Le mesmérisme : canular élaboré ou progrès médical ?

Dans les Paris et Vienne du 18e siècle, le magnétisme animal faisait de nombreux adeptes - dont Marie-Antoinette - mais son succès attira les foudres des sceptiques.

De Antonio Fernandez
Mettant en pratique ses théories du magnétisme animal, Franz Mesmer dirige une séance de thérapie avec ses patients positionnés autour d'un grand baquet.
PHOTOGRAPHIE DE Josse, Scala, Florence

Le médecin Franz Anton Mesmer, vêtu de pantoufles en or et d'une robe en soie lavande, se déplace lentement dans la pièce silencieuse et faiblement éclairée en agitant une baguette métallique.

Un baquet, sorte de grande cuve de chêne remplie d'eau magnétisée, est posé au milieu du salon richement aménagé. Les patients de Mesmer entourent le baquet et pressent les tiges de métal saillantes qui y sont fixées contre les zones de leur corps les faisant souffrir. 

Des notes éthérées d'un harmonica en verre, dont le son ressemble à celui de verres que l'on fait s'entrechoquer, résonnent alors que l'encens embaume l'air ambiant. 

Après un mouvement de baguette ou l'apposition des mains, certains patients de Mesmer entrent en transe, des « crises » cathartiques et curatives aux airs de violentes convulsions, d'éclats de rire ou de cris perçants.

Gravure du 18e siècle de Franz Anton Mesmer, le médecin allemand qui théorisa le mesmérisme.
PHOTOGRAPHIE DE Alamy, ACI

 

MAGNÉTISME ANIMAL

Mesmer a commencé à mettre en pratique ce traitement peu orthodoxe à la fin de l'année 1774. Pendant deux ans, il a appliqué les remèdes médicaux habituels du 18e siècle, notamment des ampoules et des saignements, à une patiente de 28 ans, Franziska Österlin, dont les maladies allaient des maux d’oreille à la mélancolie. Jugeant les méthodes traditionnelles vaines, Mesmer suivit la suggestion du prêtre jésuite et astronome Maximilian Hell, qui attachait des aimants à ses patients pour traiter divers maux. Mesmer a appliqué cette même thérapie magnétique à Österlin et l'a déclarée guérie.

Dans sa thèse de doctorat, Mesmer affirma que la force de gravitation des planètes, du Soleil et de la Lune affectait également le corps humain. Mais après sa rencontre avec le père Hell, Mesmer modifia sa théorie de la « gravitation animale » en une théorie du « magnétisme animal ».

Cette force universelle n'était pas une gravitation externe, mais plutôt une force interne. Mesmer a commencé à baser sa pratique médicale sur sa conviction qu'un fluide invisible traversait tous les êtres vivants. La maladie apparaissait lorsque le débit du fluide se retrouvait entravé. La santé pouvait être rétablie par contact avec un conducteur de magnétisme animal. Les aimants thérapeutiques utilisés par le père Hell étaient superflus, selon Mesmer, car lui-même ou tout autre objet qu’il magnétisait, pouvait restaurer le flux.

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    Traité de 1779 du Dr Franz Anton Mesmer sur "La découverte du magnétisme animal"
    PHOTOGRAPHIE DE Granger, Album

    En 1775, Mesmer partagea sa découverte du magnétisme animal avec des médecins et des académies scientifiques, les invitant à émettre des commentaires. La seule réponse qu'il reçut fut dédaigneuse. Mesmer tenta ensuite de démontrer le bien-fondé de sa méthode au médecin Jan Ingenhousz. Ingenhousz comprit que Franziska Österlin, la jeune patiente de 28 ans, ne répondait qu'aux objets qu'elle considérait être des aimants ou étant liés à Mesmer, mais pas aux autres aimants qu'il avait cachés dans la pièce. Comme elle ne ressentait pas la présence de ces autres aimants, Jan Ingenhousz dénonça publiquement Mesmer comme un imposteur. 

    Pour redorer son blason et démontrer l'efficacité du magnétisme animal, Mesmer s'attaqua à un cas difficile. Aveugle depuis l'enfance, la pianiste Maria Theresa Paradis, âgée de 18 ans, avait été traitée par des médecins réputés de Vienne, qui lui avaient appliqué des plâtres et des sangsues, allant même jusqu'à émettre des décharges électriques à travers ses yeux, sans aucun effet. Elle commença le traitement avec Mesmer en 1777. Celui-ci prétendit bientôt avoir permis à la jeune fille de recouvrer la vue, notant qu'elle « avait peur de voir des visages humains » et qu'elle pouvait imiter les expressions peintes sur de petites figurines.

    Le succès apparent de Mesmer fut suivi d'accusations d'un triumvirat de détracteurs : un médecin réputé, qui considérait Mesmer comme un charlatan ; le père de Maria, qui craignait que le public ne se détourne de sa fille si celle-ci était guérie ; et Maria elle-même, que les tests à répétition avaient irritée et qui rencontrait de plus en plus de difficultés à se produire sur scène. Mesmer a néanmoins poursuivi le traitement et invité le public à assister à son rétablissement imminent. Mais quand elle rentra chez elle, la famille de Maria déclara qu'elle était toujours aveugle. La tentative de reconnaissance de Mesmer avait échoué une fois de plus.

     

    FUITE POUR PARIS

    Discrédité et ridiculisé à Vienne, Mesmer partit pour Paris en janvier 1778. La Ville lumière semblait prête à adopter la thérapie novatrice de Mesmer. Installé dans le luxueux Hôtel Bouillon, le charismatique Mesmer se trouva bientôt submergé, traitant une vingtaine de patients par jour. Le baquet devint sa méthode de traitement de masse et ses séances se transformèrent bientôt en thérapie de groupe.

    Les patients se tenaient la main autour du baquet aimanté, leur connexion physique facilitant davantage le flux - et le pouvoir guérisseur - du magnétisme animal. La combinaison d'un éclairage tamisé, d'une musique apaisante et des mouvements captivants de Mesmer dans la pièce créa ce qui est maintenant reconnu comme une forme d'hypnotisme. Au 18e siècle, on appelait ça le mesmérisme.

    Pour être utilisé dans le cadre de sa thérapie, Franz Mesmer a inventé le baquet, un vase en bois qu’il remplissait « d’eau magnétisée » et auquel étaient attachées des cordes et des tiges métalliques, chacune munie d’un aimant à la base.
    PHOTOGRAPHIE DE Alamy, ACI

    Mesmer espérait que le corps médical et scientifique changerait d'avis en découvrant les témoignages élogieux de ses patients. L'Académie française des sciences et la Royal Society of Medicine ont maintes fois ignoré Mesmer et ses prétentions sur une quelconque panacée miraculeuse.

     

    JUSQU'AUX SALONS DE LA REINE

    Dans les années qui ont précédé la Révolution française, le mesmérisme gagna progressivement une dimension véritablement politique. Défiant ouvertement les institutions de l'Ancien Régime, Mesmer affirmait que la liberté était aussi nécessaire au bonheur qu'à la santé. Parce que l'harmonie physique et l'harmonie sociale partageaient un lien, la république devrait être fondée sur la souveraineté des citoyens, et non sur un système monarchique et féodal.

    En août 1784, Louis XVI (dont l'épouse, Marie-Antoinette, était une patiente de Mesmer) ordonna à une commission d'évaluer Mesmer et ses méthodes de traitement. Le comité composé de neuf membres - comprenant l'inventeur et homme d'État américain Benjamin Franklin, l'astronome Jean Bailly, le chimiste Antoine Lavoisier et le médecin Joseph Guillotin - a soumis Charles Meson d'Eslon, protégé de Mesmer, à une évaluation. Le comité avait pour objectif d'examiner la pratique du magnétisme animal en général, et non les méthodes d'un praticien isolé.

    Après avoir testé le contenu du baquet, observé des séances de traitement en groupe et suivi un traitement eux-mêmes, le comité conclut que la théorie du magnétisme animal de Mesmer était « dépourvue de fondement », car il était impossible de prouver l'existence d'un fluide dépourvu de goût, de couleur et de parfum. Lorsque le rapport de la commission a été publié, Mesmer perdit une grande partie de l'appui du public et devint le sujet méprisé des satires. Il a quitté Paris, vivant dans une relative obscurité jusqu'à sa mort en 1815.

     

    DES POUVOIRS DE GUÉRISON

    La commission s'était attachée à déterminer si Mesmer avait découvert un nouveau type de fluide universel et non à déterminer si les symptômes du patient étaient soulagés ou guéris. À cette fin, ils reconnurent que le pouvoir de suggestion sur l'imagination pouvait avoir une valeur thérapeutique. 

    Benjamin Franklin souscrit à la proposition d'Eslon selon laquelle « Si Mesmer n'avait pas d'autre secret que celui de faire en sorte que l'imagination agisse pour améliorer la santé, ne serait-ce pas un merveilleux avantage ? » 

    Étonné par les réponses des patients lors des séances des thérapies de groupe, le comité écrivit : « Tous se soumettent au magnétiseur... même s'ils semblent plongés dans le sommeil, sa voix, un regard, un signal les en tire... on ne peut s'empêcher de reconnaître la présence d'un grand pouvoir détenu par le magnétiseur qui déplace et contrôle ses patients. »

    Mesmer était un ami et un mécène de Wolfgang Amadeus Mozart. Le compositeur a immortalisé Mesmer dans son opéra Così fan tutte (1790), dans lequel deux personnages sont ravivés à l'aide d'un aimant : "Ceci est... la pierre découverte par le grand docteur Mesmer... qui est devenu si célèbre en France." Portrait posthume de Wolfgang Amadeus Mozart, peint par l'artiste autrichienne Barbara Krafft en 1819
    PHOTOGRAPHIE DE Album

    Plus de 200 ans plus tard, cette description de Mesmer et son style de traitement font maintenant partie du lexique moderne. Webster définit le magnétisme animal comme « un charme ou un appel magnétique » .

    La théorie de Mesmer, tout comme l'homme lui-même, était mystique et complexe. Mais à une époque qui offrait des traitements médicaux parfois plutôt toxiques et durs, et qui pouvaient souvent être aussi dangereux pour le patient que la maladie elle-même, Mesmer offrait un traitement apaisant et inoffensif. Il avait compris comment l'induction d'un état mental évocateur pouvait soulager la douleur ou les afflictions, psychosomatiques ou non. Sa technique reste la base de la pratique moderne de l'hypnose thérapeutique.

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