Comment la ruée vers l’or a transformé la Californie

La tâche n’avait rien de simple ni de reluisant. Les maladies se propageaient rapidement. Les tribus autochtones furent déplacées et assassinées. Voici l’histoire des « 49ers ».

De Joel Mathis
Publication 20 juin 2023, 15:42 CEST
Un orpailleur cherche de l’or en Californie sur ce cliché pris en 1885. La ruée vers ...

Un orpailleur cherche de l’or en Californie sur ce cliché pris en 1885. La ruée vers l’or dans cet État américain n’a duré que quelques années, mais certains y cherchent encore aujourd’hui le minerai aurifère. 

PHOTOGRAPHIE DE Underwood Archives, UIG, Bridgeman Images

L’un des derniers actes majeurs du président James K. Polk fut également son intervention la plus lourde de conséquences, puisqu’il contribua à déclencher la ruée vers l’or en Californie.

Après avoir évoqué la guerre américano-mexicaine qui venait de s’achever lors de son dernier discours sur l’état de l’Union de décembre 1848, le président en vint au fait : de l’or avait été découvert dans les collines californiennes. Un ouvrier de scierie, dénommé James Marshall, avait repéré des taches de métal dans le lit d’un ruisseau, et la nouvelle commençait à se répandre.

« Les récits relatant la présence d’or en abondance dans ce territoire sont de nature si extraordinaire qu’ils paraissent difficiles à croire », déclara Polk au Congrès

Au moins 4 000 chercheurs d’or se trouvaient déjà en Californie. Beaucoup d’autres suivirent. Cette annonce contribua à lancer une course effrénée à la richesse qui allait transformer le lointain territoire américain en « État d’or » et laisser dans l'inconscient collectif américain une marque encore visible aujourd’hui.

Le mois dernier, les fortes tempêtes hivernales qui se sont abattues sur la Californie ont provoqué des « mini ruées vers l’or », des passionnés ayant ratissé ruisseaux et rivières à la recherche de minuscules pépites de ce précieux métal charriées depuis les montagnes. L’appât du gain instantané est assurément toujours aussi fort aujourd’hui.

Reste que ces prospecteurs ont peu de chances de devenir riches. Car même les « 49ers » (prononcé « Forty Niners »), arrivés en Californie au plus fort de la ruée vers l’or, en 1849, ne firent pas fortune. 

 

LES EFFETS DE LA RUÉE VERS L’OR SUR LA CALIFORNIE

L’un des moyens de mesurer l’impact de la ruée vers l’or est de se fier à la population. En 1850, un peu plus d’un an après l’annonce de Polk, le Bureau du recensement effectuait son tout premier comptage, et dénombrait 92 597 résidents.

Dix ans plus tard, ce nombre avait presque quadruplé.

« Des hommes de toutes conditions, furent-ils vieux, jeunes, d’âge moyen… abandonnaient leurs activités et engagements existants pour commencer une toute nouvelle vie au pays de l’or », écrivait dans ses mémoires l’artiste J.D. Borthwick, né à Édimbourg. Ce dernier vivait à New York lorsqu’il fut, en 1851, « pris de la fièvre californienne » et se joignit aux foules qui se dirigeaient vers l’ouest. 

Ils ne tombèrent pas cependant sur des terres en friche : la Californie abritait depuis longtemps plusieurs tribus amérindiennes, auxquelles les nouveaux dirigeants de l’État déclarèrent la guerre. La guerre allait « se poursuivre entre les races jusqu’à l’extinction de la race indienne », déclarait le gouverneur Peter Burnett dans son discours sur l’état de l’État en 1851. La population indigène, estimée à 310 000 personnes en 1769, avait chuté à 30 000 individus en 1860.

Portsmouth Square à San Francisco en 1851 lors de la ruée vers l’or en Californie. La ville est l’une des nombreuses grandes agglomérations dont la population a grimpé en flèche grâce à la ruée vers l’or.

PHOTOGRAPHIE DE IanDagnall Computing, Alamy Stock Photo

Pour les tout nouveaux orpailleurs, cependant, l’espoir de faire fortune s’évanouit rapidement. Les conditions de vie pouvaient être dures : les mineurs mangeaient souvent mal, et vivaient dans des logements surpeuplés et miteux où les maladies se propageaient facilement. L’épidémie de choléra qui fit rage à Sacramento en 1850 tua mille personnes en trois semaines. L’orpaillage et le creusage étaient des activités fastidieuses, insalubres, et qui plus est, peu fructueuses. Trouver de l’or était en effet plus une question de chance que d’effort. 

« Nous avons vite compris que, même si ce travail pouvait paraître agréable, c’était la tâche plus laborieuse et, pour la majorité des hommes, la moins gratifiante qui soit », écrivait Augustin Hibbard à son frère quelques mois plus tard.

Quelques hommes devinrent très riches à cette époque ; pas nécessairement parce qu’ils avaient trouvé de l’or, mais parce qu’ils vendaient des marchandises à ceux qui avaient migré dans l’Ouest. Selon une expression populaire, on disait d’eux qu’ils « minaient les mineurs ». Le premier millionnaire de Californie n’était pas un mineur, mais un marchand et éditeur de journaux, Samuel Brannan, qui passa la ruée vers l’or à vendre du matériel et des provisions aux nouveaux arrivants. Citons comme autres marchands Leland Stanford, qui fonda l’université de Stanford ; Domingo Ghirardelli, devenu célèbre pour son commerce de chocolat et de café, et Levi Strauss, le fabricant de blue-jeans.

La ruée vers l’or attira non seulement des migrants de l’Est américain, mais aussi de l’étranger. En 1852, 20 000 immigrants chinois arrivèrent en Californie, comptant pour un tiers de l’augmentation de la population de l’État cette année-là. Souvent confrontés au racisme, ces migrants occupaient des emplois dangereux et mal payés, et devaient constamment être sur leurs gardes à cause des raids violents perpétrés dans les camps. La loi n’aida pas : les migrants chinois ne furent pas autorisés à témoigner devant les tribunaux après la condamnation pour meurtre d’un homme blanc. Pendant un an, la Foreign Miners License Law de 1850 imposa une taxe mensuelle de 20 dollars aux mineurs d’or non américains. Cette loi eut un effet durable : un grand nombre de ces migrants chinois s’installèrent à San Francisco, fondant ainsi le premier quartier asiatique des États-Unis.

Ces nouveaux arrivants transformèrent la géographie de l’État. Trois villes, autrefois petites et calmes, se transformèrent soudain en villes prospères : San Francisco, Sacramento et Stockton. Cet essor accéléra considérablement l’expansion des États-Unis vers l’ouest. Grâce à ses ressources et à sa population croissante, la Californie devint le trente-et-unième État américain en septembre 1850, devançant des territoires situés bien plus à l’est, comme le Minnesota et le Kansas.

 

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    L’HÉRITAGE PÉRENNE DE LA RUÉE VERS L’OR

    L’apogée de la ruée vers l’or en Californie fut de courte durée. En 1851, un journal se lamentait : « Nous apprenons maintenant que de nombreuses mines sont complètement épuisées et abandonnées ». Les revenus des mineurs passèrent d’environ 20 dollars par jour en 1848 à moins de 8 dollars par jour en l’espace de trois ans. Autrefois individuelle, l’exploitation minière devint rapidement une activité dominée par les entreprises et les machines ; les mineurs commencèrent à s’organiser en sociétés lorsqu’il devint évident qu’il y avait plus de personnes que de concessions d’or en exploitation. À partir de 1853, les opérations d’« extraction hydraulique », qui consistaient à creuser les montagnes à l’aide de jets d’eau à haute pression, eurent des effets dévastateurs sur l’environnement. Le processus souilla les lacs, abattit les forêts et endigua les rivières.

    Au cours des cinq années qui séparent la découverte de Marshall et le début de l’exploitation minière par les entreprises, 340 tonnes d’or auraient été extraites des montagnes, des rivières et des ruisseaux de Californie, soit l’équivalent de 81 millions de dollars en 1852. À cette époque, la ruée vers l’or avait immuablement modifié l’État. Borthwick nota dans ses mémoires que la colonisation européenne se fit progressivement dans de nombreux territoires, mais que « le processus fut beaucoup plus brutal », en Californie, où « des milliers d’hommes, qui jusqu’alors ne se connaissaient pas et sans relations communes, furent soudainement réunis. » 

    Et ce flux humain ne cessa pas. 

    Après avoir quadruplé entre 1850 et 1860, la population de l’État doubla une nouvelle fois au cours des vingt années suivantes. Elle continua à croître rapidement, faisant de l’État un point d’ancrage pour la population américaine désireuse de s’aventurer vers l’ouest ; un phénomène qui commencerait à peine à s’essouffler. 

    Tirée par les secteurs de l’agriculture, de la technologie et du divertissement, la Californie est aujourd’hui la cinquième économie mondiale, et pourrait bientôt dépasser l’Allemagne et atteindre la quatrième place. L’État a été source de richesse pour de nombreuses personnes ; et l’or n’en fut que le présage.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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