Comment Benito Mussolini a fait sombrer l’Italie dans le fascisme

Plus de cent ans après la Marche sur Rome qui permit à Benito Mussolini de s'emparer du pouvoir et d'initier une ère de violence et de guerre dans son pays, les souvenirs de ses actes hantent encore les esprits des Italiens.

De Erin Blakemore
Publication 22 sept. 2025, 15:27 CEST
Benito Mussolini prononce un discours en Italie. Connu pour son charisme et sa rhétorique persuasive, le futur ...

Benito Mussolini prononce un discours en Italie. Connu pour son charisme et sa rhétorique persuasive, le futur dictateur fasciste accéda au pouvoir dans un contexte de mécontentement croissant au début du 20e siècle.

PHOTOGRAPHIE DE NPL - DeA Picture Library, Bridgeman Images

Benito Mussolini accéda au pouvoir en octobre 1922 à la faveur des graves turbulences que traversait l’Italie. Le fascisme, mouvement politique qui exploita le mécontentement des Italiens au moyen d’un puissant mélange de nationalisme, de populisme et de violence, allait bientôt submerger ce pays déjà éprouvé ainsi qu’une bonne partie du monde. Mussolini, qui avait introduit ce mouvement en Italie, avait réussi à fédérer une solide base partisane et exigé que le gouvernement en place lui cède le pouvoir.

« En bref, nous voilà rendus au point où soit la flèche jaillit de l’arc, soit la corde, trop tendue, cède », lança-t-il lors de son discours au congrès de Naples, le 24 octobre de la même année. « Notre programme est simple. Nous souhaitons gouverner l’Italie. »

Il déclara à ses soutiens que si le gouvernement ne démissionnait pas, ils n’auraient d’autre choix que de marcher sur Rome. Quatre jours plus tard, les Chemises noires (Camicie nere) mirent cette menace à exécution, semant le chaos sur leur passage tandis que Mussolini prenait le pouvoir.

Mussolini, entouré de partisans, entre dans Rome en octobre 1922. Quelques jours auparavant, le Duce avait ordonné ...

Mussolini, entouré de partisans, entre dans Rome en octobre 1922. Quelques jours auparavant, le Duce avait ordonné à l'aile paramilitaire de son mouvement, connue sous le nom des chemises noires, de renverser le gouvernement.

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Profil de Benito Mussolini sur une affiche de propagande pour le livre Il primo libro del fascista, « Le premier ...
Né en 1883, Benito Amilcare Andrea Mussolini fonda le Parti national fasciste italien, en tirant parti d'un sentiment ...
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Profil de Benito Mussolini sur une affiche de propagande pour le livre Il primo libro del fascista, « Le premier livre du fasciste ».

PHOTOGRAPHIE DE Universal History Archive, UIG, Bridgeman Images
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Né en 1883, Benito Amilcare Andrea Mussolini fonda le Parti national fasciste italien, en tirant parti d'un sentiment croissant de nationalisme et de populisme dans le pays.

PHOTOGRAPHIE DE Art Resource, NY

Bien qu’en Italie le nom de Mussolini soit encore bien souvent celui du dictateur brutal qu’il fut, certains continuent de le révérer comme un héros. Quelle furent les conditions de son ascension ? Et que se passa-t-il exactement lors de cette funeste marche qui fit chuter le gouvernement italien ? Voici ce qu’il faut savoir sur Benito Mussolini et sur le fascisme italien.

 

MUSSOLINI, FONDATEUR DE L’ITALIE FASCISTE

Le fascisme galvanisa un mouvement nationaliste croissant en Europe, né dans le sillage de la Première Guerre mondiale et de la révolution russe de 1917 qui vit les socialistes russes renverser l’Empire des tsars.

En Italie, Mussolini ouvrit la voie au fascisme. Né le 29 juillet 1883 dans une petite ville du sud de l’Italie, d’un père forgeron et d’une mère institutrice, il grandit en écoutant les récits nationalistes et héroïques de son père socialiste.

Timide et mal à l’aise en société, il eut très tôt des problèmes en raison de son intransigeance et de sa violence envers ses camarades. Jeune adulte, il partit pour la Suisse et devint un socialiste assumé. Il finit par rentrer en Italie et par se faire un nom en tant que journaliste de cette obédience.

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    Mussolini prononce un discours dans le célèbre Colisée de Rome, en 1928.

    Mussolini prononce un discours dans le célèbre Colisée de Rome, en 1928.

    PHOTOGRAPHIE DE Andrea Jemolo, Bridgeman Images
    Rassemblement pour Mussolini à Bologne, en 1934.

    Rassemblement pour Mussolini à Bologne, en 1934.

    PHOTOGRAPHIE DE Andrea Jemolo, Bridgeman Images

    Lorsque la guerre éclata en Europe en 1914, l’Italie demeura d’abord neutre. Mussolini, lui, voulait que l’Italie s’implique dans le conflit, ce qui l’opposa au Parti socialiste italien qui l’exclut en raison de ses positions interventionnistes. En réaction, il forma son propre mouvement politique, le Faisceau d’action révolutionnaire interventionniste, dont le but était de faire entrer l’Italie en guerre, ce qu’elle ferait dès 1915.

    Dans la Rome antique, le mot fasces désignait une arme composée d’un faisceau de baguettes en bois, entourant parfois le manche d’une hache. Utilisés par les autorités romaines pour corriger les malfaiteurs, les faisceaux en vinrent à symboliser l’autorité de l’État. Au 19e siècle, les Italiens commencèrent à employer ce mot pour désigner des groupes politiques unis par des objectifs communs.

    Mussolini était de plus en plus convaincu que la société devait s’organiser non pas en fonction des classes sociales ou des affiliations politiques, mais autour d’une identité nationale forte. Il estimait que seul un dictateur « impitoyable et énergique » pouvait « nettoyer » l’Italie et restaurer sa grandeur nationale.

     

    L’ASCENSION DU FASCISME

    Benito Mussolini n’était pas seul. Après la guerre, nombreux étaient les Italiens frustrés par le traité de Versailles. On estimait que ce traité, qui avait redécoupé le territoire des agresseurs, insultait l’Italie en lui accordant bien trop peu de terres. Cette « victoire mutilée » allait façonner l’avenir du pays.

    En 1919, Mussolini fonda un mouvement paramilitaire qu’il nomma les Faisceaux italiens de combat. Successeur du Faisceau d’action révolutionnaire interventionniste, cette unité de combat avait pour objectif de mobiliser des vétérans aguerris capables de rendre à l’Italie sa gloire perdue.

    Mussolini avait l’intention de traduire le mécontentement qui régnait dans son pays en succès politique personnel, mais son jeune parti subit une défaite humiliante aux élections législatives qui se tinrent cette année-là. Mussolini ne recueillit que 2 420 voix contre 1,8 million pour le Parti socialiste, ce qui ravit ses ennemis à Milan qui simulèrent, en son honneur, ses funérailles.

    Loin d’être découragé, Mussolini entreprit de courtiser d’autres groupes hostiles aux socialistes : des industriels et des hommes d’affaires craignant les grèves et les ralentissements d’activité, des propriétaires terriens redoutant la confiscation de leurs terres et des membres de partis politiques inquiets de la popularité croissante du socialisme.

    Les nouveaux alliés puissants de Mussolini l’aidèrent à financer la branche paramilitaire de son mouvement, les Chemises noires. Bien que Mussolini se soit présenté comme un opposant à toute forme d’oppression et de censure, le groupe se fit rapidement connaître pour sa propension à se servir de la violence à des fins politiques.

    Buste de Mussolini exposé à Predappio, en Italie, son lieu de naissance. La statue fait partie ...
    Mussolini régna sur l'Italie pendant vingt années qui furent marqués par une stricte limitation des droits ...
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    Buste de Mussolini exposé à Predappio, en Italie, son lieu de naissance. La statue fait partie d'une exposition organisée pour commémorer le centenaire de la marche sur Rome, en octobre 1922.

    Droite: Fond:

    Mussolini régna sur l'Italie pendant vingt années qui furent marqués par une stricte limitation des droits civils ainsi que par des ambitions impérialistes.

    Photographies de Filippo Venturi

    Les Chemises noires terrorisèrent les socialistes et les ennemis personnels de Mussolini, et ce dans l’ensemble du pays. L’année 1920 fut sanglante et vit les fascistes défiler dans les villes, passer à tabac et tuer des figures de proues du mouvement ouvrier et prendre de facto le contrôle d’autorités locales. Le gouvernement italien, qui partageait l’hostilité des fascistes envers les socialistes, ne fit pas grand-chose pour contenir cette violence.

     

    L’ASCENSION DE MUSSOLINI 

    Bien que Mussolini n’ait contrôlé en réalité qu’une fraction de ces miliciens, leur image impitoyable contribua à sa réputation de chef puissant et autoritaire capable de faire suivre ses paroles d’actes violents et décisifs.

    Surnommé Il Duce (le Guide), il exerça une forte influence sur le peuple italien, le séduisant grâce à son charisme et à sa rhétorique persuasive.

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    Des Italiens célèbrent la chute du fascisme en arrachant et détruisant une statue de Benito Mussolini le 25 juillet 1943. Ce matin-là, le roi Victor-Emmanuel III destitua Mussolini de ses fonctions de chef d'État et le fit arrêter.

    PHOTOGRAPHIE DE Filippo Venturi
    Feldman Berta, née à Odessa en 1913, est l'une des nombreuses victimes de Mussolini. Juive allemande, elle fut internée dans ...
    Bukić Marco d'Andrea fut également victime de la brutalité de Mussolini. Il fut emprisonné à Città Sant'Angelo dans ...
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    Feldman Berta, née à Odessa en 1913, est l'une des nombreuses victimes de Mussolini. Juive allemande, elle fut internée dans le camp de concentration de Lanciano, dans le centre de l'Italie, en 1940.

    Droite: Fond:

    Bukić Marco d'Andrea fut également victime de la brutalité de Mussolini. Il fut emprisonné à Città Sant'Angelo dans les Abruzzes, en Italie, en 1942.

    Photographies de Mattia Crochetti

    En 1921, Mussolini obtint un siège au Parlement et fut même invité à rejoindre le gouvernement de coalition du Premier ministre d’alors, Giovanni Giolitti, qui pensait que Mussolini calmerait ses Chemises noires une fois qu’il aurait obtenu une part du pouvoir politique.

    Mais Giolitti s’était mépris sur le compte de Mussolini qui comptait bien utiliser ses Chemises noires pour accaparer le pouvoir. À la fin de 1921, Mussolini s’appuya sur ce groupe pour former le Parti national fasciste, transformant un mouvement qui comptait 30 000 membres en 1920 en un parti politique de 320 000 adhérents.

    Bien que Mussolini ait de facto déclaré la guerre à l’État, le gouvernement italien fut impuissant à dissoudre le parti et se contenta de regarder les fascistes prendre le contrôle de la majeure partie du nord de l’Italie.

    À l’été 1922, Mussolini vit son heure arriver. Les socialistes avaient annoncé une grève qui, selon Ararat Gocmen, historien de l’Université Princeton « n’était pas [une action] au nom de l’émancipation des ouvriers mais un cri désespéré pour que l’État mette fin à la violence fasciste ».

    Mussolini présenta cette grève comme une preuve de la faiblesse du gouvernement et de son incapacité à diriger. Fort du soutien de nouveaux fidèles désireux de voir rétablis l’ordre et la loi, il décida que le moment était venu de s’emparer du pouvoir.

     

    LA MARCHE SUR ROME

    Le 25 octobre 1922, le lendemain du congrès fasciste de Naples, Mussolini demanda à quatre dirigeants du parti de conduire ses membres jusqu’à la capitale. Mal entraînés et mal équipés, ces hommes auraient probablement dû s’incliner s’ils avaient eu affaire à l’armée italienne. Mais Mussolini avait plutôt l’intention d’intimider le gouvernement pour le contraindre à se soumettre.

    Salle de bureau dans la Villa Carpena, également connue sous le nom de Villa Mussolini, qui fut la ...
    Un partisan actuel du fascisme fait un salut militaire près de la crypte de la famille ...
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    Salle de bureau dans la Villa Carpena, également connue sous le nom de Villa Mussolini, qui fut la résidence de Benito Mussolini et de sa famille. Située à San Martino, la Villa est aujourd'hui un musée.

    Droite: Fond:

    Un partisan actuel du fascisme fait un salut militaire près de la crypte de la famille Mussolini dans le cimetière de San Cassiano, à Pennino.

    Photographies de Filippo Venturi

    Des bataillons fascistes devaient se rassembler aux abords de Rome. Si le Premier ministre refusait de céder le pouvoir aux fascistes, et si le roi Victor-Emmanuel III ne reconnaissait pas ensuite leur autorité, les hommes stationnés là marcheraient sur la capitale et en prendrait le contrôle.

    Tandis que Mussolini restait à Milan, ses fidèles se rassemblaient. Ils semaient le chaos sur leur passage, s’emparaient de bâtiments publics dans les villes qu’ils traversaient en faisant chemin vers Rome. Selon Katy Hull, historienne de l’Université d’Amsterdam bien que le parti ait constamment exagéré ses effectifs, moins de 30 000 hommes prirent part à la marche.

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    Articles en vente dans la boutique Tricolor de Predappio. Située dans la ville natale de Mussolini, la boutique est spécialisée dans la nostalgie fasciste, et notamment dans les bustes de Mussolini et autres souvenirs.

    PHOTOGRAPHIE DE Filippo Venturi

    Luigi Facta, Premier ministre d’alors, tenta d’imposer la loi martiale. Mais le roi pensait que Mussolini rétablir la stabilité et refusa de signer le décret qui aurait mobilisé les troupes italiennes contre les fascistes.

    En signe de protestation, Luigi Facta et son gouvernement démissionnèrent le matin du 28 octobre. Muni d’un télégramme du roi l’invitant à former un gouvernement, Mussolini monta à bord d’un wagon-lit et entreprit un lent voyage de quatorze heures pour rallier Rome depuis Milan. Le 30 octobre, il devint Premier ministre et ordonna à ses hommes de parader devant la résidence du roi en quittant la capitale.

     

    LA CHUTE DE MUSSOLINI

    Le roi, épuisé par la Guerre mondiale et par un état de quasi-guerre civile, avait présumé que Mussolini rétablirait l’ordre. Mais en moins de trois ans, le Duce devint un dictateur absolu et Victor-Emmanuel le laissa agir à sa guise.

    Au fil des années, Mussolini concentra de plus en plus de pouvoir entre ses mains. Son régime fasciste rogna progressivement sur les libertés individuelles, notamment en instaurant un État policier propagandiste. Son programme ne se limita toutefois pas aux affaires intérieures.

    Les ambitions impériales de Mussolini conduisirent l’Italie à occuper l’île grecque de Corfou (on parle de l’incident de Corfou), à envahir l’Éthiopie et à s’allier à l’Allemagne nazie par le biais du « Pacte d’acier » qui mena à l’assassinat de 7 600 à 8 500 Italiens durant la Shoah.

    Mais l’ambition du Duce devait sceller sa perte. Ayant entraîné l’Italie dans la Seconde Guerre mondiale en tant que force de l’Axe aux côtés d’un Adolf Hitler en apparence impossible à arrêter, il présida à destruction de la plupart de son pays.

    Victor-Emmanuel III convainquit les plus proches alliés de Mussolini de se retourner contre lui et contre son gouvernement fasciste. Le 25 juillet 1943, ils parvinrent finalement à le renverser à le faire arrêter.

    Après une évasion de prison spectaculaire, Mussolini dans la partie de l’Italie occupée par les Allemands où, sous la pression d’Hitler, il mit en place un État fantoche, faible et éphémère. Le 28 avril 1945, alors que la victoire alliée se précisait, Mussolini tenta de fuir le pays. Des partisans communistes l’interceptèrent et l’exécutèrent avant d’abandonner son corps sur une place de Milan.

    Bientôt, une foule s’amassa et profana la dépouille du dictateur comme pour évacuer des années de haine et de souffrance. Son corps à peine reconnaissable fut enterré dans une tombe anonyme.

    Il Duce était mort. Mais l’héritage de Benito Mussolini continue de hanter l’Italie à ce jour et le mouvement fasciste qu’il lança demeure, tant dans la vie politique italienne que dans l’imaginaire international.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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