Cas de variole du singe : ce que l'on sait

L'actuelle flambée épidémique de cette maladie proche de la variole préoccupe les autorités de santé publique, mais le virus peut être endigué à l'aide de vaccins déjà stockés et disponibles dans certains pays.

De Priyanka Runwal
Publication 30 mai 2022, 17:23 CEST
Cette image obtenue au microscope électronique à balayage présente des particules virales de la variole du ...

Cette image obtenue au microscope électronique à balayage présente des particules virales de la variole du singe prélevées sur un échantillon de peau humaine lors de l'épidémie de 2003. Sur la gauche se trouvent des particules virales matures, de forme ovale ; sur la droite des particules virales immatures, en cours de croissance, de forme sphérique.

PHOTOGRAPHIE DE CDC, Cynthia S. Goldsmith, Science Source

Le 7 mai dernier, lorsque des experts au Royaume-Uni ont confirmé le premier cas de variole du singe, l'épidémiologiste Andrea McCollum et ses collègues des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis ont surveillé de près l'évolution de la situation.

Les cas de variole du singe sont rares, surtout en dehors de l'Afrique de l'Ouest et Centrale où le virus est endémique chez les animaux et circule principalement dans les zones densément boisées. Depuis 2018, 8 cas seulement ont été confirmés dans des pays non endémiques, parmi lesquels Israël, Singapour, le Royaume-Uni et les États-Unis, tous associés au voyage, tout comme le patient du 7 mai de retour d'un voyage au Nigéria.

Seulement voilà, l'apparition dans différents pays de cas non liés à des voyages en Afrique a alerté la communauté scientifique, témoigne McCollum. « Nous n'avons jamais fait ce type d'observation pour la variole du singe auparavant, poursuit-elle, c'est donc particulièrement préoccupant. »

Entre les 13 et 24 mai, au moins 16 pays en Europe et en Amérique du Nord, ainsi que l'Australie et Israël, ont signalé plus de 250 cas confirmés ou suspectés de variole du singe. La souche à l'origine de ces infections semble provenir d'Afrique de l'Ouest. La maladie provoque des symptômes proches de la grippe suivis d'une éruption cutanée au visage pouvant se propager à d'autres parties du corps, d'abord sous la forme de plaques rouges puis de cloques purulentes qui se dessèchent et finissent par tomber. Dans la plupart des cas, ces symptômes disparaissent spontanément au bout de quelques semaines, mais ils peuvent s'avérer mortels dans 3 % des cas environ. Son homologue, la souche du bassin du Congo, provoque une forme plus grave de la maladie et tue environ 10 % des patients infectés. Le virus de la variole, éradiqué en 1979 et proche de la variole du singe, était autrement plus mortel et tuait environ 30 % des patients infectés.

« La variole du singe est très différente du COVID, » expliquait  Maria Van Kerkhove, épidémiologiste des maladies infectieuses pour l'Organisation mondiale de la santé, à l'occasion d'une séance de questions-réponses tenue en direct sur YouTube le 23 mai. « La transmission se fait par contact physique étroit, peau contre peau. » Contrairement le COVID-19 qui circule dans l'air via des gouttelettes, la variole du singe ne se transmet pas aussi facilement.

« C'est une situation maîtrisable, » assurait également Van Kerkhove lors de la séance. Il existe des antiviraux pour les personnes infectées et des vaccins pour les plus vulnérables : ceux qui entrent en contact étroit avec les individus infectés. « Ce n'est pas un vaccin dont tout le monde a besoin, » a-t-elle précisé.

Par chance, aucune victime n'est à déplorer pour le moment dans cette épidémie multinationale de variole du singe. Seule ombre au tableau, personne ne sait où elle a commencé ni pourquoi elle se propage. À l'heure actuelle, de nombreuses questions restent en suspens, reconnaît McCollum.

Voici l'état actuel des connaissances sur l'épidémie de variole du singe.

 

BILAN DES CAS

Depuis l'identification du premier patient le 7 mai, les cas de variole du singe dans les pays non endémiques ont augmenté.

Les autorités de santé publique procèdent actuellement à la recherche des contacts et des liens entre les cas pour trouver des explications. Cela pourrait également aider à localiser des cas non diagnostiqués potentiellement asymptomatiques ou présentant des symptômes légers.

Une grande partie des cas confirmés à ce jour ont été signalés en Europe, notamment au Royaume-Uni, en Espagne et au Portugal. La plupart de ces infections concernent des hommes, s'identifiant comme des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Lors d'une interview accordée à l'agence Associated Press le 23 mai, un conseiller de l'OMS a indiqué que la principale théorie expliquant l'épidémie actuelle était l'activité sexuelle entre hommes au cours de deux soirées récentes en Espagne et en Belgique.

 

TRANSMISSION DE LA MALADIE 

Bien que la variole du singe puisse se transmettre par contact sexuel, la maladie n'est pas considérée comme une infection sexuellement transmissible, expliquait Andy Seale, conseiller de l'OMS sur le programme VIH, hépatite et infections sexuellement transmissibles, lors de la séance de questions-réponses le 23 mai. Pour être considéré comme tel, le virus à l'origine de l'infection doit être transporté par le sperme ou les fluides vaginaux et aucune preuve ne permet d'affirmer cela à ce stade pour la variole du singe.

La maladie ne se limite pas aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. « Tout le monde peut contracter la variole du singe suite à un contact étroit, » indiquait Seale.

La maladie se propage via les fluides corporels de la personne infectée (salive ou pus) qui peuvent transporter le virus. Les draps ou les vêtements contaminés par ces fluides chargés de virus peuvent également être une source d'infection.

Face à l'ampleur de l'épidémie, les épidémiologistes et les virologues tentent de déterminer si ce virus présente un risque accru de transmission interhumaine. Certains experts étudient les séquences génétiques du virus prélevé sur des patients infectés pour identifier d'éventuelles mutations qui faciliteraient la transmission du virus actuellement en circulation par rapport à ses versions précédentes. Ils analysent également des échantillons de sperme et de fluides vaginaux à la recherche du virus et évaluent son caractère infectieux pour déterminer si la maladie est une infection sexuellement transmissible.

 

TRAITEMENTS CONTRE LA VARIOLE DU SINGE

Tous les patients atteints de la variole du singe ne sont pas hospitalisés ; beaucoup se rétablissent seuls, sans traitement, après une période d'isolement de trois semaines. Certains pays, comme le Royaume-Uni, recommandent à ceux entrés en contact étroit avec des individus infectés de s'isoler pendant 21 jours. Aux États-Unis, le président Joe Biden a indiqué que cette quarantaine n'était pas nécessaire, car des vaccins existent pour les populations exposées au virus.

En 2019, la Food and Drug Administration des États-Unis a homologué un vaccin de Bavarian Nordic's contre la variole du singe, baptisé Jynneos, capable d'empêcher la maladie ou de la rendre moins grave. Un autre vaccin homologué pour la variole du singe, ACAM2000, peut également être utilisé. Ainsi, au Royaume-Uni et aux États-Unis, le vaccin Jynneos est proposé aux professionnels de la santé qui soignent des patients infectés ou ont pu être exposés à la maladie. Les CDC suggèrent de recevoir le schéma de vaccination à deux doses dans les quatre jours suivant l'exposition.

Toutefois, il n'existe actuellement pas de médicament approuvé pour soigner la variole du singe. Un antiviral par voie orale, le Tecovirimat, a été approuvé par la FDA en 2018 pour le traitement de la variole, mais aucune donnée ne permet d'affirmer qu'il est efficace chez l'Homme pour traiter ces infections. Pour les formes graves de la variole du singe, deux autres médicaments peuvent être utilisés : un antiviral, le Cidofovir, et un traitement à base d'anticorps monoclonaux appelé immunoglobuline anti-vaccine.

 

DIFFÉRENCES AVEC LE SARS-CoV-2

Contrairement au SARS-CoV-2, le virus à ARN à l'origine du COVID-19, le virus de la variole du singe est un virus à ADN. Son génome comporte environ 200 000 unités génétiques alors que celui du SARS-CoV-2 est nettement plus petit : environ 30 000 unités. Les virus à ADN ont tendance à ne pas muter, comme l'a rappelé Rosamund Lewis, directrice du Secrétariat de l'OMS sur la variole, lors de la séance Q&R organisée le 23 mai. Ces virus restent plutôt stables avec un risque réduit de générer des variants.

Par ailleurs, les modes de transmission des deux virus diffèrent quelque peu. Le SARS-CoV-2 se propage rapidement dans l'air via des gouttelettes expulsées par les personnes infectées lorsqu'elles parlent, toussent ou éternuent. La variole du singe ne se transmet pas aussi facilement dans l'air et nécessite souvent un contact physique étroit avec une personne infectée, ses draps ou ses vêtements.

 

BRÈVE HISTOIRE DE LA VARIOLE DU SINGE

Le virus a été découvert en 1958 au Danemark lorsque des chercheurs ont remarqué des éruptions cutanées semblables à la variole sur des macaques crabiers en provenance de Singapour et destinés à un centre de recherche, d'où le nom de variole du singe. Au cours de la décennie suivante, d'autres épidémies ont été signalées aux États-Unis chez les singes en captivité importés d'Asie, où la variole du singe n'avait pas été identifiée. Ces primates étaient considérés comme des hôtes accidentels du virus.

Le premier cas humain de variole du singe a été documenté en 1970 au Congo, dans la province de l'Équateur, chez un enfant âgé de neuf mois atteint de symptômes rappelant la variole, une maladie alors sur le point d'être éradiquée. En 1985, l'Organisation mondiale de la santé avait enregistré 310 cas de variole du singe dans les régions rurales d'Afrique Centrale et d'Afrique de l'Ouest, la plupart au Congo.

Les autorités ont alors lancé des recherches pour identifier la source du virus de la variole. Une enquête menée en 1985 sur 383 animaux sauvages, dont des singes, des rongeurs et des chauves-souris, dans le nord du Congo a permis de déceler des anticorps spécifiques à la variole du singe dans les échantillons de sang de deux funisciures à dos rayé, un rongeur diurne de la famille des écureuils probablement chassé et consommé pour sa viande. L'un des écureuils souffrait d'une éruption cutanée et les chercheurs sont parvenus à isoler un virus de la variole du singe identique à ceux observés chez l'Homme dans les tissus de l'animal.

En mars 2012, une autre équipe de chercheurs a isolé le virus chez un singe de l'espèce Cercocebus atys dans le parc national de Taï en Côte d'Ivoire, puis en 2020 chez des chimpanzés d'Afrique occidentale. Récemment, une autre étude qui n'a pas encore subi le processus d'évaluation par les pairs a identifié des traces du virus chez des musaraignes et d'autres rongeurs vivant dans le bassin du Congo.

Alors que les rongeurs sont soupçonnés d'être les principaux réservoirs de la variole du singe, aucune preuve directe ne permet d'affirmer que ce sont ces animaux, chassés pour leur viande ou gardés en tant qu'animaux de compagnie, qui ont transmis le virus à l'Homme, explique Joachim Mariën, écologiste des maladies à l'université d'Anvers en Belgique. 

Les premiers indices sur la transmission de ce virus de l'animal à l'Homme ont été apportés par une épidémie de variole du singe survenue aux États-Unis en 2003, la première en dehors du continent africain. Au moins 37 personnes ont contracté la maladie après avoir caressé ou manipulé des chiens de prairie dans six États différents : Illinois, Indiana, Kansas, Missouri, Ohio, et Wisconsin. Il s'est avéré que ces rongeurs avaient été infectés par le virus de la variole du singe lors d'un séjour en captivité aux côtés de gliridés et de cricétomes des savanes importés du Ghana par une animalerie de l'Illinois.

 

RECRUDESCENCE DES CAS

En Afrique centrale et occidentale, où le virus est endémique, les cas humains de variole du singe sont à la hausse depuis les années 1970. Une étude publiée en 2022 estime que le nombre mondial de cas confirmés, probables et éventuels a été multiplié par dix au cours des cinq dernières années. L'augmentation la plus dramatique concerne le Congo, où plus de 28 000 ont été enregistrés entre 2000 et 2019, et au Nigéria, où la maladie est réapparue en 2017 après 40 ans d'absence.

L'une des principales causes de la recrudescence des cas de variole du singe n'est autre que l'éradication de la variole. En 1980, l'Organisation mondiale de la santé déclarait la variole éradiquée et la vaccination contre le virus prenait fin. Cependant, les chercheurs ont montré que la vaccination contre la variole, qui peut avoir des effets secondaires, offrait une protection à hauteur de 85 % contre la variole du singe. Une étude menée en 2010 dans le centre du Congo a montré que le risque de contracter la variole du singe était cinq fois plus faible chez les sujets vaccinés contre la variole par rapport aux sujets non vaccinés. 

L'intensification de la déforestation peut également exposer un plus grand nombre de personnes au virus. L'abattage des forêts au profit des plantations et de l'agriculture risque de rapprocher les humains des animaux sauvages infectés, ce qui augmentera les opportunités pour le virus de réaliser un saut d'espèce, comme certains le suggèrent déjà pour le virus Ebola.

Par ailleurs, une étude publiée en 2014 a documenté une version de la souche virale du bassin du Congo présentant un gène tronqué pouvant être associé à une adaptation pour la transmission interhumaine.

« Nous savions que la variole du singe était une maladie à surveiller de près en raison de son potentiel épidémique, » témoigne Laurens Liesenborghs, spécialiste des maladies infectieuses qui étudie le virus à l'Institut de médecine tropicale en Belgique. « Néanmoins, la situation actuelle est vraiment particulière. »

 

UN VIRUS MUTANT ?

Une autre question en suspens concerne l'évolution du virus vers une forme plus facilement transmissible entre humains. Pour les poxviridés, une famille de virus à ADN, cela implique généralement une perte ou un gain de gènes qui accroît la transmissibilité, explique Gustavo Palacios, virologue à l'Icahn School of Medicine at Mount Sinai de New York.

Après l'analyse des génomes du virus prélevé chez trois patients récemment infectés par la variole du singe au Portugal, en Belgique et aux États-Unis, rien ne semble indiquer une telle suppression ou addition de gène, poursuit-il. Le séquençage partiel du génome du Portugal présente une étroite ressemblance avec celui du virus exporté du Nigéria vers Israël, Singapour et le Royaume-Uni en 2018 et 2019. Le séquençage partiel du génome de Belgique est très similaire à celui du patient portugais, ce qui est logique, indique Philippe Selhorst, virologue à l'Institut de médecine tropicale, puisque le patient belge avait récemment voyagé au Portugal.

Cependant, pour identifier les changements subtils dans la composition génétique du virus de la variole du singe, les chercheurs, les chercheurs ont besoin de séquencer l'ADN viral d'un plus grand nombre de patients et de comparer les régions à travers le génome qui pourraient différer des séquences associées aux précédentes épidémies. Si des variations sont identifiées, il faudra ensuite déterminer leur rôle dans la transmission du virus à l'Homme.

Le virus n'a pas encore évolué, mais plus l'épidémie actuelle se prolonge, plus il aura l'occasion de muter, redoute Selhorst.

Même si la variole du singe n'est pas aussi contagieuse que le COVID-19, « il n'est jamais bon de voir un virus issu d'un réservoir animal circuler de plus en plus chez l'Homme, » conclut Selhorst.

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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