Un nouveau type de cellule cérébrale a été découvert

Notre cerveau est composé de deux types de cellules : les neurones et les cellules gliales. Dans cette deuxième famille de cellules cérébrales, des chercheurs Suisses ont récemment découvert un type de cellule spécifique jusqu’alors inconnu.

De Marie Zekri
Publication 4 oct. 2023, 17:21 CEST
Dans le cerveau, les neurones matures (en bleu gris) et les jeunes neurones (en rouge), sont ...

Dans le cerveau, les neurones matures (en bleu gris) et les jeunes neurones (en rouge), sont accompagnés d’astrocytes (en vert), qui sont chargés de « prendre soin » d’eux en fournissant soutien et nutriments. Cette image obtenues par microscopie confocale nous révèle une explosion de lumière et de couleurs. 

PHOTOGRAPHIE DE Wiki Commons domaine public

Une récente étude codirigée par Ludovic Telley et Andrea Volterra du département de neuroscience fondamentale de l’Université de Lausanne et du Wyss Center de Genève, en Suisse, a été publiée dans la revue scientifique Nature. Les chercheurs révèlent l’existence d’un type de cellule cérébrale inconnu jusqu’alors. 

Il s’agit d’un sous-type faisant partie de la famille des cellules gliales, l’un des deux types de cellules cérébrales avec les neurones, tous deux essentiels dans le fonctionnement du système nerveux central. Cette découverte s’inscrit dans un contexte de plus de vingt années de recherches sur les spécificités et le rôle d’un groupe de cellules cérébrales de la famille gliale : les astrocytes.

 

UN SCHÉMA COMPLEXE

« La réponse motrice, la mémoire, la perception sont produits dans le cerveau à partir de la communication des cellules neuronales », explique Andrea Volterra. Notre cerveau abrite deux types de cellules : les neurones, véritables transmetteurs et élaborateurs de l’information et les cellules gliales, qui entourent, soutiennent et isolent les neurones du système nerveux central, à la fois au niveau du cerveau et dans la moelle épinière. Selon les idées communes, ce type de cellules est plutôt tourné vers une « fonction métabolique du système nerveux », explique Andrea Volterra. 

On subdivise cette famille en trois groupes : les cellules de la microglie, sortes d’agents immunitaires du système nerveux central, les oligodendrocytes, qui s’enroulent autour des axones afin d’accélérer la rapidité de communication des neurones, et les astrocytes, qui tirent leur nom de leur forme étoilée. Ces derniers fournissent les nutriments nécessaires et s'occupent de la régulation de l’environnement chimique des circuits cérébraux. Leurs branchages viennent notamment se positionner au niveau des synapses, haut lieu de la circulation de l’information neuronale. 

Anatomie des neurones schématisée. Les neurones sont des cellules traitant et transmettant l'information dans le système nerveux sous la forme d'excitations électriques. Chez les vertébrés, les neurones sont le composant clé du cerveau, de la moelle épinière et des nerfs périphériques. 

PHOTOGRAPHIE DE Wiki Commons domaine public

Les réseaux synaptiques permettent d’envoyer en permanence des quantités phénoménales d’informations. La synapse est la structure où un neurone entre en contact avec un autre grâce à des neurotransmetteurs, comme le glutamate. « Plus de 50 % des neurones du cerveau utilisent du glutamate [un acide aminé] pour transmettre l’information au niveau des synapses », explique Andrea Volterra. De cette façon, les neurones envoient des messages, élaborent et intègrent des signaux. 

Les neurones transmettent leurs messages par voie électrique, ce qui permet une communication très rapide d’un neurone à l’autre via les synapses. Les cellules gliales ne sont pas impliquées dans la production de signaux électriques, mais plutôt dans une communication chimique. C’est dans les synapses que « le message neuronal électrique est transformé en signal chimique », ajoute Andrea Volterra. Les informations électrochimiques provenant de plusieurs neurones peuvent se rencontrer et donner naissance à des signaux intégrés qui sont fournis aux neurones suivants. 

 

UN NOUVEAU TYPE D’ASTROCYTE

Les chercheurs ont fait une découverte étonnante : certains types d’astrocytes, sous-types de cellules gliales, ont un fonctionnement étrangement proche de celui des neurones. Depuis quelques années, les neuroscientifiques avaient connaissance d’une activité particulière de « gliotransmission » des astrocytes, mais leur fonctionnement et leurs spécificités n’avaient encore jamais été observés. 

« Grâce aux techniques moléculaires que nous utilisons, nous avons découvert qu’il y avait une multitude de sous-types d’astrocytes, tous similaires à 90 %, mais chacun avec des spécificités », explique Andrea Volterra. C’est l’un de ces sous-groupes, l’astrocyte glutamatergique, qui présente de frappantes similitudes avec le fonctionnement des neurones synaptiques. « Ils ont un rôle de transmetteurs ». Les neurones ne sont donc pas les seules cellules capables de communiquer entre elles. 

Situées dans la région cérébrale de l’hippocampe, qui régit notamment la mémoire spatiale, ainsi qu'au centre du cerveau, point de contrôle de la motricité, les astrocytes glutamatergiques sont capables sous stimulation de faire fusionner des vésicules contenant le glutamate et d’en libérer le contenu, pour communiquer avec d’autres cellules, comme dans le schéma neuronal classique.

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    Dans cette étude, les chercheurs ont été capables de localiser la libération de glutamate grâce à des détecteurs à fluorescence. Cette découverte a été faite en deux étapes. Dans un premier temps, ils ont procédé à une approche moléculaire poussée. Pour ce faire, les scientifiques ont codé la totalité de l’ARN messager contenu dans chaque cellule astrocytaire, à l’aide d’une approche bio-informatique de pointe, ont pu combiner toutes les informations, et ainsi identifier quelles cellules appartiennent à la même catégorie. 

    « Cette technique permet de mettre en évidence les variantes d’ARN messager d'une cellule à une autre et de classer les cellules individuelles dans des catégories », explique Andrea Volterra. C’est à partir de cette technique, que les chercheurs sont parvenus à identifier des similitudes entre le sous-type d’astrocytes glutamatergiques et les neurones.

    Restait ensuite à confirmer que le type d’astrocytes découvert était bel et bien capable de relâcher du glutamate. « Nous avons utilisé un indicateur génétiquement modifié qui permet de marquer par fluorescence la libération de glutamate ». Par étude microscopique, il est alors possible de voir chaque cellule émettre du glutamate.

    Afin de mettre en lumière le rôle des astrocytes glutamatergiques, les chercheurs ont « retiré génétiquement l’une des molécules essentielles pour libérer le glutamate dans ces cellules chez les souris ». En inhibant la production de cette protéine, « la mémoire spatiale de la souris génétiquement modifiée est bien inférieure à celle d’une souris normale », explique Andrea Volterra. « Cela indique que dans la localisation anatomique des circuits de la mémoire, ces cellules jouent un rôle non négligeable ». Le neuroscientifique souligne également qu’en « supprimant cette même protéine et en induisant l’épilepsie aigue chez des souris, les crises étaient bien plus nombreuses ». 

    C’est une découverte majeure car ces astrocytes pourraient être impliqués dans les dérèglements responsables de l’apparition de la maladie d’Alzheimer ou encore de Parkinson. C’est en effet dans les mêmes régions du cerveau où l'on retrouve ces astrocytes que ces maladies neuro-dégénératives commencent à se développer.

    En admettant que ces cellules font ce que d’autres cellules font, cela implique qu’une maladie « neuro-dégénérative » pourrait ne pas être causée uniquement par un endommagement des neurones. « Peut-être que ces derniers sont endommagés parce que d’autres cellules, comme les astrocytes glutamatergiques, ne fonctionnement pas correctement », fait remarquer Andrea Volterra. Cela implique de repenser le fonctionnement normal et pathologique du cerveau.

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