Cette carte est la plus ancienne jamais découverte en Terre sainte

Découverte dans une ville ottomane reculée en 1884, la carte de Madaba est à la fois un chef-d'œuvre de l'art byzantin et un aperçu unique de Jérusalem et du Moyen-Orient du 6e siècle.

De Rubén Montoya
Publication 6 sept. 2021, 12:06 CEST
Mapping the Holy Land

Un détail de la carte de Madaba révèle comment ses créateurs ont imaginé le monde d'en haut. Le grand plan d'eau est la mer Morte et la ville centrale fortifiée est Jérusalem.

PHOTOGRAPHIE DE Erich Lessing, Album

Les tensions entre musulmans et chrétiens dans les années 1880 dans l'actuelle Jordanie ont conduit à un compromis. Les chrétiens pouvaient s'installer dans une ville nommée Madaba à condition qu'ils ne construisent des églises que sur des sites où des églises se trouvaient autrefois. La proposition avait une certaine logique. À cette époque, Madaba était un obscur avant-poste de l'Empire ottoman, mais elle avait été une ville chrétienne florissante.

En 1884, les chrétiens orthodoxes grecs nouvellement installés voulurent construire une nouvelle église Saint-Georges sur le site où elle avait un jour été édifiée. Ils déblayèrent consciencieusement le sol des restes de l'ancienne église et firent une découverte étonnante : sous les décombres se trouvait une immense mosaïque, une carte aux riches détails. Bien qu'endommagés par endroits, ses fragments colorés représentaient encore des sites reconnaissables de la Terre sainte, dont Jérusalem.

La carte de Madaba a été intégrée dans la nouvelle construction de l'église de Saint-George, à Madaba, en Jordanie. La mosaïque a été découverte lorsque les ruines de l'ancienne église byzantine ont été déblayées en 1884.

PHOTOGRAPHIE DE Maria Breuer, AGE Fotostock

UNE DÉCOUVERTE UNIQUE

Les riverains furent ravis de cette découverte, qui n'attira toutefois pas immédiatement l'attention des autorités chrétiennes orthodoxes grecques à Jérusalem, qui était alors sous domination ottomane. Ce n'est que dix ans plus tard, au milieu des années 1890, que le bibliothécaire du patriarcat orthodoxe de Jérusalem, Kleopas Koikylides, se rendit à Madaba pour inspecter ladite carte. 

Il comprit immédiatement l'importance de cette découverte fortuite. Les mosaïques ornant les sols des églises byzantines représentaient généralement des villes et des monuments au sens pictural. Bien que la mosaïque de Madaba contienne des éléments picturaux similaires - des bâtiments rendus dans des détails naturalistes et des représentations vives d'objets et d'animaux - sa conception, une vue plongeante sur la région, était unique en son genre.

Koikylides écrivit une monographie à ce sujet en 1897, et la Société allemande pour l'exploration de la Palestine entreprit les premières études approfondies de la mosaïque au début des années 1900. En 1965, un important projet de restauration fut entrepris par la même société sous la direction de Heinz Cüppers et Herbert Donner pour redonner ses couleurs à ce chef-d'œuvre cartographique, première carte connue de la Terre sainte.

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    La mosaïque de Madaba, photographie de l'église Saint-Georges, Madaba, Jordanie, 1905.

    PHOTOGRAPHIE DE Bridgeman, ACI

    LES PIÈCES D'UN PUZZLE

    La précision cartographique de la carte de Madaba a permis aux chercheurs d'identifier des points de repère dans Jérusalem. Parmi ceux-ci se trouve la nouvelle église Sainte-Marie, consacrée le 20 novembre 542.

    Plusieurs autres églises à travers la Terre sainte peuvent également être identifiées. Beaucoup de ces monuments sont mentionnés dans des documents écrits à cette époque, qui pourraient d'ailleurs avoir été des sources pour les mosaïstes. Une de ces sources pourrait être un récit rédigé vers 570 par un pèlerin italien en Terre sainte.

    La carte de Madaba compte des représentations d'objets et d'animaux pareilles à ce détail.

    PHOTOGRAPHIE DE Album

    D'autres indices permettent d'affiner la datation de la carte. Un monastère à Gaza, construit sur le site du lieu de naissance de Saint Hilarion du 4e siècle, est clairement indiqué ; or il a été détruit en 614, à peu près au moment où le roi perse sassanide Khosro II a saccagé la Palestine durant la guerre qui l'opposait aux Byzantins. La mosaïque a par conséquent dû être créée entre 542 et 614, peut-être pendant le règne de l'empereur byzantin Justinien le Grand, mort en 565. 

    Des sections de la carte de Madaba ont été considérablement endommagées, en particulier ses parties est et nord. Les dommages causés par des incendies et les pillages pourraient être l'œuvre des armées sassanides. L'église Saint-Georges resta cependant un lieu de culte, et Madaba, qui s'est ensuite rendue aux musulmans, ne fut pas détruite. Des figures grossièrement réparées suggèrent que des éléments illustratifs de la mosaïque ont peut-être été défigurés sur ordre de Yazīd II, un calife omeyyade du 8e siècle. L'église Saint-Georges a probablement été détruite par un incendie au 8e siècle.

    Cette fenêtre de datation étroite permet aux archéologues de faire des références croisées afin de dater les découvertes archéologiques. La carte montre une large route passant par la porte de Jaffa à Jérusalem. En 2010, des preuves tangibles de cette route ont finalement été découvertes, renforçant un peu plus l'importance qu'accordent les chercheurs à la mosaïque de Madaba, qui n'est pas seulement une œuvre d'art magnifique et complexe, mais un enregistrement cartographique d'un autre âge.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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