Coloscopie : un examen redouté mais de moins en moins contraignant
De l’IA aux régimes plus sains, cette procédure redoutée a reçu quelques mises à niveau qui devrait la rendre moins affreuse pour les patients.

Les coloscopies sauvent des vies, mais beaucoup les évitent à cause de leur inconfort.
Qu’un médecin insère une caméra dans votre côlon à la recherche de cellules potentiellement cancérigènes ne sera jamais très drôle. Il s’agit cependant de la méthode la plus efficace pour déceler le cancer du côlon, le deuxième cancer le plus meurtrier en France. Les coloscopies régulières peuvent réduire l’incidence de ces cancers de 41 % et de moitié les décès, selon une étude parue au printemps et menée sur des dizaines de milliers d’Européens.
Même ainsi, près de 65 % des Français ne se rendent pas aux coloscopies auxquelles ils sont éligibles. Certains pensent, à tort, qu’ils ne risquent rien parce que leurs antécédents familiaux ne comptent pas de cancers ou parce qu’ils ne souffrent d’aucun symptôme physique. Cependant, beaucoup de cas de cancer du côlon sont asymptomatiques.
D’autres encore évitent les coloscopies parce qu’ils considèrent la préparation trop éprouvante, explique Aasma Shaukat, gastroentérologue et chercheuse de la faculté de médecine Grossman de l’université de New York. « Plus que la procédure elle-même, c’est la préparation le jour qui précède qui fait partie des plus grands freins à la procédure. »
Heureusement, votre prochaine coloscopie pourrait être beaucoup moins désagréable. Un groupe de travail de trois équipes de gastroentérologues a publié cette année de nouvelles instructions médicales quant à la préparation à la coloscopie, mettant à niveau les recommandations de 2014. Les nouvelles recommandations fournissent des pré-procédures beaucoup moins restrictives en termes de régime et de préparation. Combinées avec d’autres avancées de dépistage, ces nouveautés devraient atténuer certaines craintes.
Les nouvelles directives devraient aider les personnes plus âgées ainsi que celles âgées de quarante-cinq à cinquante ans, que les médecins ont plus vu se rendre à leurs dépistages. De plus, les médecins ont constaté que les patients de cette tranche d’âge étaient plus souvent diagnostiqués avec ce cancer que les autres. L’âge de dépistage recommandé est passé de cinquante à quarante-cinq ans en 2021 et les patients se font, la plupart du temps, tester tous les dix ans. Toutefois, seulement un tiers des personnes âgées de quarante à cinquante ans se font dépister. Les personnes souffrant de maladies inflammatoires intestinales, celles ayant des antécédents familiaux de cancer du côlon précoce, ou d’autres facteurs, pourraient se faire dépister plus tôt.
Selon des statistiques de l’Institut national du cancer, près de 45 000 nouveaux cas sont décelés chaque année et 17 000 personnes en meurent.
Les coloscopies et les autres techniques de dépistage du cancer du côlon ne sont jamais attendues avec impatience par les patients. Mais il y a de moins en moins de raisons de redouter ces procédures.
1. PLUS BESOIN DE S’AFFAMER
Un nettoyage consciencieux du côlon est nécessaire pour que la colonoscopie réussisse et que les médecins puissent examiner l’entièreté de sa surface interne. On ne compte que deux tiers des patients qui arrivent à leur rendez-vous avec un côlon suffisamment propre. La première étape est de suivre un régime sans fibres au préalable, qui laissait les patients sur leur faim et de mauvaise humeur.
« Un grand nombre de recommandations diététiques étaient limite draconiennes, mais les études menées au cours des cinq dernières années montrent qu’elles n’ont pas besoin de l’être », explique Aasma Shaukat, membre du groupe de travail.
Depuis quelques années déjà, il n'est plus question d'un régime à base d’eau, de gélatine et de bouillon clair auparavant préconisé pour une colonoscopie. Les études ont montré que consommer des aliments pauvres en fibres quelques jours avant l’examen nettoyait suffisamment les intestins. Certaines études ont même affirmé que ce régime était plus efficace.
Les nouvelles recommandations permettent aux patients de prendre un petit-déjeuner et un déjeuner plus consistants. Les œufs, le yaourt, le jambon et les tartines sont à présent autorisés au petit-déjeuner, tandis que le poulet accompagné de riz ou des pâtes au fromage peuvent être dégustés au déjeuner. « En mangeant cela on peut se sentir rassasié », affirme Aasma Shaukat.
Si manger liquide est toujours recommandé le soir, une soupe épaisse à la courge butternut ou à la pomme de terre peut remplacer le bouillon clair. On peut aussi préférer un smoothie sans fruits.
Tous les patients doivent éviter les aliments riches en fibres, comme les fruits, les légumes ou les céréales complètes la veille de la coloscopie. Ce n’est cependant plus interdit d’en consommer trois jours avant, comme le disaient certains médecins.
2. ADIEU LES LITRES DE PRÉPARATION
L’étape suivante du nettoyage est devenue également plus facile. Les formulations de nettoyage des intestins, qui demandaient de boire des litres d’eau mélangée à une préparation colique souvent peu ragoûtante, peuvent à présent être remplacées par des comprimés à boire avec un verre d’eau.
Le moment de prise du médicament facilite également la vie des patients. Au lieu de tout consommer la nuit avant la coloscopie, les nouvelles recommandations préconisent de prendre la moitié de la dose la veille puis le matin, quatre à six heures avant le rendez-vous.
Les anciens médicaments gâchaient parfois la nuit des patients, qu’ils devaient passer aux toilettes, explique Aasma Shaukat. De plus, la prise du médicament la veille de l’examen donne un meilleur résultat de nettoyage, selon les recherches. Les patients dont le rendez-vous est fixé l’après-midi peuvent consommer les deux moitiés du traitement le jour-même.
3. L’IA REPÈRE LES POLYPES
L’intelligence artificielle vient ajouter une deuxième paire d’yeux à ceux du gastroentérologue alors qu’il examine la paroi du côlon. Aux États-Unis, un appareil monitoré par l’IA et approuvé par la Food and Drug Administration (FDA, équivalent de l’ANSM en France) en 2021 encadre sur la vidéo les zones qu’il pense être des polypes, suggérant au gastroentérologue de les examiner.
L’appareil améliore la détection des polypes de 20 %. Toutefois, les recherches n’ont toujours pas prouvé qu’il réduisait les risques de cancer du côlon lui-même. Et une étude parue dans la revue scientifique Lancet montre que certains médecins s’habitueraient à l’aide artificielle au point de perdre la capacité de repérer les polypes.
Les grandes institutions médicales ne recommandent pas l’adoption généralisée de l’IA. Pour le moment il ne s’agit que de grands centres médicaux américains comme ceux de l’université Yale et celle de la faculté de médecine du Colorado qui en font usage.
4. DES OPTIONS ANTI-DOULEUR POUR ÉVITER L’ANESTHÉSIE
La plupart des patients passent l’examen sous anesthésie générale ou sous sédation légère. Pour ces derniers, il s’agit d’éviter des complications respiratoires, ou bien de passer moins de temps à l’hôpital à se remettre de l’anesthésie.
Parmi eux, beaucoup peuvent subir l’examen sans trop de douleur. Aux États-Unis, lorsqu’un médecin leur donnait l’option de prendre un sédatif s’ils le souhaitaient, presque tous ont choisi de ne pas le prendre. Et pourtant, les médecins sous-estiment parfois l’inconfort indu à cet examen.
Une option pour ressentir moins de douleurs est d’employer une neurostimulation électrique transcutanée sur le poignet ou la cheville. Des chercheurs chinois ont découvert il y a peu que cela atténuait suffisamment la douleur au cours des coloscopies sans anesthésie.
Le faible courant électrique est censé stimuler les terminaisons nerveuses qui masquent les signaux de douleur tout en secrétant des endorphines anti-douleur. « La neurostimulation active des récepteurs qui font partie du système naturel de défense contre la douleur. Ainsi, vous ne ressentez pas les effets secondaires qui surviennent lors de la prise d’opioïdes », explique Carol Vance, physiothérapeute et chercheuse au sein de la faculté de médecine du Carver College dans l’Iowa. Elle a étudié cette méthode et a découvert qu’elle pouvait être efficace dans le traitement d’autres douleurs.
Bien qu’elle ignore elle-même si elle choisirait de passer une coloscopie sans anesthésie, elle remarque que des études rigoureuses soutiennent l’usage de la neurostimulation en ce sens.
La réalité virtuelle est une autre option de gestion de la douleur qui commence à poindre à l’horizon. Aasma Shaukat conduit actuellement une étude dans le cadre de laquelle les patients portent des casques VR au cours de la procédure (avec possibilité de demander une sédation). Cela est appuyé par d’autres études qui ont révélé qu’il s’agissait-là d’une méthode pour mieux gérer la douleur. « Jusqu’alors, les patients ont vraiment apprécié l’expérience », confie la scientifique.
5. LES ALTERNATIVES À LA COLOSCOPIE SE DIVERSIFIENT
L’été dernier, aux États-Unis, la FDA a approuvé un test sanguin de dépistage du cancer du côlon, le Shield. Après une prise de sang, un laboratoire l’analyse, à la recherche de protéines et de fragments ADN associés à la maladie. Shield a correctement identifié 83 % des patients souffrant de cancer du côlon dans le cadre d’une étude publiée l’an dernier.
Ce test rejoint une foule d’autres qui ont été proposés au fil des années, dont un test immunochimique fécal qui détecte le sang dans les selles, à réaliser tous les ans. Ou encore ceux qui analysent l’ADN atypique qui pourrait indiquer la présence de polypes ou de cancer, à faire tous les trois ans. Tous ces tests requièrent une coloscopie seulement s’ils sont positifs.
Parmi les autres options, on retrouve la sigmoïdoscopie, un examen par endoscope qui n’examine que le tiers inférieur du côlon, ou les coloscopies virtuelles par rayons X, où des ordinateurs évaluent l’appareil digestif, à répéter tous les cinq ans.
À l’avenir, l’introduction d’une caméra par l’anus pourrait devenir obsolète, remplacée par des vidéocapsules endoscopiques. Elles sont pour lors limitées à certaines circonstances. Les patients avalent une caméra de la taille d’un gros comprimé qui envoie à un médecin des images prises au fil de son périple à travers l’intestin avant de sortir de l’autre côté.
Au fil des années, les patients peuvent passer d’une méthode approuvée à l’autre. Certains jeunes patients qui ne sont pas prêts psychologiquement à subir une coloscopie par exemple, ont la possibilité de faire tester leurs selles durant quelques temps et ne passeraient d’endoscopie que si les résultats revenaient positifs.
Comme le dit régulièrement Aasma Shaukat à ses patients : « Le meilleur examen est celui que l’on fait. »
Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.
