Trois millénaires après sa mort, Amenhotep Ier a été passé au scan

Pour ne pas risquer d'altérer la conservation exceptionnelle de la momie d'Amenhotep Ier, des experts en paléo-radiologie ont réalisé un scanner pour le moins révélateur.

De Margot Hinry
Publication 19 janv. 2022, 11:16 CET, Mise à jour 21 janv. 2022, 13:21 CET
Reconstitution 3D de la tête d’Amenhotep Ier, grâce à un scanner de tomographie assistée par ordinateur ...

Reconstitution 3D de la tête d’Amenhotep Ier, grâce à un scanner de tomographie assistée par ordinateur (CT).

PHOTOGRAPHIE DE Sahar Saleem

Découverte en 1881, elle avait été gardée emballée et parfaitement conservée depuis. En mai 2009, Sahar Saleem, experte en radiologie et en paléo-radiologie, réalise un scanner de la momie. Dès lors, des mois de travail s’enchaînent pour étudier les résultats très précis de ces images. Mais il aura fallu finalement attendre la fin de l’année 2021, pour que le ministère égyptien des Antiquités dévoile publiquement des photos de la reconstitution en 3D de la tête du pharaon.

La momie a été exposée au Musée égyptien du Caire pendant plus d'un siècle jusqu'à ce qu'elle soit déplacée en avril 2021 lors d'une parade royale, avec vingt-et-une autres momies royales, vers un nouveau musée à Tahrir-Le Caire, le Musée national de la civilisation égyptienne (NMEC). Le scanner était monté sur un camion dans le jardin du premier musée. « C'était pratique de faire le scanner avant que la momie ne soit transférée dans le nouveau musée, car l'appareil n'était qu'à quelques mètres dans le jardin du musée. Nous utilisons les données d'imagerie tomographique pour assurer le transfert et la conservation de la momie au NMEC » explique Sahar Saleem.

Cette technique d’imagerie permet d’observer précisément l’intérieur de la momie sans devoir retirer les différentes épaisseurs dont elle est recouverte. Grâce au scan, la scientifique a pu « retirer numériquement les centaines de couches d'enveloppes placées sur le corps du pharaon ». Elle précise que certaines enveloppes peuvent atteindre une longueur totale d’un peu plus de 2 kilomètres. En les retirant, « le style de momification » est abîmé et surtout, la momie elle-même s'en trouve généralement endommagée. « C'est la raison pour laquelle le corps de Toutankhamon a été gravement endommagé lors du déballage physique par Howard Carter en 1925 ».

 

SANS IMPACT POUR LA MOMIE

Afin d’effectuer des recherches aussi précises que celles que Sahar Saleem et Zahi Hawass ont publiées dans Frontiers in Medecine, il a fallu avoir recours à la paléo-radiologie. Il s’agit d’un processus relativement semblable à la radiographie, utilisée sur des sujets vivants. Le scanner est combiné à un logiciel informatique et permet d’obtenir des images 3D très précises du sujet. « Pour la momie d'Amenhotep Ier, j'ai réalisé des milliers de coupes CT très fines du corps de la momie, d'une épaisseur inférieure à celle d'un cheveu » explique l’experte en radiologie. Ces milliers de visuels ont ensuite été rassemblés pour obtenir une reconstruction totale du corps du roi, comme les pièces d’un puzzle, en 3D.

Entre les années 1930 et 1960, la momie avait d’ores et déjà été radiographiée. Les données étaient alors relativement limitées, « elle fournissait toutes les données de l'objet en 3D sur un film en 2D, si bien que de nombreuses données se chevauchaient » relève Sahar Saleem.

Momie du roi Amenhotep 1er 

PHOTOGRAPHIE DE Sahar Saleem

Les avancées technologiques ont permis à ces scientifiques d'obtenir des données beaucoup plus précises sur l’apparence du roi et sur son hygiène de vie. « Ces informations comprennent le visage de la momie, sa stature, l'état de ses dents, son état de santé, son âge précis, le style de momification initial, les blessures infligées par les anciens pilleurs de tombes, ainsi que le traitement proposé par les prêtres d'une dynastie ultérieure (21e dynastie) lorsqu'ils ont ré-inhumé la momie du pharaon ».

Aujourd’hui, la tomodensitométrie est utilisée dans le milieu médical pour observer l’organisme de l’intérieur. Cette analyse médicale injecte dans la plupart des cas un produit de contraste dans le corps pour observer plus facilement ce qu’il s’y passe. Dans le cas de la paléo-radiologie, le protocole est adapté à l’état de la momie. « Le scanner peut différencier les différents tissus de différentes densités, car la pénétration des rayons X est différente en fonction des matériaux. Le scanner permet d'obtenir [des images] d’une momie, même dans son cercueil, et de recueillir de nombreuses informations sur les matériaux qui la composent. Os, tissus desséchés, maladies, tissus, métaux, bois, pierres, … » affirme Sahar Saleem.

 

QUE CACHAIENT CES ENVELOPPES ?

Le scanner tridimensionnel a révélé que le jeune roi de trente-cinq ans était en bonne santé avant sa mort, qu’il ressemblait beaucoup à son père avec « un menton et un petit nez étroit, des cheveux bouclés et des dents supérieures légèrement saillantes ». Amenhotep Ier était le deuxième pharaon de la 18e dynastie égyptienne. Il a régné avant l’ère chrétienne, de -1525 à -1504 environ.

Avant les résultats de cette radiographie, plusieurs hypothèses avaient été formulées quant aux intentions des prêtres de la 21e dynastie, qui avaient restauré et enterré à nouveau les momies royales des dynasties antérieures.

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    La momie d'Amenhotep Ier a été découverte avec d'autres momies royales dans une cache royale en 1881. Elles avaient toutes été déballées, à l’exception de celle d’Amenhotep Ier. En « déballant » numériquement cette momie, Sahar Saleem dit avoir découvert « les secrets du traitement des momies royales […]. L'étude a prouvé le grand soin apporté par les prêtres de la 21e dynastie au ré-enterrement de la momie du roi Amenhotep Ier. [Notamment, par l’observation de] la préservation des ornements en or et au placement de nombreuses amulettes, ce qui confirme la volonté de ré-enterrer les momies royales pour les préserver. »

    Pour Sahar Saleem, « le scanner est l'avenir des découvertes archéologiques. C'est une méthode sure qui peut fournir beaucoup d'informations, et pas seulement sur les momies ! J'ai fait des scanners de cercueils, de pots scellés, de boîtes fermées, de statues. Le scan a contribué à réécrire l'histoire en révélant des informations importantes sur les civilisations. La tomodensitométrie s'adapte également aux progrès de la technologie. Aujourd'hui, le scanner […] permet d'identifier la composition exacte du matériau à l'intérieur de la momie, ou de l'objet ancien, sans avoir besoin de prélever un échantillon ou d'endommager ce précieux héritage ».

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