Les cheveux bouclés auraient-ils joué un rôle dans l'évolution humaine ?

Une nouvelle étude révèle de quelle manière les cheveux bouclés auraient permis, au temps des premiers hominines, de protéger notre cerveau en plein développement.

De Tom Metcalfe
Publication 23 juin 2023, 10:24 CEST
Les scientifiques s’interrogent depuis longtemps sur la raison pour laquelle nous possédons des cheveux et peu ...

Les scientifiques s’interrogent depuis longtemps sur la raison pour laquelle nous possédons des cheveux et peu d’entre eux trouvent un consensus sur le sujet. Les dernières recherches ont toutefois montré qu’avoir des cheveux bouclés aurait un jour pu constituer un avantage évolutif pour nos ancêtres.

PHOTOGRAPHIE DE Rebecca Hale, Nat Geo Image Collection

Les cheveux bouclés pourraient avoir été, à l'origine, un avantage évolutif permettant la croissance du cerveau. Cette hypothèse est issue d’une nouvelle recherche au cours de laquelle un mannequin portant une perruque a été placé dans une soufflerie aérodynamique climatique.

« Le cerveau est un organe volumineux très sensible à la chaleur, il en génère beaucoup lui-même », explique Tina Lasisi, actuellement chercheuse postdoctorante en anthropologie physique à l'université d'État de Pennsylvanie. « Nous nous sommes donc dit que cela pouvait être important du point de vue de l'évolution, surtout à une époque où l'on constate que la taille du cerveau de notre espèce a augmenté. »

Selon les nouvelles recherches, non seulement les cheveux formant des boucles serrées protègent mieux le cuir chevelu du rayonnement solaire, mais en plus ils ne s’aplatissent pas contre la peau lorsqu'ils sont mouillés. Cela représente un avantage lorsque les humains évoluent dans un environnement chaud et qu’ils transpirent, conditions qu’ont rencontrées nos ancêtres hominines en Afrique il y a des millions d'années.

 

TRANSPIRER A UN COÛT

Un article de recherche de Tina Lasisi et de ses collègues de l'université d'État de Pennsylvanie, publié dans Proceedings of the National Academy of Sciences, décrit les résultats obtenus lors d’une étude sur la façon dont les cheveux régulaient la température du cuir chevelu lorsque celui-ci était exposé aux rayons du soleil. Pour cela, différentes perruques ont été placées sur un « mannequin thermique ».

Ce dernier, chauffé à une température corporelle moyenne de 35 degrés Celsius, a été installé dans une chambre climatique à l'intérieur d'une soufflerie aérodynamique. Cela a permis aux scientifiques d'étudier la quantité de chaleur transférée entre la peau du mannequin et l'environnement.

Trois perruques ont été fabriquées à partir de cheveux humains noirs provenant de Chine : lisses pour la première, modérément bouclés pour la deuxième et formant des boucles très serrées pour la troisième. Les chercheurs ont ainsi pu observer l’influence des différentes textures de cheveux sur les transferts de chaleur opérés par le cuir chevelu. Après avoir mouillé les perruques pour simuler la transpiration, ils ont également calculé la perte de chaleur engendrée par un vent soufflant à différentes vitesses.

Les chercheurs ont ensuite créé un modèle de perte de chaleur dans différentes conditions et l'ont étudié dans celles que l’on retrouve en Afrique équatoriale où l'on pense que les premiers hominines ont évolué.

Ils ont appris que tous les types de cheveux offraient une certaine protection contre le soleil, mais que ceux formant des boucles serrées protégeaient davantage et réduisaient le besoin de transpirer, ce qui est une découverte importante selon Tina Lasisi.

« Il est possible que les cheveux soient un mécanisme passif qui nous évite le coût physiologique de la transpiration », explique-t-elle. « La transpiration a un coût : on perd de l'eau et des électrolytes. Et pour nos ancêtres hominines, cela aurait pu être un élément important. »

 

LES CHEVEUX HUMAINS : UN MYSTÈRE

Les scientifiques s’interrogent depuis longtemps sur la raison pour laquelle nous possédons des cheveux et peu d’entre eux trouvent un consensus sur le sujet.

Nombreux sont ceux qui les associent à notre passage de créatures quadrupèdes à bipèdes, estimant que les cheveux aidaient à réguler la température du corps en agissant comme une barrière contre le soleil équatorial.

Niccolo Caldararo, anthropologue à l'université d'État de San Francisco, qui n'a pas participé à la dernière étude, penche pour la « théorie du radiateur » de l'anthropologue évolutionniste Dean Falk. Selon cette dernière, les cheveux protègeraient les cerveaux des hominines, en plein développement, de la chaleur du soleil et du froid.

Niccolo Caldararo fait toutefois remarquer qu'il s'agit d'un sujet complexe comportant de nombreuses variables : par exemple, les cheveux blancs qui réfléchissent la lumière pourraient constituer une meilleure protection contre le soleil que les cheveux noirs qui en absorberaient la chaleur.

Les recherches de Tina Lasisi et de ses collègues portent à débat selon Kurt Stenn, dermatologue non impliqué dans l'étude et auteur de Hair: A Human History. Il estime que les chercheurs auraient dû tenir compte de la forme et de la densité des cheveux humains.

Par exemple, en coupe transversale, les cheveux asiatiques utilisés dans l'étude ont tendance à être ronds, ils absorbent donc davantage de chaleur que certains types de cheveux africains qui forment un long ruban et s'enroulent plus facilement, explique-t-il.

La biologiste évolutionniste Elizabeth Tapanes de l’université de Californie, sur le campus de San Diego, qui n'a pas participé à l'étude, estime que cette recherche constitue « un grand pas dans la réflexion sur les raisons pour lesquelles nous avons autant de cheveux sur la tête ».

Elle ajoute que l'étude des poils d'autres primates, en même temps que des cheveux humains, pourrait aider les scientifiques à mieux comprendre comment ceux-ci maintiennent la tête au frais. Ses propres études sur les lémuriens appelés propithèques ont abouti à des résultats similaires.

Ces derniers grimpent et sautent, ils sont donc généralement debout, la tête face au soleil, explique Elizabeth Tapanes. Les chercheurs ont constaté qu'ils avaient davantage de poils sur le cuir chevelu et moins sur le corps dans les environnements chauds et humides.

 

UN AVANTAGE ÉVOLUTIF ?

Il est même possible que les cheveux bouclés soient l'une des raisons pour lesquelles l'Homo sapiens a supplanté les Hommes de Neandertal et de Denisovan qui se sont éteints il y a environ 40 000 ans.

Tina Lasisi souligne que si les mutations génétiques à l'origine des cheveux bouclés se sont produites avant que l'Homo sapiens ne quitte l'Afrique, mais après le départ de nos ancêtres hominines, elles pourraient avoir conféré aux premiers hommes modernes un avantage évolutif.

Elle ne pense cependant pas que ce soit le cas. L'étude suggère plutôt que les gènes des cheveux bouclés seraient apparus beaucoup plus tôt dans l'évolution humaine, il y a environ deux millions d'années, lorsque l’Homo erectus était l'hominine dominant. Elle suggère que, protégeant le cuir chevelu du soleil, ils ont pu donner un avantage à ceux qui les possédaient, à mesure que leur cerveau se développait.

Selon Tina Lasisi, toute prédisposition génétique aux cheveux bouclés chez les premiers hominines était probablement variable. « Nous ne pensons pas qu'elle ait été homogène », précise-t-elle. À un stade ultérieur de notre évolution, les cheveux bouclés ont pu perdre leur statut d’avantage évolutif, les cheveux lisses ayant pu être favorisés par différents types de sélections génétiques.

« Peut-être que, une fois nos cerveaux davantage développés, sont venues toutes ces adaptations pour éviter que notre corps ne surchauffe, comme de meilleures sources d'eau », suppose-t-elle. « À ce moment-là, il n'y a peut-être pas eu de pression de sélection en faveur des cheveux bouclés. »

Selon Tina Lasisi, les prochaines étapes de la recherche consisteront à partir en quête de preuves génétiques susceptibles d'étayer la théorie.

« Tout d'abord, nous devrons en savoir plus sur l’Homme moderne, notamment sur les gènes associés à la morphologie des cheveux », explique-t-elle. « La deuxième étape consistera à collaborer avec des personnes qui travaillent sur l'ADN ancien pour voir si ces gènes sont présents chez les Hommes archaïques. »

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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