Comment la vie est-elle apparue sur notre planète ?

Depuis des décennies, les scientifiques tentent de déterminer comment la Terre a pu passer d'une surface brûlante et inhospitalière au véritable berceau de vie que nous connaissons aujourd'hui.

De Kieran Mulvaney
Publication 11 mars 2024, 18:05 CET
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Les premiers signes de vie microbienne sont apparus il y a environ 3,5 milliards d'années. Selon les scientifiques, les premières formes de vie ont pu se développer dans les cheminées hydrothermales des grands fonds marins, dans l'espace, ou encore sous l'effet de la foudre.

Illustration de GREGOIRE CIRADE, SCIENCE PHOTO LIBRARY

La Terre s’est formée il y a environ 4,6 milliards d’années, et pendant plusieurs centaines de millions d’années, aucune forme de vie ne s’y est développée, probablement en raison de la chaleur extrême et de la chute régulière de comètes et d’astéroïdes à sa surface. Environ un milliard d’années plus tard, cependant, tout avait changé : la vie existait et laissait des traces de sa présence sous la forme de tapis microbiens fossilisés.

Voici trois des nombreuses théories qui ont tenté d’expliquer comment, en l’espace d’un demi-milliard d’années environ, la vie est apparue sur notre planète.

 

1. LA FOUDRE À L’ORIGINE DE LA VIE 

À l’époque de l’apparition de la vie sur Terre, les conditions atmosphériques étaient très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui, note Jim Cleaves, directeur du département de chimie de l’Université Howard et co-auteur de l’ouvrage A Brief History of Creation: Science and the Search for the Origin of Life.

Selon Cleaves, c’est Harold Urey, prix Nobel de chimie, qui a découvert dans les années 1950 que la plupart des atmosphères du système solaire sont principalement composées d’azote et de méthane. Le chimiste en a déduit que la Terre primitive devait elle aussi disposer de ce type d’atmosphère, et que cette dernière n’était devenue riche en oxygène que plus tard, grâce à la présence des différentes formes de vie. En outre, selon Urey, cette atmosphère primitive « était peut-être très efficace pour former des composés organiques, qui pourraient constituer le précurseur de la vie », explique Cleaves.

Urey a donc chargé son étudiant Stanley Miller de mettre au point une expérience afin de tester cette théorie. Connue sous le nom d’expérience de Miller-Urey, cette dernière consistait à reproduire les conditions atmosphériques qui régnaient à l’époque de l’apparition de la vie sur Terre en combinant, dans un système fermé, de l’eau chauffée à des molécules d’hydrogène, de méthane et d’ammoniac. Ces molécules étaient ensuite soumises à des décharges électriques destinées à reproduire les effets de la foudre, puis refroidies pour permettre au mélange de se condenser et de retomber dans l’eau, comme de la pluie.

Les résultats ont été stupéfiants. En l’espace d’une semaine, l’eau de cet « océan » expérimental était devenue rougeâtre, les molécules ayant réagi entre elles et entraîné la création d’acides aminés, qui sont les éléments constitutifs de la vie.

Des recherches ultérieures ont montré que, en réalité, l’atmosphère primitive de notre planète était quelque peu différente de celle de l’expérience créée par Miller, et que ses principaux composants étaient l’azote et le dioxyde de carbone, mais aussi l’hydrogène et le méthane en plus petites quantités.

Les principes défendus par Miller demeurent néanmoins largement valables : la foudre, combinée aux impacts d’astéroïdes et aux rayons ultraviolets du Soleil, aurait entraîné la création du cyanure d’hydrogène qui, en réagissant avec le fer apporté par l’eau de la croûte terrestre, aurait à son tour permis la formation de substances chimiques telles que les sucres. En se combinant, ces substances pourraient avoir créé des brins d’acide ribonucléique, ou ARN, un composant clé de la vie destiné à stocker des informations génétiques ; par la suite, les molécules d’ARN auraient commencé à se répliquer, permettant ainsi à la vie de se développer.

Comment ces molécules d’ARN se sont-elles transformées en structures cellulaires complexes entourées de membranes protectrices ?

Les coacervats pourraient bien en être responsables. Ces gouttelettes composées de protéines et d’acides nucléiques sont capables d’encapsuler des composants et de les lier entre eux, tout comme des cellules, mais sans avoir recours à une membrane. Selon plusieurs chercheurs, les coacervats auraient pu concentrer l’ARN primitif et d’autres composés organiques, formant ainsi des protocellules.

 

2. DES ORIGINES SPATIALES

Selon une autre théorie, les acides aminés, ainsi que d’autres éléments essentiels à la vie tels que le carbone et l’eau, pourraient être arrivés sur la Terre primitive depuis l’espace. En effet, certaines comètes et météorites contiennent certains des mêmes éléments organiques nécessaires à la formation de la vie ; leur chute sur notre planète pourrait donc bien avoir augmenté la disponibilité des acides aminés.

Selon Jack Szostak, prix Nobel de physiologie ou médecine, chimiste de l’Université de Chicago qui dirige un programme interdisciplinaire intitulé Origins of Life, les impacts d’astéroïdes et de comètes ont très certainement joué un rôle crucial.

Le scientifique note qu’une atmosphère primitive composée d’azote et de dioxyde de carbone aurait été moins susceptible de mener à certaines des réactions chimiques observées dans le mélange d’hydrogène, de méthane et d’ammoniac de l’expérience de Miller-Urey. Cependant, d’après lui, un impact de taille modérée peut entraîner la présence temporaire d’hydrogène et de méthane atmosphériques, permettant ainsi des conditions propices à la formation de composés organiques de manière éphémère.

« C’est comme avoir le beurre et l’argent du beurre », illustre-t-il.

 

3. LES ABYSSES, BERCEAU DE LA VIE ?

La vie pourrait également avoir vu le jour dans les profondeurs de l’océan, près des cheminées hydrothermales situées dans les fonds marins, bien que Szostak rejette cette hypothèse.

« Si l’on examine le processus chimique qui permet de passer de matériaux de départ simples à des nucléotides et de l’ARN, on s’aperçoit que bon nombre d’étapes nécessitent le rayonnement UV du Soleil pour pouvoir entraîner les réactions », explique-t-il. « L’énergie solaire est de loin la plus grande source d’énergie, même sur la Terre primitive. Si plusieurs étapes chimiques nécessitent des UV, elles ne peuvent donc pas avoir lieu dans les abysses. »

Malgré tout, il est presque certain que la vie trouve bel et bien ses origines dans l’eau.

« Un solvant est nécessaire pour donner lieu à des réactions chimiques », souligne Cleaves. « Il faut un liquide, et seuls quelques liquides sont stables dans les conditions observées sur une surface planétaire. Même dans le système solaire primitif, l’eau s’avérait être le plus abondant de ces liquides. »

Selon Szostak, plutôt que dans les profondeurs de l’océan, il est bien plus probable que la vie se soit établie « à la surface, sûrement dans des étangs peu profonds ou dans un environnement comme des sources chaudes : un type d’environnement très courant autour des sites d’impact ou des régions volcaniques. » (Il est en effet fort possible qu’une activité volcanique intense ait contribué à la formation de la vie, notamment en générant de grandes quantités d’éclairs localisés.)

Bien que l’ensemble des formes de vie présentes aujourd’hui sur Terre partagent un ancêtre commun universel, une forme de vie microbienne inconnue qui a vraisemblablement disparu depuis longtemps, il est possible que la vie ait vu le jour à de multiples occasions et de différentes manières, et qu’elle ait été éteinte par des impacts de comètes ou n’ait simplement pas réussi à se développer jusqu’à ce que la molécule à base d’ARN qui est à l’origine de notre existence ne parvienne à se former.

« Il s’agit peut-être d’un pur hasard », suggère Cleaves.

 

LA CLÉ POUR COMPRENDRE L’ORIGINE DE LA VIE

Si cela a bien été le cas, nous ne saurons certainement jamais ce qu’il aurait pu en être, car ces formes de vie n’ont laissé aucune trace de leur existence.

La vie aurait très bien pu suivre un chemin très différent, qui n’aurait pas permis la naissance des fleurs, des arbres, des dinosaures ou des êtres humains. Selon Szostak, la clé pour comprendre l’origine de la vie est d’arrêter de voir cette dernière comme un seul et unique grand mystère à résoudre, mais comme un ensemble de petits mystères qui s’accumulent les uns sur les autres.

« La vie est un système tellement complexe que même le plus simple des virus ou bactéries est constitué des milliers de composants. Il est difficile de saisir comment une telle chose a pu surgir de nulle part. La réalité, c’est qu’elle n’a pas surgi de nulle part. C’est un long processus qui s’est produit étape par étape. »

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    Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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