Sous-estimée, la sixième et dernière femme d’Henri VIII façonna l’Angleterre

Catherine Parr fit plus que de se contenter de survivre à son terrible époux. Elle façonna l’avenir du royaume et prépara le futur règne d'Élisabeth Iere.

De Parissa DJangi
Publication 28 sept. 2023, 15:08 CEST

Catherine Parr ne fut pas simplement la sixième (et dernière) épouse d’Henri VIII d’Angleterre. Elle fut une érudite douée et une dirigeante capable qui cultiva les mêmes qualités chez sa belle-fille, la future reine Élisabeth Ire.

PHOTOGRAPHIE DE Ian Dagnall Computing, Alamy Stock Photo

« Divorcée, décapitée, décédée ; divorcée, décapitée, rescapée » : cette rime a aidé des générations d’étudiants de l’Histoire royale britannique à se souvenir du sort des six épouses d’Henri VIII.

L’Histoire se souvient peut-être de Catherine Parr, sixième épouse du monarque, comme d’une femme tout juste « rescapée » de son mariage, mais sa vie, qui fait aujourd’hui l’objet d’un film biographique, Firebrand, avec Alicia Vikander et Jude Law, ne commença, ni ne se termina avec le roi d’Angleterre. Catherine Parr fut une érudite douée et une reine capable qui contribua grandement à façonner l’avenir de son royaume.

 

LA REINE RÉTICENTE

Née en 1512, Catherine Parr apprit à apprivoiser la pouvoir par elle-même dès son plus jeune âge. Sa mère, Maud, qui était dame d’honneur de la reine Catherine d’Aragon, la première épouse d'Henri VIII, comprenait toute l’importance de l’éducation, en particulier pour les filles. Ainsi, elle conçut une éducation humaniste pour sa fille : latin, français, études religieuses et mathématiques étaient probablement au programme pour elle.

Le sort qui attendait Catherine était le même que pour la plupart des filles de l’aristocratie : le mariage. À l’âge de 31 ans, elle était déjà deux fois mariée et deux fois veuve. Son premier mari, Sir Edward Burgh, mourut en 1533 après quatre ans de mariage. John Neville, son deuxième mari, avait dix-neuf ans de plus qu’elle et mourut en 1543.

En 1542, Catherine suivit les traces de sa mère et devint dame d’honneur de la princesse Marie, fille d’Henri VIII. Quand Catherine arriva à la cour, un autre homme attira son attention : Thomas Seymour, frère de la troisième épouse du roi, la défunte Jane Seymour, morte en 1537. Son attirance pour le séduisant et charismatique Thomas Seymour se transforma en amour. Ainsi qu’elle le lui avoua, « mon esprit était pleinement destiné […] à vous épouser avant tout autre homme de ma connaissance ».

Mais avant que Catherine n’épouse l’amour de sa vie, une autre personnalité la courtisa : Henri VIII lui-même. Affligé d’ulcères aux jambes et par la goutte, le roi n’était en 1542 plus que l’ombre du glorieux monarque éclatant de l’Angleterre qu’il avait été. Il était aussi fraîchement célibataire. Plus tôt cette année-là, il avait fait exécuter sa cinquième femme, Catherine Howard, âgée de dix-huit ans. Ainsi, lorsque l’homme de cinquante-deux ans jeta son dévolu sur Catherine Parr, qui en avait vingt-et-un de moins, beaucoup supposèrent qu’il n’était pas à la recherche d’une femme, mais d’une infirmière.

Initialement, Catherine repoussa nettement les avances d’Henri VIII. Mais il ne cédait pas. Elle finit par considérer son mariage avec Henri VIII comme un devoir d’ordre divin, comme un devoir qui « m’a fait entièrement renoncer à ma propre volonté », ainsi qu’elle l’écrivit des années plus tard. Ils se marièrent le 12 juillet 1543.

« En épousant le Roi plutôt que [Seymour], Catherine Parr sacrifia son cœur au nom du devoir », écrit l’historienne Jane Dunn.

 

PRENDRE LES RÊNES

Catherine sut tirer le meilleur parti de son sacrifice et embrassa sa fonction royale. Son rôle de reine consort illustre ce que l’historienne Sarah Gristwood appelle « un rôle dépassant la fonction de machine à procréer qui est généralement celle de la reine consort ».

Lorsque Henri passa trois mois en France en 1554, il confia les clés du royaume à Catherine. En tant que régente, Catherine passa en revue des documents administratifs et travailla de concert avec les conseillers pour superviser les affaires de l’État. Ses fonctions donnèrent également aux deux filles d’Henri VIII « l’occasion d’observer le royaume sous la responsabilité d’une reine », selon l’universitaire Janel Mueller ; une occasion qui s’avéra particulièrement utile.

En effet, Catherine Parr joua un autre rôle important : celui de réconciliatrice au sein de la famille royale. Henri avait une relation difficile avec ses enfants et avait même écarté ses filles de la ligne de succession.

Marie était son aînée, et le mariage du roi avec sa mère, Catherine d’Aragon, s’était tant dégradé que le monarque rompit les liens de l’Angleterre avec l’Église catholique juste pour pouvoir en divorcer.

La deuxième fille d’Henri était Élisabeth, qu’il avait décrétée illégitime en 1536 après avoir fait exécuter sa mère, Anne Boleyn.

Enfin, le troisième enfant et héritier désigné d’Henri était Édouard, dont la mère, Jane Seymour, mourut peu après avoir accouché en 1537.

Dans cette illustration, le roi Henri VIII d'Angleterre est entouré de ses six épouses : Anne de Clèves, Jeanne Seymour, Catherine Parr, Catherine Howard, Anne Boleyn et Catherine d'Aragon.

PHOTOGRAPHIE DE Stefano Bianchetti, Bridgeman Images

Catherine Parr noua des liens aimants avec l’ensemble de ses beaux-enfants et travailla à remettre sur pied la famille brisée d’Henri ainsi que les droits naturels de ses filles. Elle conseilla à Henri de rétablir leur place dans l’ordre de succession derrière Édouard. Début 1544, Henri officialisa cette décision en consentant au Troisième Acte de succession, loi qui façonna l’Angleterre pour le restant du siècle, car ses enfants allaient chacun leur tour monter sur le trône.

 

UNE REINE ÉRUDITE

Dans le sillage de sa mère, Catherine Parr fut une érudite à part entière. En 1545, cette pionnière devint la première femme d’Angleterre à publier une œuvre en langue anglaise sous son propre nom : Prayers or Meditations, un texte religieux.

Elle transmit son amour de la connaissance à ses beaux-enfants en prenant part à leur éducation. Le lien qu’elle entretenait avec Élisabeth, précoce et déterminée, fut particulièrement fort, et Catherine encouragea l’esprit vif de la jeune princesse. Elle fit en sorte de s’attacher les services de William Grindal, qui devint le tuteur d’Élisabeth et dont l’expertise de la langue grecque permit vraisemblablement de développer le don d’Élisabeth pour les langues. Élisabeth traduisit même des œuvres publiées et les offrit à sa belle-mère. Quand elle lui offrit sa traduction du Miroir de l’âme pécheresse de Marguerite d’Angoulême, elle l’invita à « effacer, polir et raccommoder » les erreurs dans sa traduction de ce poème religieux.

Cependant, la dévotion protestante de Catherine lui valut des critiques à la cour. La Réforme anglaise battait encore son plein, et de nombreux nobles rejetaient ce qu’ils voyaient comme un protestantisme zélé. On se plaignait de ce que Catherine revendiquait trop d’influence sur le roi. Certains allèrent même jusqu’à la qualifier d’hérétique.

Mais les velléités de mutinerie s’étouffèrent d’elles-mêmes lorsque Henri VIII mourut le 28 janvier 1547. Catherine était veuve pour la troisième fois.

 

FAÇONNER L’AVENIR DE L’ANGLETERRE

La mort d’Henri mit un terme à la qualité de reine de Catherine, mais ne mit pas fin à sa relation avec ses beaux-enfants, et en particulier avec Élisabeth. Tandis que Marie gérait ses propres domaines et qu’Édouard était sous la tutelle d’un conseil de régence, la jeune princesse, désormais deuxième dans l’ordre de succession au trône, alla vivre avec Catherine à Old Manor, à Chelsea.

Élisabeth n’y était pas la seule nouvelle-venue. Des années de mariage avec Henri n’avaient pas apaisé les sentiments de Catherine pour Thomas Seymour, son ancien amour. C’est ainsi que quatre mois seulement après être redevenue veuve, elle épousa ce dernier ; un acte qui heurta la cour.

Mais Thomas Seymour ne tarda pas à détourner son attention vers Élisabeth, qui n’avait que 14 ans. À en croire de nombreux témoignages, il se comporta de manière inappropriée avec la jeune princesse. Pour les séparer, et vraisemblablement pour protéger la jeune fille, Catherine envoya Élisabeth vivre avec des amis.

Ni l’une ni l’autre ne savaient que cette séparation serait définitive. Le 30 août 1548, Catherine donna naissance à une fille prénommée en l’honneur de la princesse Marie ; elle ne s’en remit pas. Quand Catherine mourut le 5 septembre 1548, elle n’avait que 36 ans.

Catherine avait non seulement survécu à son époux, mais elle avait également laissé un héritage qui devait leur survivre à l’un comme à l’autre. En 1558, quand la belle-fille adorée de Catherine devint Élisabeth Ire et accéda au trône, elle le fit avec l’intelligence aiguisée et la confiance que sa belle-mère avait cultivées en elle.

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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