La secte des Assassins a-t-elle vraiment existé ?

Si la secte des Assassins a bien fait régner la terreur sur le monde musulman, la plupart des fantasmes dont ces guerriers fanatisés font l'objet sont infondés.

De Erin Blakemore
Publication 25 oct. 2024, 09:01 CEST
Ruines de la forteresse nizârite de Masyaf, en Syrie.

Ruines de la forteresse nizârite de Masyaf, en Syrie. 

PHOTOGRAPHIE DE agefotostock, Alamy

Un ordre secret d'assassins contrôlait-il secrètement le Moyen-Orient du temps des croisades ? C'est en tout cas une légende réécrite et pensée pour les jeux vidéo et les chroniques de l'ère des Croisés. Mais le mot « assassin » dérive en fait d'un terme péjoratif pour désigner l'État nizârite ismaélien, un groupe secret mais éphémère de musulmans chiites.

Les origines des Nizârites remontent au schisme originel de l'islam en l'an 632 de notre ère, lorsque la succession du prophète Mahomet a divisé la communauté musulmane en Chiites et Sunnites. Puis, au IXe siècle, un autre désaccord a éclaté parmi les Chiites. Les adeptes d'Ismaël, prophète de l'islam et patriarche biblique, ont formé la communauté chiite ismaélienne.

Une peinture médiévale représente le meurtre d'un vizir persan du 11e siècle par un membre des fedayins.

PHOTOGRAPHIE DE CPA Media Pte Ltd, Alamy

En 1095, Nizar, un prince ismaélien, devait assurer la gouvernance du Caire. Lorsqu'on lui a préféré son frère cadet, Nizar s'est brièvement emparé d'Alexandrie, avant d'être exécuté. Ses partisans ont fui en Perse, où ils ont fondé leur propre branche de l'ismaélisme et établi leur propre ligne de succession. Le missionnaire ismaélien Hassan ibn al-Sabbah est devenu leur chef.

Dépeints comme des hérétiques décadents, les Nizârites étaient détestés par les musulmans chiites et sunnites. En infériorité numérique et entouré d'ennemis de toutes parts, l'État nizârite, assiégé, a fait ce qu'il fallait pour survivre. La secte a créé des bastions dans les montagnes perses et syriennes et a formé un petit groupe de combattants appelés fedayins, ou « ceux qui se sacrifient ». Les fedayins étaient connus pour leur dévouement total, qui allait jusqu'à la mort.

Les tactiques militaires traditionnelles auraient été inutiles pour les Nizârites, qui se étaient en infériorité numérique. Au lieu de cela, les fedayins ont mené des frappes presque chirurgicales contre des cibles politiques bien précises. Formés à infiltrer les milieux cibles, tuer et se soumettre à la torture et à la mort si nécessaire, les fedayins nizârites ont rapidement acquis une réputation démesurée. Les croisés chrétiens, récemment arrivés en Terre Sainte, ont également appris à les craindre, bien que les Nizârites aient ponctuellement formé des alliances avec les croisés

Les historiens pensent que les observateurs occidentaux, qui ne comprenaient pas pourquoi les Nizârites avaient recours à de telles pratiques guerrières, supposaient qu'ils étaient sous l'emprise d'une sorte de drogue comme le haschich. Le mot arabe Hashishin, ou « consommateur de haschisch », a été associé aux Nizârites par d'autres groupes musulmans, puis adopté par les croisés et occidentalisé pour donner assassins. Finalement, le terme impropre a fini par désigner l'auteur d'un meurtre avec préméditation, dans certains cas rémunéré.

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    Les voyageurs européens comme Marco Polo ont répandu des histoires fantaisistes sur les Nizârites, comme le mythe entourant le Vieux de la montagne, qui, dit-on droguait ses hommes pour en faire des tueurs. Une miniature du XVe siècle représente le Vieux de la montagne rencontrant ses disciples.

    PHOTOGRAPHIE DE Universal History Archive, Getty

    Marco Polo et bien d'autres ont fait circuler toutes sortes d'effroyables rumeurs sur les Assassins, y compris des allégations selon lesquelles les fedayins étaient sous l'emprise du Vieux de la montagne, un successeur de Hassan qui, dit-on, consommait de la drogue pour intoxiquer les jeunes hommes, puis les incitait à se battre en leur faisant miroiter un faux paradis décadent créé au sein de sa forteresse. « Enracinés dans la peur, l'hostilité, l'ignorance et la fantasme, les mythes sur les Ismaéliens ont enflammé l'imaginaire populaire d'innombrables générations », écrit l'historien Farhad Daftary.

    L'État ismaélien nizârite a réussi à survivre pendant 166 ans. Mais il ne put résister aux Mongols, qui commencèrent leur conquête du monde islamique en 1219 et repoussèrent les Nizârites toujours plus loin. Suite à la perte de tous leurs bastions, les Nizârites survivants ont dû se résoudre à fuir.

    Des siècles après la chute de l'État nizârite, la communauté religieuse ismaélienne perdure. Aujourd'hui, jusqu'à 15 millions d'Ismaéliens vivent dans plus de 25 pays à travers le monde, et constituent le deuxième plus grand groupe de musulmans chiites. Pour la majorité d'entre eux, les Ismaéliens sont toujours nizârites.

    Alors que le temps des assassinats ciblés est révolu depuis longtemps, les légendes salaces et fallacieuses sur les Nizârites perdurent dans la culture populaire : la série de jeux vidéo Assassin's Creed est devenue l'une des franchises de jeux vidéo les plus vendues de tous les temps - mais l'image sensationnaliste qu'elle donne des Assassins n'a aucun fondement historique.

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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