Sur les traces de l’étoile de Bethléem : qu'en dit l'archéologie ?

Depuis des siècles, théologiens, historiens et astronomes débattent de ce récit biblique.

De Candida Moss
Publication 23 déc. 2025, 09:06 CET
Dans L’Adoration des Mages, Giuseppe Chiari représente la Vierge Marie présentant l’Enfant Jésus aux Rois mages, ...

Dans L’Adoration des Mages, Giuseppe Chiari représente la Vierge Marie présentant l’Enfant Jésus aux Rois mages, venus d’Orient chargés de présents après avoir suivi l’étoile annoncée par les Écritures.

PHOTOGRAPHIE DE Giuseppe Bartolomeo Chiari, National Trust Photographic Library, Bridgeman Images

L'étoile de Bethléem guidant les rois mages est l’une des scènes les plus reconnaissables de l’imaginaire chrétien : un signe brillant resplendissant au-dessus du lieu où un enfant est né, menant de mystérieux visiteurs venus d’Orient jusqu’au berceau d’un roi nouveau-né. L’Évangile selon Matthieu, le seul livre de la Bible à mentionner cet épisode, décrit une étoile qui s’est levée à l’est, qui a attiré l’attention de « mages » (probablement des prêtres-astrologues de Babylonie ou de Perse), et s’est déplacée devant eux jusqu’à s’arrêter au-dessus du lieu où se trouvait Jésus.

L’épisode ne compte qu’une douzaine de versets, mais ces quelques lignes ont suscité deux millénaires de spéculations. Qu’ont vraiment vu les mages ? Un événement astronomique pourrait-il correspondre à la description de Matthieu ? Des chercheurs, astronomes et théologiens ont proposé plusieurs théories, allant des comètes aux supernovas, en passant par un alignement planétaire.

 

LA THÉORIE DE LA COMÈTE

L’une des explications les plus anciennes est aussi la plus intuitive : les comètes peuvent être spectaculaires et visibles de loin. Les peuples anciens interprétaient couramment les comètes comme des signes annonçant des événements importants. La comète de Halley, par exemple, est apparue en 12-11 avant notre ère puis de nouveau en 66 de notre ère. Son apparition le 26 août de l’an 12 avant notre ère est consignée dans le Livre des Han, un traité astronomique chinois. L’historien romain Cassius Dion relia l’apparition de la comète de Halley dans le ciel de Rome à la mort du général Marcus Agrippa.

Lorsque le théologien chrétien du IIIᵉ siècle Origène tenta d’expliquer les mouvements inhabituels de l’étoile de Bethléem, il écrivit qu’elle devait être « classée parmi les comètes qui apparaissent parfois, ou les météores, ou les étoiles… ».

Le problème est que la chronologie ne correspond pas bien au règne d’Hérode le Grand, mort en 4 avant notre ère et explicitement mentionné par Matthieu. Si l’on suppose que la chronologie de l’Évangile est globalement correcte, alors la comète de Halley, seule candidate plausible, est apparue trop tôt pour être liée à la naissance de Jésus.

Plus important encore, Matthieu décrit l’étoile comme quelque chose que les mages ont vu « à son lever » et qui, plus tard, « s’est arrêtée » au-dessus d’une maison précise. Les comètes ne se comportent pas ainsi : leur mouvement est régulier et prévisible.

Il est intéressant de noter que, dans l'Antiquité, les comètes étaient généralement considérées comme des annonciatrices de catastrophes plutôt que de bonne fortune. L'historiographe romain juif Flavius Josèphe évoque une comète qui passa au-dessus de Jérusalem avant sa destruction lors de la première guerre judéo-romaine. Et Suétone rapporte que l’apparition d’une comète incita le superstitieux Néron à faire exécuter plusieurs personnages importants de l’Empire. Si l’étoile était une comète, écrit Raymond Brown, auteur de La naissance du Messie, il est difficile d’imaginer pourquoi les mages auraient suivi un présage aussi funeste jusqu’à Bethléem.

 

LA THÉORIE DE LA SUPERNOVA

Une autre hypothèse spectaculaire est que les mages aient observé une supernova, une étoile en explosion suffisamment brillante pour être visible en plein jour, ou une nova moins intense, qui produit néanmoins une augmentation soudaine et frappante de luminosité.

Les astronomes chinois, qui tenaient des registres minutieux remontant à l’an 1000 avant notre ère, ont consigné l’observation d’une possible comète à queue en 5 avant notre ère et celle d’une possible nova ou supernova en 4 avant notre ère. Ces dates sont prometteuses : elles s’inscrivent dans une période plausible pour la naissance de Jésus et les dernières années du règne d’Hérode.

Une fois encore, cependant, cette hypothèse reste imparfaite. Une supernova ou une nova aurait été visible de tous, et non seulement des astronomes. Or Matthieu ne laisse pas entendre qu’Hérode ou les habitants de Jérusalem aient remarqué une lumière inhabituelle dans le ciel ; Hérode semble surpris lorsque les mages arrivent et doit les interroger en privé sur le moment où l’étoile est apparue. De plus, comme pour les comètes, les supernovas ne « s’arrêtent » pas au-dessus d’une maison donnée.

Là où l’hypothèse de la supernova se distingue, c’est par la force de l'image. Ignace d’Antioche, évêque chrétien du début du IIᵉ siècle, décrivit sa lumière comme « au-delà de toute description » et surpassant toutes les autres étoiles, un signe céleste digne de la naissance d’un roi.

 

LA THÉORIE DE LA CONJONCTION PLANÉTAIRE 

L’explication moderne la plus populaire est que l’étoile était en réalité une conjonction de deux ou plusieurs planètes dans le ciel nocturne. Cette théorie a été pour la première fois formulée par l’astronome du VIIIᵉ siècle Mash’allah, dont l’hypothèse reposait sur une théorie babylonienne plus ancienne selon laquelle les grands événements et les changements de pouvoir étaient annoncés par des conjonctions planétaires. Il affirmait que trois événements majeurs, le grand déluge, la naissance de Jésus et la naissance du prophète Mahomet, avaient tous été annoncés par des conjonctions de Saturne et de Jupiter.

Grant Mathews, professeur de physique théorique à l’université de Notre Dame, a étudié les alignements planétaires dans la période approximative de la naissance de Jésus (entre 8 et 4 avant notre ère). Il a remarqué que le 17 avril de l’an 6 avant notre ère, il y a eu un alignement particulier du Soleil, de la Lune, de Jupiter, de Saturne et de l’équinoxe de printemps dans la constellation du Bélier, tandis que Vénus s’alignait dans la constellation voisine des Poissons. Cet alignement spécifique des planètes (avec Mercure et Mars en Taureau) était si inhabituel qu’il ne se reproduira pas avant l’an 16 213 de notre ère.

Chacun des corps célestes impliqués dans cette conjonction planétaire avait une signification particulière pour les astronomes anciens. Jupiter était associé à la royauté et suggérait un souverain lorsqu’il se trouvait avec le Soleil. Pris dans leur ensemble, explique Mathews, les alignements de ces planètes dans le Bélier, une constellation associée à la Judée, indiqueraient l’apparition d’un nouveau dirigeant dans cette région.

Un alignement planétaire pourrait bien avoir motivé le voyage exceptionnel entrepris par les mages et, contrairement à une supernova, une conjonction planétaire n’est pas particulièrement brillante. Cela pourrait expliquer pourquoi personne, hormis les mages, ne se serait intéressé à l’étoile.

 

MIRACLES ET SYMBOLES

Enfin, de nombreux interprètes chrétiens ont soutenu que l’étoile de Bethléem n’était pas un phénomène naturel du tout, mais un miracle. L’évêque de l’Antiquité tardive Jean Chrysostome pensait que l’étoile devait être miraculeuse, car elle se comportait contrairement à une étoile normale en s’arrêtant au-dessus d’une maison. Origène, de même, comparait l’étoile à la colonne de feu surnaturelle qui guida Israël dans le désert.

D’autres chercheurs estiment que le récit de l’étoile relève du procédé littéraire. Robyn Walsh, professeure associée à l’université de Miami, estime que « le récit de l’étoile chez Matthieu relève moins de l’astronomie que du symbolisme littéraire et théologique… Les présages célestes étaient un élément standard des biographies de héros, d’empereurs et de dieux. » Virgile écrit qu’une étoile flamboyante guida Énée jusqu’au lieu où Rome devait être fondée. Des commentateurs antiques notent que les naissances d’Alexandre le Grand et d’Auguste furent annoncées par des présages astrologiques. Pour Matthieu et ses lecteurs anciens, l’étoile était un dispositif littéraire familier, destiné à faire savoir que la naissance de Jésus avait des implications cosmiques : les cieux proclamaient l’avènement d’un nouveau roi.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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