RDC : l'épidémie d'Ebola serait enfin terminée

Pendant plus de deux ans, la République démocratique du Congo a lutté pour endiguer la propagation de ce virus mortel. Cette longue bataille aurait enfin été remportée.

De Tim Vernimmen
Publication 3 avr. 2020, 13:11 CEST
2019 - Un agent sanitaire transporte Kakule Kavendivwa, 14 ans, dans une ambulance à Beni. La veille, les ...

2019 - Un agent sanitaire transporte Kakule Kavendivwa, 14 ans, dans une ambulance à Beni. La veille, les sœurs de Kakule l'avaient emmené dans un centre de santé voisin, mais ont fui lorsque l'équipe les a encouragées à se rendre dans un centre de traitement. Le centre de santé a alerté l'Organisation mondiale de la santé qui a retrouvé sa famille. Après plusieurs heures de discussion avec des agents de proximité, ses proches ont autorisé une ambulance à l'emmener pour être soigné.

PHOTOGRAPHIE DE Nichole Sobecki

La deuxième plus grande épidémie d'Ebola de l'histoire pourrait enfin toucher à sa fin.

La République démocratique du Congo (RDC) a reporté les premiers cas d'épidémie de maladie à virus Ebola au Kivu en août 2018. A ce jour, l'épidémie a touché environ 3 453 personnes et fait 2 273 morts. Mais aucun nouveau cas d'Ebola n'a été signalé en RDC depuis le 17 février dernier, et si cette situation se maintient, l'Organisation mondiale de la santé prévoit de déclarer la fin de l'épidémie le 12 avril.

Kavugho Mukoni Romelie, 16 ans, est soigné pour Ebola au centre de l'Alliance pour l'action médicale internationale (ALIMA) à Beni l'année dernière. Le traitement lui a été administré à l'intérieur des unités de soins d'urgence Biosecure, une avancée technologique récente pour traiter le virus.

PHOTOGRAPHIE DE Nichole Sobecki

Comme le nouveau coronavirus, Ebola est une zoonose, c'est à dire une maladie transmise à l'Homme par des animaux. Cependant, Ebola est autrement plus agressive que le COVID-19 ; c'est une maladie qui attaque plusieurs organes, provoquant une fièvre hémorragique sévère, alors que le coronavirus atteint principalement les poumons. De plus, les personnes infectées transmettent le virus Ebola dès les premiers symptômes, tandis que le nouveau coronavirus peut être transmis même par des patients asymptomatiques.

La plus grande épidémie d'Ebola a eu lieu en Afrique de l'Ouest de 2014 à 2016. À l'époque, la maladie est apparue dans une région frontalière qui n'avait aucune expérience du virus, et Ebola a tracé son sillon dans plusieurs pays, tuant plus de 11 000 personnes. L'épidémie de maladie à virus Ebola au Kivu s'est en revanche principalement limitée à la RDC. Mais des tensions politiques et sociales qui couvaient depuis longtemps et une défiance envers les autorités locales ont contribué à alimenter sa propagation et entravé les premiers efforts pour la contenir.

Le virus Ebola a finalement pu être contenu dans le nord-est de la RDC, rappelant l'importance des intenses campagnes de vaccination soutenues par un engagement communautaire visant à apaiser la défiance nourrie à l'encontre du gouvernement, des organisations internationales et des médecins qui tentaient de mettre fin à la propagation du virus.

La mise à disposition d'un nouveau vaccin a été cruciale pour lutter contre le virus. Le vaccin avait été testé pour la première fois lors de l'épidémie d'Ebola en Afrique de l'Ouest en 2016. Plus de 300 000 personnes ont été vaccinées depuis le début de l'épidémie du Kivu ; c'était le plus grand déploiement de médicaments préventifs contre Ebola.

« Si nous n'avions pas eu ce vaccin, cela aurait été bien pire », explique Thibaut Jombart, épidémiologiste qui a travaillé en RDC pendant six mois pour documenter l'épidémie en temps réel et conseiller les personnels de santé sur le terrain.

 

« LA POPULATION S'EST RÉVOLTÉE »

Lorsque les ONG internationales sont arrivées dans l'est de la RDC en 2018, elles faisaient déjà l'objet de soupçons de la part de la population locale. Des soupçons nourris par une longue histoire de conflits dans la région. La méfiance n'a fait que grandir lorsque le gouvernement a annoncé des changements dans l'organisation des élections générales tenues cette même année.

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    Mulyanza Vithya Huguette, 24 ans, a survécu à Ebola. Elle partage son expérience avec un groupe de femmes pour dissiper les rumeurs qui entourent le virus.

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    Les régions de Beni et de Butembo figuraient parmi les zones fortement touchées par l'épidémie d'Ebola. Mais après une longue période de violences et de négligences, les critiques envers le gouvernement étaient nombreuses. En décembre 2018, les autorités ont annoncé que ces régions devraient attendre jusqu'en mars 2019 pour voter, alors que le scrutin était maintenu à fin 2018 partout ailleurs en RDC.

    « A cause de cela, la population s'est révoltée », explique Mathias Mossoko, épidémiologiste au ministère de la Santé publique de la RDC. « Ils ont barré des routes, ce qui nous a empêchés de suivre tous les cas d'Ebola et de les amener dans les centres de traitement. Ils sont restés dans la communauté, où ils ont contaminé les autres. »

    De lourds nuages ​​surplombent des tombes fraîchement creusées au cimetière de Kitatumba à Butembo, en RDC, le 2 mars 2019. Perché sur les collines surplombant Butembo, la plus grande ville du nord-est de la République démocratique du Congo, ce cimetière est l'endroit où les victimes de la récente épidémie d'Ebola ont été enterrées.

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    Les manifestations, qui se sont accompagnées de plusieurs attaques envers les professionnels de la santé et les centres de traitement, ont provoqué une flambée du virus Ebola. Les incidents violents se sont multipliés tout au long du printemps 2019, alors que de fausses rumeurs se répandaient selon lesquelles l'épidémie d'Ebola avait été créée artificiellement et que les professionnels de santé attiraient les populations pour mener des expériences et prélever leurs organes. En avril 2019, les cas d'Ebola montaient en flèche, avec plus d'une centaine de nouveaux patients signalés certains jours.

     

    COMMENT EBOLA A PU ÊTRE CONTENU

    Réalisant que des mesures drastiques étaient nécessaires, un groupe dirigé par Michel Yao, responsable des opérations d'urgence pour le bureau régional de l'OMS, a décidé de traiter les nouveaux cas beaucoup plus rapidement, idéalement dans les 24 à 48 heures. Il a également été décidé de retrouver et de vacciner toute personne qui avait été en contact avec chaque cas déclaré, et par extension les contacts de ces contacts.

    « Dans des endroits isolés abritant seulement quelques centaines de personnes, où tout le monde était en contact avec au moins un cas, nous vaccinions tout le monde », dit Mossoko.

    La stratégie visait également à améliorer l'engagement communautaire, rendant la réponse sur le terrain moins invasive.

    Vue sur Kyondo, RDC, le 4 mars 2019. L'OMS a mis en place plusieurs camps dans des zones comme Kyondo, en dehors des grandes villes, où de petits groupes de cas d'Ebola ont été trouvés. Kyondo se trouve à une heure et demie de Butembo en voiture.

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    « Nous avons réuni une équipe d'influenceurs qui nous a aidés à convaincre les gens d'accepter les interventions des équipes sanitaires, d'aller dans un centre de traitement s'ils présentaient des symptômes et d'avoir des enterrements dignes et sûrs », explique Mossoko.

    Après la mise en œuvre de l'initiative le 7 mai 2019, le nombre de cas autour du centre de traitement de Butembo, l'un des derniers et plus importants foyers du virus, a finalement commencé à diminuer, se rappelle Jombart. Ses recherches montrent que c'était le début de la fin de l'épidémie. Son équipe espère que l'efficacité de la stratégie motivera les gouvernements et les autorités sanitaires à mettre en œuvre des tactiques similaires plus tôt lors des futures flambées, en se concentrant sur l'instauration de la confiance et une vaccination la plus large et la plus rapide possible.

    Mossoko pense que l'épidémie est très probablement terminée, mais il ajoute que « nous ne relâchons en aucune façon notre vigilance ». Son équipe continue de renforcer les activités de surveillance dans les zones touchées et les endroits sans cas connus, pour essayer d'éviter toute résurgence surprise de l'épidémie.

    Cette prudence est justifiée : une analyse publiée l'année dernière a averti que si plus d'un cas sur cinq n'était pas signalé pendant l'épidémie, 42 jours pourraient ne pas suffire pour dire avec certitude que l'épidémie est terminée. Et actuellement, il manque des données fiables sur le nombre possible de cas non signalés. Mais étant donné que tous les cas les plus récents provenaient de chaînes de transmission connues, Jombart pense que cauchemar d'Ebola en RDC pourrait enfin prendre fin.

     

    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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