Ebola : le virus, la maladie et ses traitements

Le virus Ebola est à l'origine d'une maladie qui tue jusqu'à 90 % des personnes qu'elle touche. Un vaccin prometteur pourrait bientôt tout changer.

De Michael Greshko
Les filaments d'un virus Ebola (en vert) prolifèrent autour d'une cellule infectée.
Les filaments d'un virus Ebola (en vert) prolifèrent autour d'une cellule infectée.
PHOTOGRAPHIE DE Callista Images

Ebola est un virus rare qui infecte les humains et non-humains comme les cochons ou les primates. Comme d'autres virus, il appartient au genre Ebolavirus qui ne compte que quatre virus infectieux pour l'Homme : Ebola, Soudan, Forêt de Taï et Bundibugyo.

Certains virus du genre Ebolavirus ne provoquent pas de symptômes chez l'Homme, comme Reston ebolavirus, la variété qui a fait l'objet d'un livre intitulé The Hot Zone puis d'une série éponyme (cette variété est tout de même à l'origine de maladies chez le cochon). Une nouvelle variété baptisée Bombali a été découverte en juillet 2018 chez les chauves-souris mais il n'a pas encore été déterminé si cette variété pouvait infecter d'autres animaux. Le genre Ebolavirus appartient quant à lui à la famille des filovirus qui comprend des pathogènes similaires tels que Marburgvirus et Cuevavirus.

Le virus Ebola est à l'origine de la maladie à virus Ebola. Cette pathologie est une zoonose, c'est à dire qu'elle peut être transmise des animaux non-humains porteurs de la maladie à l'Homme. Les chercheurs ne connaissent pas avec certitude la liste des animaux porteurs du virus Ebola. Il existe toutefois des preuves du rôle des chauves-souris frugivores dans la transmission du virus à d'autres animaux tels que les chimpanzés, les gorilles et les cephalophinae. D'un autre côté, les humains peuvent entrer en contact avec le virus par les interactions avec des animaux infectés, par exemple en chassant ou en cuisinant du gibier sauvage.

La maladie à virus Ebola est une maladie grave, souvent mortelle. Ses symptômes sont une fièvre, une fatigue et une faiblesse intense, une diarrhée, des vomissements, des douleurs à l'estomac, des saignements et des ecchymoses inexpliqués. En moyenne, les symptômes apparaissent entre 8 et 10 jours après l'exposition au virus.

La transmission du virus Ebola se fait par contact avec les fluides corporels d'une personne contaminée par la maladie ou décédée des suites de celle-ci. Ces liquides peuvent être le sang, l'urine, les selles, le vomi, le lait maternel et la salive. Le virus pénètre dans l'organisme par l'intermédiaire d'une lésion cutanée ou des muqueuses comme celles des yeux, du nez et de la bouche. L'infection peut également se produire en cas de contact avec des seringues souillées et il est fort probable qu'il soit sexuellement transmissible. Le virus peut persister dans le sperme d'un individu contaminé même après qu'il a survécu à la maladie.

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    À QUEL POINT EBOLA EST-IL DANGEREUX ?

    En fonction de la réponse immunitaire du patient et de l'accès aux soins médicaux dont il dispose, le taux de létalité de la maladie est compris entre 35 % et 90 %, c'est pourquoi les autorités sanitaires locales et mondiales investissent autant d'énergie dans la lutte contre les flambées épidémiques dues à ce virus.

    La pire flambée épidémique que le monde ait connue est celle de 2014-2016 survenue en Guinée, au Liberia et en Sierra Leone. 28 600 personnes ont été contaminées et 11 325 sont mortes directement des suites de la maladie. Toutefois, comme le fait remarquer une étude publiée en 2016, les systèmes de santé précaires des régions affectées et la pauvreté existante constituaient un terrain propice à l'apparition d'effets secondaires de l'épidémie. En 2014, le nombre d'enfants âgés de 3 à 17 ans déscolarisés en raison de l'épidémie d'Ebola était estimé à cinq millions. Les programmes de vaccination infantile ont également été suspendus, exposant des centaines de milliers d'enfants à des maladies mortelles comme la rougeole. Selon une estimation de 2015, l'épidémie aurait provoqué 120 000 décès maternels, en partie à cause de l'effondrement du système de santé.

    Quelle que soit la dangerosité du virus Ebola, il est mal avisé de déformer ou d'exagérer la menace qu'il fait peser sur les populations. Par exemple, les craintes qu'Ebola ne devienne un virus aérien, comme certains journalistes l'ont suggéré lors de l'épidémie de 2014-2016, sont infondées : il n'existe aucune preuve de l'évolution du virus Ebola vers une forme plus efficacement transmise par voie aérienne.

    De même, il n'existe aucune preuve solide de l'efficacité des interdictions de voyager telles que celles qui avaient été suggérées en 2014 pour limiter la propagation des virus comme Ebola. À l'inverse, ces interdictions de voyager pourraient même aggraver les épidémies en provoquant l'isolement et la stigmatisation de ces communautés qui ont justement le plus besoin d'aide. Au cours de la flambée épidémique de 2014-2016, les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) des États-Unis avaient mené des campagnes d'information parallèlement à d'autres initiatives visant à limiter les risques de propagation du virus et à minimiser les perturbations sur les échanges et les déplacements internationaux.

    Par ailleurs, le virus Ebola est loin d'être le seul virus mortel pour l'Homme. D'octobre 2018 à mars 2019, la grippe a fait entre 28 000 et 46 800 morts aux États-Unis selon les estimations du CDC. En France, pour la période allant du 1er octobre 2018 à la troisième semaine de 2019, le nombre de décès est estimé à 1 100. En 2017, 110 000 personnes ont trouvé la mort à travers le monde des suites de la rougeole. Avant le vaccin contre la rougeole, cette maladie virale tuait chaque année 2,6 millions de personne.

     

    COMMENT FONCTIONNE LE VIRUS EBOLA ?

    Le virus Ebola se présente sous la forme d'un filament serpentueux d'une longueur inférieure au millionième de mètre. Ce filament contient l'ARN du virus, une chaîne de matériel génétique qui renferme 19 000 paires de bases codant sept protéines. La membrane extérieure du virus est parsemée de complexes de protéines et de glycoprotéines qui agissent comme une clé maîtresse pour les différents « verrous » qui conditionnent l'accès aux cellules de notre organisme.

    Ebola utilise les glycoprotéines comme déguisement trompeur : la membrane extérieure du virus lui permet d'imiter chimiquement les résidus d'une apoptose, le processus ordonné et programmé de la mort d'une cellule. En temps normal, les cellules voisines de la cellule morte peuvent détecter ses résidus et les absorber afin de les éliminer, ce qui signifie que lorsqu'elles détectent Ebola, elles lui ouvrent par mégarde leurs « portes. » Au début, Ebola est piégé à l'intérieur d'une sorte de bulle avec membrane appelée vésicule cytoplasmique. Après un certain temps, l'enveloppe de protéine se dissout et permet au virus de libérer son ARN à l'extérieur de la vésicule vers d'autres cellules.

    Une fois l'ARN libéré à l'intérieur de la cellule, celui-ci se sert des mécanismes de reproduction cellulaire pour copier ses éléments constitutifs qui s'assemblent ensuite. En détournant le mécanisme membranaire de la cellule, ces copies s'échappent pour ensuite former elles-mêmes de nouvelles copies du virus. Après avoir servi un temps comme usine de réplication du virus, les cellules épuisées finissent par mourir.

    Les symptômes de la maladie à virus Ebola sont dus aux cellules ciblées par le virus. Parmi ces victimes cellulaires figure un groupe de cellules immunes appelées dendritiques qui agissent un peu comme les caméras de surveillance de notre corps. En leur absence, les autres catégories de cellules immunes s'exécutent à l'aveugle, le virus peut donc se répliquer rapidement. De plus, le virus Ebola peut interrompre la capacité des cellules à produire des interférons, une molécule qui permet de signaler la présence d'un virus. Il peut également provoquer l'autodestruction de certaines cellules immunes.

    Lorsque le virus pénètre d'autres cellules immunes, l'infection provoque l'affaiblissement des vaisseaux sanguins et déclenche la formation de caillots sanguins qui entraînent, dans certains cas, des hémorragies ou des saignements. Les cellules du foie, des glandes surrénales et de l'appareil digestif subissent de lourds dégâts, semant le chaos dans l'organisme de la personne infectée.

     

    QUELS SONT LES TRAITEMENTS ?

    Les organismes de la santé insistent en premier lieu sur l'importance d'éviter le contact avec le virus Ebola et préconisent de se laver les mains et d'éviter tout contact avec les personnes ou les animaux infectés par le virus. Le traitement d'une personne contaminée est en fait principalement axé sur le traitement des symptômes. L'apport d'oxygène et de solutions en intraveineuses peut être utile, tout comme les médicaments qui ciblent la diarrhée et l'hypotension artérielle.

    Des chercheurs ont réalisé de rapides progrès dans le développement d'un vaccin expérimental contre le virus Ebola, son nom : rVSV-ZEBOV. En 2015, des scientifiques ont testé le vaccin sur un échantillon de 11 841 habitants de la région de Guinée-maritime en Guinée et il s'est révélé efficace à 100 %. Selon le CDC, le vaccin devrait être officiellement autorisé par les autorités américaines courant 2019.

    Dans le même temps, des médicaments antiviraux expérimentaux qui pourraient interrompre la réplication du virus Ebola sont à l'étude.

     

    CHRONOLOGIE DES ÉPIDÉMIES EBOLA

    Le virus Ebola a été découvert à l'automne 1976 suite à une épidémie près de Yambuku, un village proche de la rivière Ebola au nord de la République démocratique du Congo (à l'époque le Zaïre). Entre le 1er septembre et le 24 octobre de cette année, 318 villageois avaient été pris de fièvre et environ 8 villageois sur 9 avaient fini par trouver la mort. La même année au Soudan, 284 personnes avaient contracté une maladie similaire (dont 37 % travaillaient dans la même usine de coton) qui provoqua la mort de 151 d'entre elles quelques semaines après avoir été infectées. Entre 1977 et 1988, les organismes sanitaires avaient répertorié 35 cas au Soudan et en RDC dont 23 eurent une fin tragique.

    En 1989, des habitants des Philippines et des États-Unis ont dû faire face à un scénario qui allait plus tard inspirer le livre The Hot Zone. Le 2 octobre 1989, 100 singes furent expédiés des Philippines vers la ville de New York puis transportés vers l'entreprise Hazelton Research Products située à Reston, en Virginie, dont le travail consistait à conserver puis revendre des animaux destinés aux essais en laboratoire. Le 12 novembre, 14 singes étaient morts ou avaient été euthanasiés après avoir manifesté des signes de fièvre hémorragique.

    La situation devint tendue lorsque des tests révélèrent que les singes étaient infectés par une sorte de virus Ebola. Quatre ouvriers de l'entreprise étaient également positifs à l'Ebola, l'un d'entre eux avaient apparemment été contaminé par le virus après s'être accidentellement coupé avec un scalpel alors qu'il étudiait un singe mort de l'infection. En état d'alerte, l'entreprise avait alors décidé de demander l'aide de l'armée américaine afin de maîtriser la situation. Sans inquiéter ou menacer la santé publique, les scientifiques avaient dû euthanasier les singes restants et stériliser les locaux.

    Fort heureusement, les personnes exposées aux virus ne présentaient aucun symptôme. De retour aux Philippines, des études menées sur le personnel s'occupant des animaux avaient montré que certaines personnes, bien que possédant les anticorps du virus, n'avaient manifesté aucun symptôme. En 1992, lorsque la même souche d'Ebola pointa le bout de son nez dans une infrastructure accueillant des primates en Italie, les humains présents n'avaient également pas été inquiétés. Aujourd'hui dénommée Reston ebolavirus, cette espèce du virus Ebola ne provoque donc aucun symptôme chez l'Homme.

    Des années plus tard, en 1995, des responsables de la santé publique furent confrontés à ce qui était à l'époque la plus grande épidémie Ebola jamais connue : 315 cas à Kikwit et ses alentours, une ville de la RDC. Au début, le virus se propageait au sein des familles et des hôpitaux, un quart des cas répertoriés faisaient partie du personnel soignant. Par chance, à mesure que les soignants enfilaient des équipements de protection comme les masques faciaux et les blouses, le nombre de cas au sein du personnel médical diminuait considérablement. Au total, l'épidémie fit 250 morts, soit 79 % des infectés.

    Les 20 années suivantes ont fait état de cas isolés et parfois de poussées épidémiques, comme en 2000 en Ouganda avec une épidémie comptant 425 cas ou encore la mort d'un technicien de laboratoire russe en 2005 suite à une exposition au virus. La plus lourde flambée épidémique à ce jour débuta à la fin de l'année 2013 et ce n'est qu'en mars 2014 qu'elle fut officialisée après l'identification de 49 cas et 29 décès en Guinée, un pays d'Afrique de l'Ouest.

    En juillet 2014, le virus s'était propagé à Conakry, la capitale de la Guinée, ainsi qu'à Monrovia et Freetown, les capitales des pays voisins que sont le Liberia et la Sierra Leone. En juin 2016, alors que l'épidémie arrivait à terme, sept autres pays (Italie, Mali, Nigéria, Sénégal, Espagne, Royaume-Uni et États-Unis) avaient également signalé plusieurs cas de maladie à virus Ebola, dont certains provenaient d'une infection contractée par le personnel médical.

    La flambée de 2014 marque la première infiltration du virus Ebola dans des zones urbaines à forte densité de population, ce qui rendit l'épidémie d'autant plus grave et difficile à endiguer. Près de trois quarts des cas étaient le fruit d'une transmission dans le milieu familial, ce qui montra qu'un contact avec le corps d'une personne décédée était le moyen le plus puissant de propagation du virus.

    C'est pourquoi l'Organisation mondiale de la santé et d'autres organismes sanitaires recommandent vivement d'une part, que seuls les professionnels équipés d'une tenue de protection procèdent à l'inhumation des personnes décédées de la maladie à virus Ebola et d'autre part, que cette inhumation soit réalisée le plus rapidement possible. Toutefois, suivre ces recommandations tout en garantissant la dignité des victimes n'est pas chose facile car c'est l'une des expériences humaines les plus profondes et intimes qui s'en trouve bouleversée : la disparition soudaine d'un proche.

    Aujourd'hui, en République démocratique du Congo, les services de santé tous niveaux confondus font face à l'une des plus graves épidémies d'Ebola. Selon les derniers chiffres en date du 4 avril 2019, un total de 1 100 personnes (dont un quart âgé de moins de 18 ans) étaient des cas confirmés ou probables de la maladie. On dénombre 81 cas et 27 décès parmi les agents de santé qui tentent de combattre l'épidémie.

    L'endiguement de l'épidémie est particulièrement difficile, notamment en raison du manque de confiance des communautés. Selon les médias présents sur le terrain et l'OMS, les communautés se sont senties aliénées par l'intervention autoritaire des groupes d'aide humanitaire et du gouvernement local. Les responsables assurent qu'ils mettent tout en œuvre pour renouer la confiance et limiter les infections.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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