de personnalité de Myers-Briggs. Il fut le premier à émettre la théorie que chaque personne possède une « ombre » de soi, ou des caractéristiques et des désirs enfouis. Il identifia douze archétypes de la psyché humaine qui furent utilisés comme autant de moyens de narration par les écrivains de tous horizons, comme à Hollywood. Ses idées influencèrent des artistes tels que Jackson Pollock et les expressionnistes abstraits, des écrivains comme Herman Hesse et Olga Tokarczuk, et des musiciens comme David Bowie et le groupe de K-pop BTS.

En l’honneur du cent-cinquantième anniversaire de Jung, le XXIIIe Congrès international de psychologie analytique se tiendra à la fin du mois d'août à Zurich. Mais la cérémonie d’ouverture ne sera pas dédiée à l’homme lui-même. Un nouveau livre, publié en janvier, en sera le sujet : Dedicated to the Soul: The Writings and Drawings of Emma Jung (À l’âme : écrits et dessins d’Emma Jung, traduction libre, l’ouvrage n’a pas été traduit en français) qui, pour la première fois, documente les travaux personnels de sa femme, Emma.

« Emma Jung se trouvait au cœur de la vie de [Carl] Jung », déclare Sonu Shamdasani, professeur de l’histoire de Carl Jung au London College, et éditeur du Livre Rouge, la plongée dans son propre inconscient, à un moment troublé de sa vie. Ces écrits étaient enfermés dans un coffre-fort, dans une banque, et ne furent pas publiés au cours de la vie du psychanalyste. « Sans Emma Jung, son travail n’aurait pas été possible, et pas seulement parce qu’elle s’occupait du bon maintien du foyer, de l’éducation de leurs enfants, etc. mais parce qu’elle participait à ses travaux. »

De nombreuses femmes de grands hommes restèrent dans leur ombre durant bien des années avant que la reconnaissance qui leur était due pour les rôles qu’elles jouèrent dans les travaux de leur mari ne leur fût attribuée. Pour n’en nommer que quelques‑unes : Lee Krasner, la femme de Pollock ; Alma Reville, l'épouse d’Hitchcock et Vera Nabokov. Bien qu’Emma fût saluée comme un soutien pour son mari au cours de sa vie et durant les presque soixante-dix ans écoulés depuis sa mort, on dédaigna son rôle au-delà de celui de femme, mère et associée. En d’autres termes, on ignora ses travaux indépendants sur sa propre psyché, qu’elle exprimait par la poésie, les peintures, l’analyse de ses rêves, des conférences et d’autres écrits qui lui permirent de s'affirmer comme une force intellectuelle de son temps.

Et elle n’était pas la seule.

Jung était entouré de femmes adeptes de ses leçons, à tel point qu’elles reçurent des surnoms dérogatoires à l’époque, comme les Jungfrauen, les « femmes de Jung » ou encore les « Valkyries ». Certaines n’étaient au départ que des patientes, d’autres des étudiantes, mais beaucoup devinrent des érudites, des psychanalystes. Certaines partagèrent le lit de Jung.

« Ces femmes venaient des quatre coins du monde », écrit Maggy Anthony, autrice et auparavant étudiante au sein de l’Institut C.G. Jung à Zurich, dans son livre Salome’s Embrace: The Jungian Women. « Une fois là-bas, le charisme de Jung, sa pensée qui prenait les femmes au sérieux pour la première fois, les poussèrent à vouloir la partager avec d’autres par l’analyse et par leurs écrits. »

Parmi ces femmes, beaucoup furent célébrées au cours de leur vie pour les rôles de muses, de collaboratrices et de disciples qu’elles jouèrent auprès de Jung. Mais au cours des vingt dernières années, plusieurs d’entre elles, comme Sabrina Spielrein et Toni Wolff, commencèrent à sortir de l’ombre du grand psychanalyste. Avec la publication en janvier dernier de Dedicated to the Soul, Emma rejoint à présent les rangs des femmes jungiennes reconnues pour leurs productions originales et leurs contributions au domaine de la psychologie.

 « J’espère que l’on commencera à voir l’individualité de chacune de ces femmes et que l’on commencera à mieux comprendre leurs travaux », déclare Thomas Fischer. En tant qu’historien, Thomas Fischer confie espérer que les experts jungiens « s’éloigneront du conte hagiographique de Carl Jung ».

« Il ne travaillait pas en ermite. Tout comme les femmes et les hommes qui l’entouraient ; son travail est profondément ancré dans ces échanges et ces connexions intellectuelles. »

Antonia Anna « Toni » Wolff (1888-1953) était une analyste jungienne suisse, une proche associée, parfois amante, du ...

Antonia Anna « Toni » Wolff (1888-1953) était une analyste jungienne suisse, une proche associée, parfois amante, du psychanalyste Carl Jung.

PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman Images

 

JEUNESSE ET MATERNITÉ

Emma Jung, née Rauschenbach, grandit à Schaffhausen, en Suisse. Elle était une élève avide de connaissances à qui l’on refusa de suivre une éducation avancée en accord avec les règles de bienséance qui primaient pour une femme de son statut social. Plutôt que de s'asseoir sur les bancs de l’université, elle se rendit à Paris, une sorte de voyage indépendant de fin d’études. Après son retour chez elle, elle commença à entretenir une correspondance avec Jung en 1899. Les détails exacts de leur première rencontre restent inconnus mais leurs familles se connaissaient de loin. L’oncle de Jung était l’architecte de la maison familiale d’Emma, dont la mère gardait souvent le jeune Carl ; un acte de charité pour la famille Jung qui rencontrait des difficultés. Ils se firent la cour, en échangeant autant de romance que d’idées. Jung encourageait la curiosité intellectuelle d’Emma et ses lettres comportaient des recommandations littéraires.

Une fois mariée, Emma assista avec joie son mari dans son travail. Jung commençait tout juste sa carrière et travaillait dans la clinique psychiatrique, le Burghölzli, qui fut bientôt très reconnu. Emma était sa traductrice, sa preneuse de notes. Il lui faisait passer ses tests et elle lui servait de cas d’études quand il en avait besoin. Elle l’assistait même parfois auprès des patients. Au cours de leur mariage, l’éducation jungienne que reçut Emma lui permit de devenir elle-même une analyste ainsi que la première présidente élue du club de psychologie de Zurich. Elle publia également deux livres : l’un sur la légende du Saint-Graal, sujet qui la fascinait depuis l'enfance, et l’autre, un recueil d'articles qui exploraient les idées de Jung sur l’animus et l’anima, les aspects masculin et féminin de la psyché.

Grâce à l’étude et à la préservation des travaux que Jung laissa derrière lui à sa mort en 1961, Emma ne sombra pas dans l’oubli. La description des missions de la Fondation des travaux de C.G. Jung, établie par ses héritiers en 2007, déclare qu’elles sont « dédiées à la préservation et au développement de l’héritage littéraire et créatif de Carl Gustav Jung et de sa femme, Emma Jung-Rauschenbach ». La Maison C.G. Jung, lieu de résidence du psychanalyste et sa famille sur les berges du lac de Zurich à Küsnacht, en Suisse, un musée public encore occupé par des descendants de Jung, cherche à « attiser la flamme du souvenir du médecin et explorateur de l’âme humaine, Carl Gustav Jung (1875-1961) et celui de sa femme et associée, Emma Jung-Rauschenbach ».

Tous les travaux d’Emma pour étayer les idées de son mari étaient connus de sa famille. Mais ils ignoraient l’étendue de ses travaux privés.

Cela changea lorsque les Jung découvrirent un trésor : ses articles. Selon Thomas Fischer, l’intérêt accordé à Emma et aux autres femmes de la vie de Jung s’éveilla dans les années 1990 et au début des années 2000. À cette époque, une autrice française du nom d’Imelda Gaudissart commença à mener des recherches pour établir une biographie (finalement publiée en 2010) sur la vie d’Emma. Elle approcha donc la famille afin de s’enquérir des droits de publication de certains de ses articles. La famille Jung finit par refuser de les lui céder. Deux raisons appuyaient leur refus : « J’étais d’avis qu’il était de notre devoir de lui rendre justice ; je voulais le faire moi-même », déclare Thomas Fischer. Mais aussi, et c'est un détail important, ils ignoraient complètement ce que contenaient les travaux d’Emma. À en croire les récits familiaux, Emma aurait détruit une grande partie de ses recherches dans les mois qui précédèrent sa mort en 1955. De plus, les enfants Jung avaient d’autres priorités.

« Je pense que la première génération de descendants souhaitait garder pour eux la vie de leur mère, c’est pour cela qu’ils n’ont pas fouillé dans ses affaires », explique Thomas Fischer. Le gardien des archives familiales croulait sous les demandes qui concernaient Carl Jung, ce durant des années. « Jusqu’alors, Emma Jung n’avait jamais vraiment été en ligne de mire. Je ne pense donc pas qu’il voyait un intérêt à s’intéresser de plus près à ses articles. »

L’intérêt qu’Imelda Gaudissart portait à Emma poussa Thomas Fischer à se plonger plus avant dans les archives de sa famille. Il y découvrit une mine d’or d’informations qui est devenu Dedicated to the Soul, ouvrage qu’il a co-édité et publié en janvier dernier.

Dedicated to the Soul est une collection des conférences données par Emma, de sa poésie, de ses lettres et de ses dessins, qui montre la profondeur du questionnement privé de cette femme, la créativité et l’étendue de sa pensée, ainsi que la force du travail analytique qu’elle menait sur elle-même. Thomas Fischer compara sa découverte à trouver des pièces du puzzle que représentait Emma « pour mieux comprendre comment elle en est venue à devenir ce qu’elle était, l’image que l’on avait d’elle à sa mort ainsi que le souvenir que l’on en garde ».

« Nous n’avons pas besoin d’exagérer, elle n’a pas nécessairement l’originalité [de Jung] mais sa curiosité était insatiable. Elle travailla durant des années sur ses propres travaux psychologiques et les a poussés très loin, et je pense que, d’une façon ou d’une autre, cela s’est perdu », explique Thomas Fischer. « Il est facile de voir que cette femme était en paix avec sa situation de femme mariée. Et il faut se demander comment elle a pu le faire ; cela n’a pas dû être facile. »

 

CONSCIENCE ET OMBRE

Les femmes représentaient pour Emma l’une des plus grandes menaces pour son mariage. Plus précisément le regard baladeur de son mari quand il était question de ses collaboratrices et de ses adeptes. Sabina Spielrein fut l’une des premières.

Sabina Spielrein rencontra Jung alors qu’elle se trouvait au Burghölzli ; elle avait dix-neuf ans. Son enfance fut difficile et jalonnée par des abus émotionnels et possiblement sexuels. Après la mort d’une sœur qui lui était chère, elle atteignit un point de non-retour et finit par arriver à la clinique psychiatrique de Zurich où travaillait Jung. Là-bas, elle fut diagnostiquée hystérique.

Durant des dizaines d’années, l’histoire que l’on racontait sur Sabina Spielrein comportait tous les stéréotypes sensationnels d’une Jungfrau. Elle en fut réduite à la femme fatale tombée amoureuse du jeune médecin de génie qu’elle séduisit alors qu’il était sur le point d'ouvrir un nouveau domaine révolutionnaire de la psychologie. La représentation romancée de sa vie par David Cronenberg en 2011 dans A Dangerous Method ne joua pas en sa faveur.

La vérité est, bien sûr, plus complexe. Et beaucoup plus captivante. Elle fut la première maîtresse de Jung… mais pas la dernière, et la nature exacte de leur relation reste encore un mystère. Ce que l’on sait, c’est que Sabina Spielrein changea la trajectoire de sa vie au Burghölzli. En trois mois, elle s’était ressaisie et s’était inscrite en médecine. Elle était en passe de devenir « l’une des penseuses en psychologie les plus innovantes du 20e siècle », selon un article de European Judaism, écrit par John Launer, auteur de la première biographie de Sabina Spielrein en anglais, parue en 2014.

« L’effacement de l’histoire de sa vie et de ses accomplissements intellectuels, remplacés par une note de bas de page érotique de la vie de Jung est l’un des exemples les plus choquants de la réécriture et de la réduction de l’histoire des femmes », écrit John Launer.

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    Sabina Spielrein, qui correspondait avec Freud et Jung, aida ce premier à développer le concept de pulsion de mort.

    PHOTOGRAPHIE DE Eraza Collection, Alamy Stock Photo

    Au cours de sa carrière, que catalogua John Launer, Sabina Spielrein mena la première étude du discours schizophrène, sujet de sa thèse ; formula des idées novatrices qui contribuèrent au développement de la pulsion de mort, une idée que formula et introduisit plus tard Freud en lui adressant une brève note de bas de page ; écrivit une poignée d’articles innovants sur la dynamique familiale ; combina de façon radicale plusieurs domaines d’études scientifiques lors de son travail sur le développement de l’enfant ; et commença à travailler sur des idées qui se retrouveraient finalement en psychologie évolutionniste.

    Sabina Spielrein faisait la promotion de ses idées à travers ses conférences et son travail académique, mais plusieurs facteurs s’opposaient à elle, raconte Klara Naskowska, professeure en études de genre, de sexualité et des femmes au sein de l’université publique Montclair, et fondatrice de l’Association internationale des études des travaux de Spielrein.

    Tout d’abord, sa perspective révolutionnaire de combiner des idées de différentes disciplines s’étendit à l’association d’idées provenant de différentes écoles de pensée. Sabina Spielrein entretenait une relation compliquée à l’égard de Freud et de Jung, ce dernier, pour des raisons évidentes. Une relation épistolaire à trois plumes entre elle, Freud et Jung « jeta une ombre sur les deux hommes alors qu’ils tentaient de la faire taire » à propos de la liaison entre Jung et Sabina Spielrein, explique John Launer. Mais cela ne l’empêcha pas de tenter de s’inspirer de leurs écoles de pensée dans le cadre de ses travaux. Malheureusement, à cette époque, le schisme intellectuel entre Jung et Freud, son ancien mentor, était bien installé et les deux camps observaient une stricte séparation académique.

    Ensuite, Sabina Spielrein déménagea en Russie en 1923, loin du centre du mouvement psychanalytique. « C’est comme si elle était partie sur Mars », commente Klara Naskowska. Et finalement, sa famille et elle furent assassinés par des Nazis durant l’Holocauste et « elle disparut dans les tréfonds des documents intellectuels pendant trente-cinq ans ».

    Klara Naskowska explique que l’effacement de Spielrein commença à changer dans les années 1970, au moment où une boîte qui contenait ses travaux fut découverte au cours de travaux de rénovation à l’Institut Rousseau, à Genève. On s’intéressa tout d’abord à elle grâce à ses interactions avec Freud et Jung. Tandis que la première vague de cet intérêt s’articulait autour de sa liaison, plus d’attention fut accordée à ses propres accomplissements révolutionnaires au cours des dernières décennies.

    L’Association internationale des études des travaux de Sabina Spielrein fut fondée en 2017. Pour Klara Naskowska, « l’idée principale de [l’association] est de rectifier les torts qui ont nui à son travail. Lui rendre la justice qu’elle n’a pas eu de son vivant, mais aussi après sa mort avant de longues, très longues décennies. Faire connaître son nom pour que ses idées reçoivent non seulement la reconnaissance qui leur est due, mais aussi qu’elles soient utilisées et apprises en cours. »

    Toni Wolff ne souffrit peut-être pas des mêmes longues années d’obscurité mais on ne commença à accorder une attention plus sérieuse à ses idées et sa réputation qu'après la publication en 2009 du Livre Rouge. Le rôle crucial qu’elle joua à cette période de la vie de Jung attisa l’intérêt.

    Toni Wolff rencontra Jung six ans après Sabina Spielrein, mais en des circonstances similaires. Elle devint l’une des maîtresses les plus sérieuses de Jung, à la fois parce qu'il régnait entre eux une connexion intense, et parce que sa vie finit par s’entremêler avec celles de Jung et de sa famille.

    Toni Wolff débarqua dans le monde de Jung en tant que patiente après s’être effondrée à la mort de son père. Suivant un chemin déjà établi, elle vint tout d’abord pour quérir un traitement et devint une jungienne convertie une fois rétablie. Selon Maggy Anthony, leur relation professionnelle devint personnelle au moment où Jung rompit les ponts avec Freud et commença la profonde et difficile exploration de son propre inconscient - le futur Livre Rouge - jetant les bases du travail qu’il mena ensuite toute sa vie.

    Ce dernier évènement établit leur relation intime. « C’est en effet vers Toni qu’il se tourna quand débuta sa descente dans les royaumes sombres et encore trop inexplorés de l’inconscient », écrit Maggy Anthony. « Elle dut devenir son analyste. »

    Toni Wolff devint l’une de ses principales assistantes et sa muse avant d’elle-même devenir analyste de profession. Tandis qu'elle travailla surtout au sein du modèle jungien, à l’inverse de Sabina Spielrein qui s’aventura au-delà de ses frontières, elle joua un rôle crucial dans l’établissement d’un cadre de travail qui abordait l’idée d’individuation de Jung, et spécifiquement comment elle s’appliquait aux femmes. On la connaît bien pour un article qu’elle publia en 1956, « Les formes structurelles de la psyché féminine ».

    Quand il est question des idées de Jung, Sonu Shamdasani comme Thomas Fischer disent que les études autour des Jungfrauen montrent que le voyage intellectuel du psychanalyste n’était pas solitaire. Son travail était le fruit de collaborations, tant par sa nature que par la nécessité pour Jung de voir que les idées qu’il tirait de son propre inconscient fonctionnaient sur les autres.

    « Je pense qu’avec chaque histoire qui est étudiée plus avant, il devient clair que [Jung] n’était pas qu’un génie solitaire qui tira tout ce qu’il écrivit du plus profond de lui-même », explique Thomas Fischer. « Il opérait par le dialogue, non seulement avec son âme, mais avec son entourage […] je vois tout cela comme une interaction. Et il est parfois complexe d’attribuer à une personne ou à une autre l’idée originale d’un concept ou d’une idée. »

    Emma Jung, Sabina Spielrein et Toni Wolff ne sont pas les trois seules femmes dont les collaborations et les idées touchèrent Carl Jung et ne sont pas les seules qui méritent d’attirer l’attention. Leurs histoires montrent que les études qui s’acharnent à démêler les fils des vies et des travaux intellectuels des premières femmes de la psychanalyse ne mèneront qu’à une compréhension plus accrue et plus riche de l’histoire académique de ce domaine.

    Comme Emma l’écrivit le 5 février 1902 : « Le monde est empli d’énigmes et de mystères, et des personnes passent leur vie sans se poser de questions… Oh, qui pourrait connaître beaucoup, tout savoir ! »

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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