Laisser vos enfants jouer dehors est essentiel au bon développement de leur cerveau

Pousser les enfants à se défouler dehors ne les fait pas seulement bien dormir la nuit. Le jeu sans structure en extérieur renforce leur cerveau et les sensibilise à la nature.

De Tiffany Nieslanik
Publication 3 sept. 2025, 17:16 CEST
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Jouer en toute liberté dans la nature met les enfants au défi de prendre des risques, de résoudre des conflits et de devenir de meilleurs adultes.

PHOTOGRAPHIE DE Jonathan Kirn, Getty Images

Un groupe d’enfants se démène pour déplacer une bûche de bois en discutant du meilleur endroit où la placer. Une petite fille grimpe à un arbre quand son t-shirt s’accroche à une branche. Un autre est à genoux devant une flaque d’eau et dessine une carte au trésor dans la boue. Qu’est-ce qui manque à cette scène ? Des parents qui gravitent autour des enfants, les incitant à « faire attention » ou s’immisçant dans les disputes.

Ce genre d’aventures sans supervision, ce que les réseaux sociaux ont surnommé « feral child summer » (« l’été des enfants déchaînés »), attire l’attention des familles qui cherchent à s’extirper des journées surchargées et d’une routine dominée par les écrans. Cette tendance ne se résume pas à la nostalgie des parents pour leur propre enfance. Une étude menée en 2018 a révélé que les enfants américains passaient 35 % moins de temps à jouer dehors que ne le faisaient leurs parents.

Les scientifiques mettent en garde sur ce déclin, déclarant qu’il est important car le jeu sans règles établies est bon pour les fonctions motrices, la régulation des émotions, la résolution de problèmes, et plus encore.

 

QUE SE PASSE-T-IL DANS LE CERVEAU QUAND ON JOUE DEHORS ?

Laisser les enfants passer leurs journées dans la nature, défiant leur équilibre sur des bûches glissantes, négociant les règles d’un jeu, résolvant des problèmes tout à la fois importants et insignifiants, a l’air simple. Mais, pour le cerveau, ces moments sont des terrains d’entraînement. « Nos recherches montrent que les enfants autorisés à jouer dehors deviennent plus indépendants et autonomes », explique Ellen Beate Hansen Sandseter, professeure au sein de la faculté d’éducation de la petite enfance de l’université Queen Maud. Elle ajoute que les risques pris pendant un temps de jeu sont liés à un meilleur bien-être physique et mental, et que les enfants qui prennent des risques physiques deviennent souvent meilleurs pour jauger les autres dangers.

Ce type de jeux est également un exercice neuronal, ajoute Bridget Walsh, professeure de développement humain et de sciences de la famille de l’université de Nevada à Reno. Les activités comme la balançoire, la course et le saut aident à réguler les émotions en engageant les régions du cervelet sensibles au rythme. De plus, elles renforcent les connexions du cortex préfrontal, le centre de prise de décisions et de planification du cerveau, tout en stimulant l’hippocampe, qui soutient la navigation spatiale et la mémoire.

Ellen Sandseter remarque que ce genre de jeux provoque souvent un état de « flow » ou d’« expérience optimale », ce moment où les défis deviennent passionnants sans être accablants. Le potentiel d’apprentissage est alors à son paroxysme. Et les chercheurs affirment que ces bienfaits sont décuplés quand le jeu se déroule dans un environnement naturel.

 

LE JEU SANS STRUCTURE EST-IL BON POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENFANT ?

« Le monde naturel recèle un nombre incalculable de défis potentiels et de découvertes qu’aucune structure bâtie par l’homme ne peut offrir », affirme Louise Chawla, professeure émérite au sein du programme de conception environnementale de l’université Boulder du Colorado. « La nature regorge d’activités qui invitent à repousser ses limites », continue-t-elle. « Est-ce que je peux soulever ce rocher ? Grimper à cet arbre ? » Alors que les enfants grandissent, ils gardent en mémoire ces défis qu’ils ne pouvaient pas relever avant de s’attaquer à des problèmes plus grands encore.

Louise Chawla ajoute que le jeu dans la nature est souvent plus collaboratif que le jeu dans un square parce qu’il peut initier des projets de groupe, par exemple construire un fort, ou jouer avec de la terre et des fleurs. Les conflits sont inévitables, insiste-t-elle, mais les enfants ont une plus grande envie de les résoudre, développant des compétences de communication et de collaboration qui leur serviront tout au long de leur vie.

Bien que le sport et les autres activités structurées et en intérieur aient leurs propres bienfaits, ne se reposer que sur cela signifie que les enfants ne développent pas seuls leurs compétences de fonctions motrices, intervient Benjamin Powers, scientifique senior au sein des laboratoires Haskins. Il ajoute que, si les enfants n'apprennent pas à régler seuls des conflits ou aborder une situation qui sort de l’ordinaire, une fois adolescents ou jeunes adultes, ils risquent de rencontrer des obstacles, la vraie vie n’obéissant à aucune règle.

S’il n’est jamais trop tard pour interagir avec la nature, Ellen Sandseter affirme qu’il est souvent plus facile de commencer à développer ces compétences tôt, lorsque les cerveaux sont les plus réceptifs. Louise Chawla est du même avis. « Les premières années sont formatrices pour parvenir à se sentir à l’aise et compétent dans la nature. »

Toutefois, Ellen Sandseter considère que les compétences sont plus importantes que l’âge. « Je me soucie plus de savoir si un enfant est en mesure de faire quelque chose que de savoir si c’est approprié à son âge », dit-elle. « Un enfant doit se développer à son propre rythme et apprendre à surmonter un défi étape par étape parce qu’il découvre comment évaluer et gérer les risques à son propre niveau. » Cette approche échelonnée permet à l’enfant de progresser en sécurité tout en repoussant ses limites.

On remarque aussi une période « vide » à l’adolescence, explique Louise Chawla, où les dynamiques sociales prennent le pas sur la connexion avec la nature, qui décline, avant de remonter à l’âge adulte.

Tout comme l’endurance physique, le fait d'être à l'aise dans la nature peut être acquis à tout âge. Mais pour beaucoup de familles, c’est plus facile à dire qu’à faire.

 

LES OBSTACLES AU JEU EN EXTÉRIEUR

Même dans les pays considérés comme adaptés aux enfants, l’UNICEF déclare dans un rapport que beaucoup d’entre eux vivent sans accès à un espace vert à proximité.

Pour les parents confrontés à un manque d’accessibilité ou soucieux de la sûreté de leurs enfants, Louise Chawla recommande des solutions à petite échelle : introduire des plantes, de l’eau ou du sable en intérieur, ou laisser les enfants ramasser des plumes, des feuilles, des pommes de pin, pour en découvrir les sensations. Bridget Walsh remarque qu’il est possible de créer des impressions de nature, même dans les espaces les plus petits, en fabriquant, par exemple, un paillasson en matériaux naturels. Pour elle, même un peu de nature est mieux que pas de nature du tout.

 

LES BIENFAITS DU JEU DANS LA NATURE

Notre expérience de la nature au cours de notre enfance peut avoir des effets durables toute notre vie. Un rapport paru en 2024 sur les programmes scolaires des espaces verts a révélé des améliorations de l’humeur des étudiants, de leur activité et des liens entretenus avec leurs pairs. Une étude longitudinale à l’échelle européenne a montré que l’exposition précoce aux espaces verts était liée à une diminution de 55 % des risques de développer des troubles psychiatriques au cours de sa vie. À travers les cultures, des bains de forêt japonais à la pratique nordique du friluftsliv, les sociétés reconnaissent que le temps passé à l'extérieur nourrit le bien-être à tout âge.

« Jouer dans la nature n’est pas seulement bon pour les enfants », affirme Louise Chawla. « C’est bon pour l’équilibre de notre monde naturel. Ceux qui passent du temps dans la nature enfants sont plus susceptibles de s’en soucier à l’âge adulte. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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